jeudi 31 juillet 2025

Worth au Petit Palais : naissance du concept de la haute couture

 
Un court séjour parisien en juin m’a donné l’occasion de parcourir l’exposition
« Worth. Inventer la haute couture », ayant pour thème un univers très éloigné de mes centres d’intérêts habituels. 
Il est encore temps de découvrir cette rétrospective exceptionnelle jusqu’au dimanche 7 septembre 2025.
Y porter un regard curieux m’a appris qu’avant Worth, les femmes de l’aristocratie portaient les robes, toilettes et manteaux confectionnés sur mesure par des couturières. Un homme s’est introduit dans ce monde féminin et a bouleversé le cours de l’histoire de la mode et du luxe, en s’imposant comme créateur de haute couture avec la mise en place de la saisonnalité des collections, des défilés de mannequins vivants, des modalités de l’accueil des clientes avec présentations des modèles et leur diffusion au delà des frontières.
Comment résumer l’ascension vertigineuse vers la notoriété de Charles Frederick Worth (1825-1895), né en Angleterre, qui consacra Paris capitale de l'élégance à la française, habilla les plus grandes dames de l’Occident et fit de son nom une griffe mondialement reconnue, à l’instar d’un artiste signant son œuvre.


Laissons un instant la plume au non moins célèbre caricaturiste, illustrateur et chroniqueur mondain, Marie Joseph Georges Goursat (1859-1934), dit Sem, mettant en scène un dialogue imaginaire.


La maison Worth ouvre ses portes au 7, rue de la Paix en 1858, au temps des robes à crinolines dont on peut voir quelques exemplaires aux diamètres extravagants, ornés d’un flot de rubans et de volants, qui avec le corset, modèlent une silhouette conforme aux canons esthétiques et sociaux du moment.
Puis Worth fait évoluer la crinoline vers la tournure familièrement nommée faux cul, moins évasée en cloche, mais qui a toujours pour fonction de souligner la finesse de la taille et accentuer la largeur des hanches.


Les robes princesse vont les remplacer et allonger la silhouette en supprimant la couture à la taille et en prolongeant la longueur par une traine plus ou moins longue.



Celle-ci est en velours de soie brodé de fils d’or évoquant immanquablement les caftans des sultans



Une cape réalisée par remaniement d’un vêtement traditionnel ouzbek vient confirmer mon impression.
Worth se laisse entrainer dans le tourbillon de la vague orientaliste, courant artistique et littéraire du 19e siècle inspiré par le Moyen-Orient, dont certaines de ses prestigieuses clientes sont friandes.   
On peut ainsi reconnaitre sur plusieurs modèles de Worth le répertoire décoratif déployé sur différents types de support sous l'empire ottoman, (manuscrits illustrés, tissus, reliures, tapis, céramiques).






Ainsi ce médaillon en forme d’amande décliné en plusieurs couleurs et ornant une robe d’intérieur réalisée pour la comtesse Greffuhle (modèle du personnage de la duchesse de Guermantes de Proust). (Copie d’un velours ottoman du 16e siècle)



On reconnait aisément dans les broderies de ce modèle le style saz de la fin du  16e siècle caractérisant les plus belles céramiques d’Iznik avec des représentations stylisées d’œillets, de tulipes et de longues feuilles dentelées.





Ses fils font perdurer l’entreprise à la mort du créateur et aborderont le 20e siècle avec des modèles s’adaptant au style des années folles.



Parfois avec humour, en faisant revivre le goût de Worth pour les déguisements.  



La maison Worth (haute couture, prêt-à-porter et parfumerie) ferme en 1956.

Reconnaissons que l’exposition a bien sa place au Petit Palais. Les pièces présentées sont des œuvres uniques. Elles ont une histoire et témoignent  artistiquement de leur époque. Le fondateur de la maison Worth a ouvert la voie à la reconnaissance d’une dimension jusqu’alors absente des ateliers de couture, la création.


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