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dimanche 14 mars 2021

En attendant des jours meilleurs

 
Sur le bureau des dizaines de brouillons griffonnés au dos des anciennes attestations de déplacements dérogatoires accumulées depuis mars 2020. Des mots s’y bousculent pour consigner des découragements, de timides espoirs tout aussitôt balayés par des informations contradictoires, des discours incohérents, des injonctions à se faire vacciner et l’impossibilité d’obtenir des rendez-vous pour les personnes de plus de 75 ans sur les plateformes saturées. Inscrite depuis le 4 février sur une liste d’attente de la mairie, ma mère âgée n’a été contactée qu’un mois plus tard pour recevoir une première dose du vaccin. La prochaine le 31 mars. Enfin ! Protection efficace parait-il, mais pour combien de temps ?    
Le 17 mars dernier, il y a un an, la France entrait en résistance contre la pandémie du covid19. 
Un inimaginable silence s'est abattu sur Paris sans voiture, sans piéton




Plus un chat dans les rues... ou presque.


La stupeur s’est abattue sur l’humanité. La veille, pour conjurer cette paralysie programmée, j’avais marché jusqu’au lac de Saint-Mandé et fait plusieurs fois le tour dans la vaine tentative d’emmagasiner un bol de printemps, réalisant qu’il serait confisqué. L’immobilité forcée allait se prolonger 56 jours et la suite ne fut guère mieux.
Les mesures prises dans l’urgence ont durablement chamboulé nos vies, réduit à peau de chagrin nos activités, nos rencontres familiales et amicales, notre mobilité, nos certitudes.
J’ai tenté quelques mois de témoigner sur le quotidien d’une française « entre deux rives » pour ne pas sombrer dans la léthargie ambiante. 
Puis en début d’année 2021, j’ai renoncé à publier les textes sans originalité que m’inspirait une situation bloquée dans l’élasticité des jours, des semaines, des mois qui passent sans la moindre éclaircie à l’horizon.
Pas disposée à me lamenter sur mon sort, ni à disserter sur l’empathie ressentie pour les vieux, les jeunes, et tous les autres accablés d’angoissantes questions sur l’avenir. 
Pas disposée à polémiquer sur des décisions sanitaires, des mesures indispensables dont la mise en place a soulevé tour à tour d’inextricables difficultés (masques, tests, vaccins… obligatoires mais indisponibles), à ressasser tout un vocabulaire liberticide faisant appel au sens des responsabilités et de la solidarité, un vocabulaire médical dont tout le monde s’est emparé pour en saupoudrer les plus banales conversations…
Alors que reste-il à raconter quand on passe une bonne partie de la journée à déambuler sans but, à fixer des écrans à la recherche d’un peu de nourriture culturelle, d’évasion, à écouter de la musique pour combler le silence, à lire des polars parce que l’on n’arrive plus à se plonger dans les œuvres littéraires qu’on s’était pourtant juré de redécouvrir.
La matière manque à mes curiosités habituelles. Mon regard cherche à se focaliser sur une sortie de tunnel qui s’éloigne en permanence.
L’écriture fut sacrifiée devant l’urgence de profiter du dé-confinement du 15 décembre 2020, remplacé par un couvre-feu à 20h, puis d’un autre plus contraignant à 18h dès le 16 janvier 2021. Une impression d’étau qui se ressert ! 
Le re-confinement semblait inéluctable mais pour le moment, le scenario n’a été retenu que sur une partie du territoire, tandis que des contraintes drastiques étaient appliquées en Turquie sur les populations de plus de 65 ans et les moins de 18 ans, visant à privilégier la poursuite de l’activité économique, trop précaire, tout en confinant la totalité de la population les week-ends. Stratégie contestable, mais semble-il pas moins efficace que d’autres…
C’est alors qu’une décision ministérielle provoqua l’indignation dans le petit monde des expatriés. Détail insignifiant pour la plupart des Français de l’hexagone : la fermeture des frontières aux Français non résidents européens effective au 31 janvier 2021.
La simple lecture des motifs impérieux à justifier, dont étaient exclus les visites familiales, le soutien moral aux frères, aux sœurs, aux enfants, jeunes adultes éventuellement étudiants en situation précaire, aux parents même très âgés et isolés, voire malades, m’a plongé dans la sidération puis la colère ! Exception faite pour les enterrements ! Il aurait fallu dire merci ?
Discrimination inconcevable autant qu’inacceptable ! Qui a bien pu élaborer une décision aussi inhumaine et bafouant les lois constitutionnelles !
Les Français de l’étranger (hors Europe) ont été relégués sans état d’âme au rang de parias de la société. Ils l’étaient déjà concernant de nombreux sujets mais cette fois une limite a été franchie.
Un assouplissement des conditions de voyage entre la France et certains pays étrangers à compter du vendredi 12 mars, a été signalé par le consulat à Istanbul précisant que la Turquie n’en faisait pas partie mais que la liste des motifs impérieux avait été élargie… Maigre réconfort !
Mais il semble que le Conseil d'État a suspendu l'obligation pour les Français rentrant de l'étranger de faire valoir des motifs impérieux, dans un communiqué de ce même vendredi 12 mars, reconnaissant que, je cite : « l’impact de ces déplacements est mineur sur la propagation de l'épidémie de Covid-19 » et que « exiger un motif impérieux porte une atteinte disproportionnée au droit fondamental qu’a tout Français d’accéder à son pays ».
Voila donc une reconnaissance tardive mais apportant un certain soulagement !
 
Le piège qui s’était fermé le 31 janvier s’est entrouvert. En repartant à Istanbul, je n’aurai pas à subir l’interdiction de remettre le pied sur le sol français !
A priori, contrairement à la situation du printemps dernier, le trafic aérien, bien que réduit, n’est pas paralysé.
Mais l’éligibilité d’une nouvelle tranche d’âge à l’accès au vaccin soulève déjà d’autres points d’interrogation ! Son opportunité prochaine pour moi en France semble se présenter avec Astra Zeneca…. Mais la 2e dose serait administrée 12 semaines après la première ! Un nouvel handicap pour un éventuel retour au bercail !
 

mercredi 4 novembre 2020

Un druide au Père Lachaise

Dimanche dernier, une réunion familiale était prévue mais annulée pour cause de re-confinement. C’était aussi le jour de la Toussaint et les restrictions ont été sensiblement allégées pour permettre la visite des cimetières. Pour qu’il soit possible de fleurir les tombes, les fleuristes ont obtenu une autorisation de rester ouverts le weekend. Les 3 premiers jours de confinement étaient donc sous le signe de l’indulgence. Il était tentant d’en profiter car bien qu’à proximité, il est pour moi hors du périmètre d’éloignement autorisé de 1 km.


Une fois accompli le rituel de la rose déposée sur la pelouse du jardin du souvenir (lieu de dispersion des cendres des défunts après crémation), malgré une présence policière importante, aucun contrôle d’attestation n’est venu limiter une déambulation dans les allées aux quelques 70000 sépultures et monuments commémoratifs.



Ce cimetière, créé en 1804, ne fut pas d’emblée très prisé des Parisiens à cause de sa situation en hauteur et à cette époque hors de la capitale. Il est intéressant de noter que le transfert des dépouilles d'Héloïse et d'Abélard (célèbres amants médiévaux), ainsi que de Molière et de La Fontaine en 1817,  fut déterminant pour le transformer en un lieu plus convenable à la postérité des défunts. A partir de ce moment de célèbres architectes et sculpteurs furent mis à contribution. De nombreuses sépultures de styles variés, chapelles funéraires, sarcophages, stèles, dalles sont aujourd’hui classées monuments historiques.


Il y aurait environ 5000 personnalités de nationalités diverses dont une centaine fréquemment visitée. Frédéric Chopin, Honoré de Balzac, Alfred de Musset, Oscar Wilde, Théodore Géricault, Marcel Proust, Maurice Ravel, Édith Piaf, Jim Morrison, Yves Montand et Simone Signoret, Alain Bashung, Jacques Higelin… Mais aussi de célèbres exilés turcs d’origine kurde, Yılmaz Güney (1937-1984), acteur et réalisateur de plusieurs films dont Yol, Palme d’Or à Cannes en 1982 et Ahmet Kaya (1957-2000), compositeur et chanteur.

Les pentes escarpées invitent à la flânerie et offrent une belle perspective sur la végétation pérenne ou occasionnelle... Malgré le calme environnant, je n'ai pas croisé la famille de renards qui a élu domicile en ces lieux depuis le premier confinement en mars. Ils attendent la fermeture des grilles pour gambader et chasser à leur aise! 


Cette fois mon regard fut attiré par une étonnante construction évoquant un dolmen en bordure de la 44e division. Généreusement fleuri, il abrite la dépouille d’Hippolyte-Léon Rivail (1804-1869), pédagogue et instituteur lyonnais, alias Allan Kardec, fondateur de la philosophie spirite. Un inconnu pour tous ceux qui n’ont pas d’attirance pour les phénomènes paranormaux mais un maitre incontesté pour tous les médiums du monde. 


Alors que les sociétés occidentales au milieu du 19e siècle s’entichent des tables tournantes, mode venue d’outre-Atlantique, le pédagogue en supervise quelques-unes afin de retranscrire les séances.  Sans doute conquis, il se documente afin de codifier cette nouvelle doctrine. Désignée par lui « spiritisme », il veut l’imposer comme une science. Le spiritisme de Kardec se teinte d’une dimension sociale. Considérant que toutes les composantes de l'univers sont en perpétuelle évolution, il est favorable au darwinisme et contribue à sa divulgation dans les milieux populaires au 19e siècle. Le mouvement s’implique également dans des œuvres philanthropiques et prend parti pour le vote des femmes, l'abolition de l'esclavage, l'abolition de la peine de mort, le pacifisme et l'internationalisme. Ce qui peut expliquer sa grande popularité dans les milieux intellectuels. 

En rapide déclin en Europe à partir des années 1920, le spiritisme sera suivi religieusement par des millions d’adeptes, et encore de nos jours, principalement au Brésil, en Argentine et à Cuba. 

Hippolyte-Léon Rivail a écrit plusieurs ouvrages de pédagogie, mais utilisera le pseudonyme à consonance indubitablement celtique, Allan Kardec, pour développer les principes théoriques et expérimentaux de la communication avec l’au-delà, l'existence, les manifestations et l’enseignement dispensé par l’esprit des disparus. Victor Hugo sera l’un des nombreux collaborateurs de la Revue spirite, créée en 1858.

Rivail se dédouble en Kardec après avoir acquis la certitude d’être la réincarnation d’un druide. Révélation qui justifiera le choix d’un dolmen pour sépulture et l’inscription au fronton de la tombe : « naître, mourir, renaître encore et progresser sans cesse, telle est la loi ».

Il n’est donc pas certain qu’elle soit la dernière demeure de son repos éternel !

En tout cas, il ne manque pas d’interlocuteurs. On n’ose imaginer tout ce que ces beaux esprits peuvent se raconter, sans compter les conflits car tous n’ont pas atteint un degré supérieur dans l’échelle spirite !


Il ne manque pas d’adeptes non plus… Selon la légende, il aurait de son vivant proposé : “Après ma mort, si vous passez me voir, posez la main sur la nuque de la statue qui surplombera ma tombe, puis faîtes un vœu. Si vous êtes exaucés, revenez avec des fleurs.” Ceci est à l’origine d’un rituel auquel s’adonnent de nombreux visiteurs comme en témoignent les offrandes florales. Par contre toutes les autres manifestations d’idolâtrie sont vivement proscrites comme le précise une pancarte de la mairie de Paris.   


  

mardi 1 septembre 2020

Assignée à résidence d’été

Entre baignade, lecture et jardinage, les semaines se sont succédé dans un environnement plutôt privilégié.


Monotonie de la répétition, absence de fantaisie, prudente mise en pause des festivités estivales, des vagabondages impromptus, des escapades improvisées, des réunions familiales ou amicales insouciantes… Il a bien fallu s’adapter à ces restrictions afin de se comporter de façon respectueuse et responsable envers les autres.

Et puis d’autres turbulences venues s’ajouter à la crainte de la situation sanitaire et économique ont aiguisé la conscience de notre vulnérabilité tout au long de cet été décidément pas comme les autres.

Pour remplir des journées trop longues, pour tenter de chasser les inquiétudes, il ne restait plus qu’à se concentrer sur des activités simples et les apprécier.

Une marche matinale pour savourer la liberté de circuler fut souvent suivie de quelques lents mouvements de Qi Gong afin de maintenir un équilibre mental en maitrisant le souffle autant que possible. Une méditation devant l’étendue des flots avant que le soleil ne darde trop fort ses rayons ne fut pas superflue pour éloigner les idées toxiques en laissant le regard s’attarder sur quelques barques de pêcheurs, ponctuant parfois de virgules la ligne d’horizon.

Au fil des semaines, il y eut la récolte des abricots dont les tout premiers, début juillet.


Puis la cuisson des confitures, production maison qui aurait été plus abondante si des chapardeurs n’avaient nuitamment délesté les branches de la moitié de leurs fruits…

La récente récolte des poires fut plus généreuse que l’année passée malgré la faible croissance de l’arbre planté en 2013, bien moins rapide que celle d’Elvan qui depuis ses premières compotes a exprimé une préférence pour ce fruit.


Il n’aura pas eu l’occasion de les cueillir ni d’en manger cette année ! Pas dégusté non plus la tarte pomme/poire. Il a passé loin d’ici, en Corrèze, ses vacances et c’est aujourd’hui pour lui la rentrée en CE2…


Comme les précédents étés j’ai ramassé les fleurs de guimauve, les pignons de pin, et généreusement garni en simit les mangeoires suspendues aux branches du sapin pour le plaisir d’entendre chanter les mésanges, les regarder picorer les graines de sésame.


Il y en avait une nouvelle cette année accrochée au tilleul, confectionnée et joliment décorée en avril par Elvan.

 

En soirée il y eut des crépuscules colorés, des nuages aux allures d’anges, des clairs de lune scintillants…




 

Et tout au long des journées, la compagnie de Mimi, chat fidèle qui revient depuis sept années consécutives réclamer sa pitance et surtout des câlins. Pas rancunier, il vient se frotter dans nos jambes dès le premier jour de notre arrivée en guise de bienvenue. Appréciant en épicurien le confort des coussins pendant quelques mois, il semble s’être résigné avec sagesse à une vie moins facile le reste du temps. Une sorte de vagabond apprivoisé et pacifique, se tenant à bonne distance des conflits qu’entretiennent parfois ses congénères.

 

Depuis deux semaines, les cigognes se sont rassemblées dans le ciel en préparation du grand départ. 




Généralement c’est aussi le signal de la migration des citadins vers la ville, mais cette année, il est bien possible qu’ils s’attardent davantage dans cet environnement rural et peu touristique de Thrace orientale pour tenter d’échapper à la promiscuité urbaine où le virus redouté circule plus activement, faisant planer sur les prochains mois une nuée d’incertitudes.


mardi 23 juin 2020

Le déconfinement vu du ciel, retour à Istanbul


Le 15 juin un message du Consulat de France à Istanbul communiquait les informations sur les mesures prises par les autorités turques et sur les liaisons aériennes avec la France.
« Les Français et les ressortissants des pays tiers sont désormais autorisés à entrer en Turquie par les frontières terrestres, maritimes et aériennes, à l’exception des postes frontières avec l’Iran. Ils seront soumis à un contrôle sanitaire à leur arrivée. En l’absence de symptômes, l’obligation de quarantaine (à domicile) a été levée. En cas de symptômes, un test PCR gratuit pourra être effectué et les personnes seront, le cas échéant, dirigées vers une structure de soins. »
D’après le message, la réciprocité ne semble pas être de mise et l’arrivée en France est soumise à conditions :
« Seules les personnes actuellement autorisées à entrer dans l’espace Schengen sont, pour l’instant, autorisées à embarquer sur ces vols :  Français et leurs conjoints et enfants – à condition s’ils n’ont pas la nationalité française d’avoir un visa —, ressortissants des pays de l’UE et pays assimilés résidant en France de manière permanente, ressortissants turcs et de pays tiers titulaires de cartes de séjour en cours de validité. Les personnes entrant en France doivent également se munir des attestations requises (attestation de déplacement international et de non-présentation des symptômes) et doivent également, jusqu’à nouvel ordre, observer une quatorzaine « volontaire » à leur arrivée en France. »
Précisions concernant la fréquence des vols:
« Turkish Airlines a annoncé son intention d’assurer, dans la seconde moitié du mois de juin, les dessertes de Paris (5 vols par semaine à partir du 15 juin) et de Lyon (3 fois par semaine à partir du 17 juin) au départ de l’aéroport International d’Istanbul. Des vols directs vers la France sont également annoncés par les compagnies Anadolu Jet (Paris au départ de Sabiha Gökçen et d’Ankara), Sun Express (Paris au départ d’Izmir puis à partir du 6 juillet, Lyon au départ d’Izmir) et Pegasus. »

  
Après un séjour parisien de 102 jours dont 57 de confinement, la décision de repartir n’a cependant pas été évidente, consciente du lien entre trafic aérien et diffusion des épidémies.
Sans l’insouciance habituelle d’avoir la liberté d’aller et revenir à tout moment, j’ai choisi cependant de franchir la frontière.
Le départ s’est fait au terminal 2E. Apparemment le terminal 1 de l’aéroport Charles de Gaule d’où partent habituellement les trois vols quotidiens de la compagnie Turkish Airlines est encore fermé.

L’embarquement s’est déroulé de façon traditionnelle, c'est-à-dire longue file d’attente pour atteindre les guichets, même en ayant pris la précaution d’imprimer préalablement la carte d’embarquement. Absence de borne sur place. Dans la file, distanciation physique à peu près respectée et port du masque chirurgical obligatoire. Vue l’affluence de passagers en partance, le Boeing 777-300 (2+4+2 de front, en classe économique) va être au maximum de son remplissage.
Prise de température frontale au contrôle passeport et bagages cabine.
L’embarquement par petit groupe a pris du temps. Quasiment aucun siège vide, mais tout le monde est masqué.
Il ne reste plus qu’à accorder notre confiance aux débits de ventilation, à l’efficacité des filtres de l’appareil, et à la pureté de l’air pompé à 10.000 mètres d’altitude.

La collation proposée est réduite à la distribution d’un sachet individuel contenant un sandwich, une bouteille d’eau, un jus de fruits et un petit cake. Je n’en attendais pas tant. De toute façon l’appétit n’est pas au rendez-vous et je préfère garder le masque bien accroché à mes oreilles. Ma voisine n’a pas la même vision des choses et dévore ses portions. Elle se laisse même tenter par mon sandwich intact dans son emballage au fond du sachet papier. Il faut dire qu’elle a essayé d’engager la conversation dès le décollage mais que mes réponses elliptiques l’ont finalement fait se tourner vers sa voisine de couloir.  
Pendant le vol une attestation sur l’honneur d’absence de symptômes doit être remplie précisant l’adresse de résidence en Turquie, numéros de téléphone personnel et d’un contact. Elle doit être remise impérativement au contrôle passeport afin de pouvoir rapidement contacter dans les jours suivants, les passagers ayant côtoyés des cas déclarés positifs au Covid-19.

Trois heures après le décollage, l’avion amorce la descente et survole les côtes de la Marmara. Derrière le hublot, un paysage familier se dessine : la région de Tekirdağ (environ 100 km d’Istanbul) où j’aurai peut-être bientôt la liberté de séjourner quelques semaines…


Sur le tarmac, la plupart des avions de la compagnie sont encore cloués au sol et éloignés des terminaux.


A l’arrivée le protocole sanitaire est en place : des caméras infrarouges traquent les éventuelles températures suspectes, le port du masque est obligatoire à l’intérieur comme à l’extérieur et des distributeurs de gel hydroalcoolique sont présents. La distanciation physique est matérialisée par marquage au sol et aménagement des files d’attente au contrôle passeport. Pour la récupération des bagages c’est un peu plus flou.
Les visiteurs ne sont pas acceptés dans le hall d’arrivée. Ils attendent à l’extérieur. Par contre pour le moment, le parking est gratuit.

Arrivée avant-hier, j’ai bien l'intention de restreindre les retrouvailles et de m’imposer la plus grande prudence encore plusieurs jours après ces heures de promiscuité. Ensuite on pourra limiter les précautions aux gestes barrières en vigueur sur le territoire turc.

vendredi 12 juin 2020

En balade au parc de Sceaux


Fouler de nouveau des espaces verts a fini par tourner à l’obsession et le déconfinement du 11 mai, excluant cette possibilité, engendra un peu plus de frustration. 
Enfin accessibles le 30 mai, la proposition d’un pique-nique au parc de Sceaux le 31 fut d’emblée acceptée et pas boudée l’occasion d’y retourner quelques jours plus tard !
Il fallait bien ça pour assouvir un besoin trop longtemps confisqué, un plaisir trop longtemps réprimé.


Faisant fi pour cette fois de l’histoire des lieux, de son illustre propriétaire Jean-Baptiste Colbert et de ses successeurs dans ce cadre verdoyant, l’urgence n’était pas de s’extasier devant les bâtisses imposantes, les dentelles végétales imaginées par Le Nôtre, la perspective se jouant du dénivelé et reliant les plans d'eau, mais de marcher pieds nus dans l’herbe, de caresser l’écorce des pins, d’enlacer leurs troncs, de les cajoler puisque la prudence nous empêche de le faire avec les êtres chers ! Le moment est venu de pratiquer la sylvothérapie ou le bain de forêt (shinrin-yoku) préconisé depuis plusieurs décennies par le Dr Quin Li, médecin biologiste japonais, de prendre le temps de laisser les sensations prendre le pas sur la réflexion. 



Par sa force tranquille, l’arbre permettrait de réduire le stress, la tension artérielle, le rythme cardiaque, d’améliorer la qualité du sommeil et même de stimuler les défenses immunitaires. Si l’attribution de tous ces bienfaits peut paraître saugrenue à certains, on ne peut nier l’apaisement que procure une marche dans un espace boisé. 
A l’évidence, la nature est une artiste et les arbres en sont une majestueuse création. Il suffit de les regarder de loin ou de plus près. Ces écorces de pins ne sont-elles pas fascinantes ?




L’événement majeur du printemps, à savoir la floraison des 150 Prunus Kanzan (cerisiers du Japon) du bosquet nord, n’était plus d’actualité mais leur feuillage nous offrit une ombre providentielle pour étaler la couverture et dévorer salade composée, melon et fraises en évitant toute promiscuité, avant de gambader dans la pelouse avec un sentiment de liberté retrouvée.


La deuxième visite fut moins statique. La promenade agrémentée des chants d’oiseaux, du bruissement des feuillages, du clapotis de l’eau s’est prolongée dans ce théâtre de verdure aux ambiances paysagères diverses. De la plus géométrique à la plus forestière, de la plus aquatique à la plus florale…




La respiration est devenue plus ample pour mieux sentir les parfums. Un vrai réveil de sensations engourdies depuis de longues semaines !


mardi 5 mai 2020

Fou rire devant le hublot du lave-linge


On le pressentait, le virus et le confinement vont finir par mettre en péril notre équilibre mental !
Entre besoin de connaitre les évolutions de la situation sanitaire mondiale et la saturation d’informations contradictoires, entre la suspicion et la confiance qu’on aimerait bien encore pouvoir accorder, entre distanciation obligatoire et promiscuité incontournable, entre docilité et insoumission, les semaines ont défilé dans l’incertitude, l’attente de consignes qu’on aurait souhaité dictées par le simple bons sens…
On a fini par comprendre que le port du masque n’était pas aussi inutile qu’on a voulu nous le faire croire. La pénurie se prolongeant inexplicablement, on en a même confectionné… 


On nous a expliqué comment efficacement le porter et puis vint le moment de nous apprendre les précautions indispensables concernant son entretien : lavage en machine à 60°C minimum, avec détergeant mais sans adoucissant et séchage rapide en sèche-linge ou à défaut avec un sèche-cheveux. La séance de séchage pour ceux qui n’ont pas de sèche-linge va être assez fastidieuse, mais ça peut être une façon d’occuper son temps… à condition d’être en possession d’un sèche-cheveux.
On sent déjà qu’un ou deux masques ne vont pas suffire. Ça tombe bien j’ai ressorti le nécessaire de couture afin de compléter ma fabrication artisanale.


L’autorité médicale convoquée tous les soirs au JT de France 2 m’insupporte depuis plusieurs semaines. Le ton condescendant employé pour répondre aux diverses questions plus ou moins pertinentes nous relègue très vite au rang d’adultes aux facultés intellectuelles limitées. La question « peut-on laver les masques en tissu en même temps que son linge ? », a provoqué la réponse « Eh bien non, il est préférable de les laver séparément ! » Autant lapidaire qu’absurde puisqu’elle n’explique rien. 
Les masques vont-ils contaminer le linge ? 
Ou bien le linge risque-t-il d’infecter les masques ?
La réutilisation s’accompagne donc de contraignantes précautions et de risques ! 
Pourtant ces masques « grand public » sont officiellement autorisés à la vente en pharmacie, assortis, précisons-le, de la mention d’agrément de l’Association française de normalisation (Afnor) et l'indication du nombre de lavages (5,10 ou 20).
Dans quelle catégorie ranger les miens ? Je commence à douter de la pertinence de ma production, et de sa distribution à mes proches ! Mettrais-je involontairement leur santé et la mienne en danger ?

Plus tard, en regardant le lave-linge, un irrépressible fou rire m’a secoué plusieurs minutes, les larmes aux yeux, en imaginant quelques masques solitaires dansant dans la mousse… Mon cerveau serait-il atteint des premiers symptômes inquiétants ? Ou aurait-il besoin de relâcher la pression ?
Réflexion faite, je vais réduire encore le temps télé et continuer de nettoyer mon masque à ma façon, trempage dans l’eau savonneuse très chaude, suivi d’un lavage énergique à la main et d’un séchage à l’air confiné… en attendant les masques jetables (toujours absents) qui seront en vente libre quand la pandémie aura disparue et qu'on oubliera de stocker en prévision de la prochaine.


lundi 27 avril 2020

Derrière la façade du Palais de la Femme


Faute de pouvoir, avant longtemps, flâner dans les jardins et parcs de la capitale, je continue d’arpenter à dose homéopathique les trottoirs de mon quartier.


Dans le 11e arrondissement de Paris, à l'angle de la rue Faidherbe et de la rue de Charonne, on ne peut ignorer l’imposant édifice en pierres meulières et briques roses, dont les façades sont ornées de parements de briques émaillées soulignant les arcs des ouvertures. 



L’entrée monumentale est surmontée d’un bas-relief évoquant sa destination à caractère social dès sa construction en 1910 par les architectes Auguste Labussière et Célestin Longerey pour la Fondation Groupe des Maisons Ouvrières. L’hôtel populaire pour hommes célibataires ne gardera pas longtemps ses pensionnaires, enrôlés et décimés par la guerre de 14-18. Le bâtiment fera provisoirement office d’hôpital, puis de bureaux pour le Ministère des Pensions.
Le tracé de la rue de Charonne date du 17e siècle et sur cet emplacement un couvent de la congrégation des Dominicaines y était préalablement installé depuis 1641. Vaste domaine, il n’était pas limité par la rue Faidherbe qui ne fut percée qu’en 1888. On dit que Cyrano de Bergerac (1619?-1655) auteur libertin du 17e siècle, qu’une célèbre pièce de théâtre d’Edmond Rostand met en scène, y fut inhumé, sa tante Catherine de Cyrano, en étant à l’époque la prieure. Mais rien n’est jamais venu étayer cette légendaire affirmation.

Inoccupé depuis 1924, le bâtiment retint l’attention d’Albin et Blanche Peyron, commandeurs de l’Armée du Salut. L’organisation militaire hiérarchisée de cette mission religieuse créée en 1878 à Londres par le pasteur William Booth, a été introduite en France dès 1881 par sa fille Kate Booth.
En janvier 1926, une grande campagne de souscription est lancée pour l’acquisition du lieu, dans le cadre des ambitieux projets du couple pour venir en aide aux plus démunis. En juin 1926 le Palais de la Femme est inauguré.


L’établissement dédié depuis cette date à l’accueil des femmes en situation de précarité, est toujours placé sous l’égide de la Fondation de l’Armée du Salut.
La présence des salutistes est aujourd’hui bien plus discrète que dans les réminiscences de mes souvenirs d’enfance associés à l’emblématique chapeau de paille noire et bandeau rouge avec inscription « Armée du Salut », noué sur le côté de la tête avec un gros ruban que portaient encore les éléments féminins jusque dans les années 70. Leur déambulation en uniforme et leur bruyante fanfare retenaient l’attention des passants, les incitant à déposer quelques pièces dans un chaudron, principalement dans la période de Noël. Un moyen de récolter des fonds afin de pouvoir distribuer au moins une soupe chaude à ceux qui en avaient besoin… La méthode a fait par la suite des émules jusque dans les rangs laïcs puisque la précarité est loin d’avoir disparue.

Dans l’Armée du Salut, les femmes ne sont pas exclues des plus hautes fonctions, même celle de général, mais la plupart du temps leur engagement reste dans l’ombre. Ainsi la figure de Blanche Peyron, s’est-elle un peu effacée derrière celle de son compagnon. Pourtant Raoul Gout, lui a consacré une publication en 1942 : Une victorieuse, Blanche Peyron : 1867-1933, Paris, Éditions Altis
Aucun doute que Laetitia Colombani s’en soit inspirée pour écrire son roman Les Victorieuses dont la parution en 2019 a été largement évoquée par les médias.
Après consultation des critiques, je ne suis pas très pressée de le lire. Le personnage fictif de Solène, avocate quarantenaire qui se voit prescrire du bénévolat comme remède à ses souffrances existentielles et se reconvertissant en écrivain public une heure par semaine auprès des pensionnaires du Palais de la Femme, ne m’a pas semblé très convaincant. Quelques extraits du roman montrent une écriture plutôt conventionnelle pour décrire des vies dévastées, en attente de reconstruction.
Les passages consacrés à Blanche Peyron, personnage hautement plus déterminé et combatif, semblent pouvoir cependant répondre à la curiosité d’en savoir plus sur l’histoire du Palais de la Femme.
La version officielle de cette histoire passée et récente est également consultable sur le site web de l’Armée du Salut.
Une restructuration du bâtiment a été effectuée entre 2006 et 2009 sur les cinq niveaux d’habitation et les éléments architecturaux des espaces collectifs réaménagés du rez-de-chaussée ont été restaurés.
Il se compose d’un foyer d’hébergement de 280 places en studios individuels tous équipés d'une salle de bain, et certains d’une cuisine; d’un centre d'hébergement de stabilisation de 50 places (30 femmes seules et 20 mères avec leur enfant).
Une maison relais permet d'accueillir sans limitation de durée, quelques couples et personnes seules (hommes ou femmes) ayant un faible niveau de ressources et dans une situation d'exclusion importante.
Un abri de nuit temporaire a été créé depuis l’hiver 2017-2018 dans l’inter-sol du Palais de la Femme et se compose de 4 chambres équipées de lits superposés pouvant accueillir 40 femmes sans abri en période de grand froid.



Mais ailleurs, d’autres pages web mentionnent des conditions d’accueil irrespectueuses de la vie privée, des conflits engendrés par la promiscuité, des maltraitances institutionnelles, des expulsions arbitraires, des loyers excessifs, un encadrement paternaliste en contradiction avec l’objectif de recherche d’autonomie, un manquement au suivi des dossiers pour accéder à des logements sociaux en dehors de la structure.  Les présences masculines en augmentation sont une source d’inquiétude supplémentaire pour les femmes ayant subit des violences conjugales.
Un collectif de soutien a été mis en place pour relayer les revendications des résidentes.
De quoi nuancer les descriptions élogieuses concernant le fonctionnement de ce centre d’hébergement. On ne peut qu’imaginer, à l’intérieur de ce palais, l’exacerbation des tensions en cette période de confinement !