Un court séjour parisien en juin m’a donné l’occasion de
parcourir l’exposition
« Worth. Inventer la
haute couture », ayant pour thème un univers très éloigné de mes centres
d’intérêts habituels.
Il est encore temps de découvrir cette rétrospective
exceptionnelle jusqu’au dimanche 7 septembre 2025.
Y porter un regard curieux m’a appris qu’avant Worth, les
femmes de l’aristocratie portaient les robes, toilettes et manteaux
confectionnés sur mesure par des couturières. Un homme s’est introduit dans ce
monde féminin et a bouleversé le cours de l’histoire de la mode et du luxe, en
s’imposant comme créateur de haute couture avec la mise en place de la saisonnalité
des collections, des défilés de mannequins vivants, des modalités de l’accueil
des clientes avec présentations des modèles et leur diffusion au delà des
frontières.
Comment résumer l’ascension vertigineuse vers la
notoriété de Charles Frederick Worth (1825-1895), né en Angleterre, qui consacra
Paris capitale
de
l'élégance à la française, habilla les plus grandes dames
de l’Occident et fit de son nom une griffe mondialement reconnue, à l’instar d’un
artiste signant son œuvre.
Laissons un instant la plume au non moins célèbre caricaturiste,
illustrateur et chroniqueur mondain, Marie Joseph Georges Goursat (1859-1934), dit
Sem, mettant en scène un dialogue imaginaire.
La maison Worth ouvre ses portes au 7, rue de la Paix en
1858, au temps des robes à crinolines dont on peut voir quelques exemplaires aux
diamètres extravagants, ornés d’un flot de rubans et de volants, qui avec le
corset, modèlent une silhouette conforme aux canons esthétiques et sociaux du
moment.
Puis Worth fait évoluer la crinoline vers la tournure
familièrement nommée faux cul, moins
évasée en cloche, mais qui a toujours pour fonction de souligner la finesse de
la taille et accentuer la largeur des hanches.
Les robes princesse
vont les remplacer et allonger la silhouette en supprimant la couture à la
taille et en prolongeant la longueur par une traine plus ou moins longue.
Celle-ci est en velours de soie brodé de fils d’or évoquant
immanquablement les caftans des sultans
Une cape réalisée par remaniement d’un vêtement
traditionnel ouzbek vient confirmer mon impression.
Worth se laisse entrainer dans le tourbillon de la vague
orientaliste, courant artistique et littéraire du 19e siècle inspiré
par le Moyen-Orient, dont certaines de ses prestigieuses clientes sont
friandes.
On peut ainsi reconnaitre sur plusieurs modèles de Worth le
répertoire décoratif déployé sur différents types de support sous l'empire
ottoman, (manuscrits illustrés, tissus, reliures, tapis, céramiques).
Ainsi ce médaillon en forme d’amande décliné en plusieurs
couleurs et ornant une robe d’intérieur réalisée pour la comtesse Greffuhle (modèle
du personnage de la duchesse de Guermantes de Proust). (Copie d’un velours
ottoman du 16e siècle)
On reconnait aisément dans les broderies de ce modèle le
style saz de la fin du 16e siècle caractérisant les plus
belles céramiques d’Iznik avec des représentations stylisées d’œillets, de
tulipes et de longues feuilles dentelées.
Parfois avec humour, en faisant revivre le goût de Worth
pour les déguisements.
La maison Worth (haute couture, prêt-à-porter et
parfumerie) ferme en 1956.
Reconnaissons que l’exposition a bien sa place au Petit
Palais. Les pièces présentées sont des œuvres uniques. Elles ont une histoire
et témoignent artistiquement de leur époque.
Le fondateur de la maison Worth a ouvert la voie à la reconnaissance d’une
dimension jusqu’alors absente des ateliers de couture, la création.
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