Estivale
et idyllique rencontre il y a 50 ans… ça valait bien un retour aux sources
d’une vie de couple !
Alanya
était alors une destination très prisée des touristes français voyageant en
Turquie, sous les bannières de « Nouvelles Frontières » et
« Marmara ».
Cadre
propice aux amours de vacances, la rencontre aurait pu être éphémère et, loin
des yeux loin du cœur, aurait pu se terminer aussi soudainement qu’elle
avait commencée. L’entourage espérait cette issue en me conseillant de remettre
rapidement les pieds sur terre…
Mais l’histoire
ne s’est pas arrêtée là ! Ensemble nous avons sillonné la Turquie d’Ouest
en Est et du Nord au Sud comme en témoigne ce blog et franchi de nombreuses
frontières, en commençant par nos fréquents allers-retours entre la Turquie et
la France en voiture et en autocar, en bateau, en avion et puis pour le plaisir
de découvrir d’autres cultures, d’autres paysages, de la Hollande à la Chine,
de la Grèce à l’Italie, du Pérou à Cuba…
Revenir
à Alanya avec les enfants fut au programme en été 2000 si mes souvenirs sont
exacts, avec une mémorable expérience de rafting !
Les
Français avaient alors quasiment déserté les lieux, la petite ville balnéaire
avait bien changée, transformée par le gigantisme tentaculaire de ses complexes
hôteliers. Nous n’avions même pas cherché à retrouver la rue principale du
centre-ville historique qui menait de l’hôtel au restaurant Mahperi et à la
plage, à l’est du piton rocheux surplombant le front de mer.
En été
75, une soirée s’y était prolongée en terrasse autour d’un verre de liqueur de banane et une
autre avec un cornet de glace... à la banane. Donc forcément ce fruit est
indissociable d’Alanya dans mes souvenirs.
Il faut dire aussi que la production
des bananeraies alentours est particulièrement savoureuse, mais ne s’exporte
pas au delà des frontières turques.
Une parenthèse pour une pause gourmande. Le
glacier de mes souvenirs n’existe plus, mais l’un de ses commis a pris la relève et ouvert une boutique dans un autre quartier. Je n’ai évidemment pas résisté à
une dégustation de glace à la banane en y ajoutant un autre parfum (mûre),
les deux succulents !
Un ami Alanyote a guidé nos pas dans le bruit et la fureur d’une
discothèque à ciel ouvert, dans l’incrédulité de ce qu’était devenue la petite
rue pittoresque et tranquille, ses maisons typiques, encore debout mais enveloppées
désormais d’une ambiance plus électrique dès la tombée du jour.
On a plongé un regard sur le quartier depuis la terrasse du meilleur restaurant d’Alanya, Güverte (traduction : pont d’un navire), réputé pour ses mezze et savoureux poissons.
Il porte bien son
nom, offrant une vue panoramique sur la rade qui abritait le petit port de
pêche, aujourd’hui une marina ou stationnent les galions pirates qui se pavanent
au large de la plage Cléopâtre de jour comme de nuit, chargés de leur cargaison
touristique.
Pourquoi
ces galions ? Pourquoi une plage Cléopâtre ?
Les
lieux sont connus depuis l’Antiquité comme base de repli des corsaires de la
Méditerranée, capitaine et membres d’équipage de navire civil armé à la solde
d’un état. Ils avaient pour fonction de piller et couler les navires marchands
ennemis en temps de guerre et ne doivent donc pas être confondus avec les pirates,
qui devaient d’ailleurs eux aussi fréquenter les parages. D’où une décoration
suggestive des embarcations plus à même d’accrocher les touristes !
Quant à
Cléopâtre, on ne sait pas si elle s’est véritablement baignée à Alanya mais il
est avéré que Marc Antoine lui offrit ce littoral méditerranéen en cadeau. Et
cette magnifique plage de sable blond à l’ouest du promontoire vaut bien une désignation
royale !
Rappelons
que la région fut conquise au 4e siècle avant notre ère par
Alexandre le Grand et fut gouvernée lors du partage de l’empire par la dynastie
macédonienne des Ptolémées, dont Cléopâtre est une descendante. La ville,
nommée alors Coracesium fut prise par Rome en 67 avant notre ère et fut intégrée
à la province romaine de Pamphylie. Le geste de Marc Antoine est donc plus
politique et diplomatique que celui d’un amant généreux… mais ne ternissons pas
trop la magie de leur mythique rencontre à Tarse situé à 350 km de là sur
ce même littoral!
Pour
retracer à grands traits la suite de l’histoire de la cité, la forteresse
soulignant les contours du piton rocheux d’une muraille de 6km jalonnée de
nombreuses tours et margelles témoigne d’une construction remontant à l’époque
seldjoukide sur une base constituée de précédentes fortifications
hellénistiques puis byzantines.
A
l’époque chrétienne, la ville devient un important évêché et porta le nom de
Candelero (Kalon Oros, Belle Colline). Elle subit les raids des Arabes à
partir du 7e siècle et dû se doter de nouvelles fortifications qui
ne résisteront cependant pas à la lutte entre les Byzantins et les Turcs seldjoukides
qui en prennent possession en 1221. Elle devient leur capitale d’hiver et se
nomme alors Alaiye. La forteresse accueille la résidence du sultan Alaeddin
Keykubat I. L’activité portuaire et commerciale de la cité se développe.
Depuis
la tour rouge et l’arsenal, la plupart des constructions encore visibles
s’étageant à l’intérieur des fortifications datent de cette époque.
On ne
peut que recommander cette visite facilitée depuis 2017 par la montée partielle
en téléphérique.
Il faudra encore gravir de nombreuses marches avant d’arriver
au sommet et découvrir un paysage époustouflant et en chemin quelques vestiges
bien conservés.
Un türbe
seldjoukide du 13e siècle
La mosquée
construite à la même époque et frappée par la foudre fut restaurée avec ses
éléments d’origine au 16e siècle par le sultan ottoman dont elle
porte aujourd’hui le nom Süleymaniye.
La
citerne de Mecdüddin, datant du 13e siècle est une construction de
plan rectangulaire en brique recouverte d’enduit.
On y accède par un escalier
étroit et ses hautes marches de pierre. La descente est quelque peu périlleuse et la
remontée sportive.
En surface, trois puits d'extraction d'eau et un trou
d'évacuation sont apparents.
Le
bedesten (marché couvert d’époque ottomane) depuis lequel on peut observer un
artisan décorant et ajourant minutieusement des calebasses.
Des maisons historiques réaffectées à la connaissance du patrimoine culturel.
D'autres plus modestes proposent des pauses jus de fruits, de production locale.
Au cœur
de la forteresse d'Alanya se situe la citadelle (İç Kale), qui servait de dernière ligne de défense pendant les
sièges.
On y
trouve l’entrée du palais d’Alaeddin Keykubad.
Une
petite église orthodoxe témoigne du passé byzantin de la cité. Erigée au 8e
siècle sur les lieux même ou saint Georges aurait terrassé le dragon, elle fut
restaurée en 1873. On y célèbre des offices une fois par mois.
Aux 14
et 15e siècles des attaques de différentes puissances régionales fragilisent
l’essor de la cité qui est finalement intégrée à l’empire Ottoman en 1471. Elle
perd progressivement de son importance avec la diminution des flux commerciaux
en Méditerranée au profit de ceux vers le Nouveau Monde par l’Atlantique.
Et justement ces figuiers de Barbarie, omniprésents dans le paysage, sont là pour en témoigner! Ils se sont parfaitement bien adaptés à leur environnement depuis que les conquistadors les ont rapportés dans leurs bagages. Ils ont colonisé tout le pourtour méditerranéen.
Depuis les
remparts il est temps d’admirer l’intemporel coucher de soleil sur la Grande Bleue et la nuit tombante sur Alanya, avant de redescendre pour retrouver le petit hôtel sans prétention, mais très
correct, qui a le mérite d’avoir conservé l’atmosphère conviviale et sans artifice de mes souvenirs,
en plein centre ville mais à proximité de la plage Cléopâtre que nous
retrouverons demain matin avant de partir explorer d’autres merveilles.
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