dimanche 30 mai 2021

Jardin du Luxembourg et alentours

Quand les nuages consentent à laisser un peu de place à l’azur du ciel, les flâneurs se laissent tenter par les chaises mises à disposition dans les allées du jardin bordées d’innombrables sculptures rendant hommage aux artistes, musiciens, poètes ou écrivains disparus, ou bien autour du bassin où les statues des reines de France et femmes illustres forment une ronde.



Les bigaradiers, les palmiers-dattiers, les lauriers roses et les grenadiers sont sortis de l’Orangerie du Sénat pour la belle saison, et ont cédé l’espace aux sculptures aériennes et poétiques de JIVKO dont les vides permettent à la lumière de traverser le bronze, un peu comme les visages déstructurés d'Alexandre Monteiro. Ce dernier s’est peut être inspiré de la technique de cet artiste d’origine bulgare, qui vit, travaille et expose en France depuis 1991.


Les thèmes sont variés mais tous traités avec force et élégance. Au spectateur d’entrer dans ce monde qui laisse une belle place à l’interprétation et la rêverie.   





 
Qu’avez-vous envie de mettre dans ce sac de voyage ?


Que vous inspire cette tête aux contours découpés dans un livre dont la lecture est pourtant censée nous faire une tête bien pleine ? Un arbre remplit le vide et cette allégorie me plait bien.

 
La Fontaine Médicis est en restauration. 
Sortons du jardin en direction de l’Observatoire pour en voir une autre. 
Sur la droite, une imposante bâtisse en briques rouges ne passe pas inaperçue. J'avais visité cette curieuse architecture avec Périne qui fréquentait les lieux en 2013.


Entre style mauresque et médiéval, l’édifice conçu par l’architecte Paul Bigot et dont la construction s’achève en 1927, est destiné à héberger la bibliothèque d’un grand collectionneur et mécène : Jacques Doucet.
C’est aujourd’hui le Centre Michelet, Institut d’Art et d’Archéologie, rattaché aux Universités Paris I Panthéon-Sorbonne et Paris IV Sorbonne, et classé monument historique depuis septembre 1996.
 
Au bout de l'allée de l'Observatoire, dans le jardin des Grands Explorateurs, Marco Polo et Cavelier de la Salle, la fontaine des Quatre Parties du Monde mérite bien qu’on s’y attarde. 


Elle a été réalisée en 1874 par l'architecte Gabriel Davioud (1824-1881) collaborateur du Baron Haussmann.
Ont été mis à contribution Jean Baptiste Carpeaux (1827-1875) pour les allégories des quatre parties du monde (Afrique, Amérique, Asie et Europe) soutenant le globe orné des signes du zodiaque, réalisé par Eugène Legrain (1837-1915). 


Les huit chevaux marins cabrés, les tortues au bord du bassin et les dauphins au centre, sont l’œuvre d’Emmanuel Frémiet (1824-1910). L'ensemble est posé sur un socle orné de guirlandes en bronze au milieu d'un grand bassin de forme arrondie.


 
Le périple se termine donc par une agréable pause accompagnée du murmure des jets d'eau.
  

lundi 24 mai 2021

Une autre expo au Jardin des Plantes : Chroniques du Muséum

Le Jardin des Plantes aura été ces derniers mois la destination privilégiée de mes balades en toutes saisons pour y puiser quelques moments de sérénité dans un cadre immuable aux tableaux végétaux éphémères ou abritant de « Fragiles Colosses » pour une exposition temporaire.


Coïncidant justement avec la réouverture des galeries, une exposition vient d’être installée et se poursuivra jusqu’ au 13 octobre 2021, pour nous rappeler que le Muséum National d’Histoire Naturelle est une gigantesque carte-mémoire, un précieux coffre-fort, concernant la nature et ses mystères.



Des couvertures d’un magazine imaginaire « The Parisianer » s’affichent à l’entrée principale du jardin. Elles sont l’œuvre d’un collectif d’artistes. Mais comme les images ne sont pas immédiatement explicites pour tous, il n’est pas inutile de prendre le temps de lire les courts textes qui les accompagnent.
Les publications sont censées s’échelonner dans le temps, du passé au futur et sont donc datées. Nous voici lancé dans un vertigineux voyage et une mise à jour de nos connaissances.
 
L’âge de la terre… Buffon (1707-1788) a osé douter de son âge présumé selon la Bible (6000 ans), pour l’estimer à 75 000 ans d’après ses observations et calculs théoriques.
La datation radiométrique d’aujourd’hui a conclu : 4,54  milliards d’années.  
 

Notre plus lointain ancêtre commun universel porte un nom depuis 1990. Il s’appelle LUCA (Last Universal Common Ancestor). Il aurait disparu il y a 3,5 milliards d’années, cédant la place aux bactéries, aux archées et aux eucaryotes.

 
La longue épopée des 22 espèces Homo ne fait que commencer il y a 2,5 millions d’années. Une seule a survécu l’Homo Sapiens.
L’Homo Spaciens lui aura-t-il succédé en 3107, suite à une migration sur une autre planète ?


 
A l’allure  nous envahissons agressivement la planète Terre, la question se pose !

Les préoccupations climatiques ne sont pas une nouveauté…  


 
Mais une nouvelle ère géologique, l’anthropocène, a-t-elle déjà commencée ?


 
La pollution se concrétise sous la forme d’un continent de déchets et ce n’est pas de la science-fiction.

 
L’activité humaine ne génère cependant pas exclusivement des catastrophes.
Le muséum témoigne de la curiosité de l’être humain pour son environnement, pour le comprendre, et récemment remettre en question sa place grâce à l’éthologie, étudiant les comportements des animaux (y compris les humains) et autres organismes vivants.



La reproduction sexuée des plantes est démontrée en 1717


 
Première venue en France d’une girafe en 1827 à la Ménagerie. Elle a parcouru à pattes le trajet Marseille-Paris sous les acclamations médusées ! On peut imaginer l’indignation que provoquerait aujourd’hui cet irrespectueux déplacement. Notre façon de penser peut aussi évoluer !

 
Arrivée d’un moulage de squelette fossilisé de diplodocus, le 15 juin 1908 dans la galerie de paléontologie. (Spécimen original conservé à Pittsburgh).


 
Ce choix des affiches n'est pas exhaustif, juste une sélection personnelle qui se terminera sur celle-ci qui a particulièrement retenue mon attention : Blob, le mystérieux.


Victime collatérale de la pandémie, le blob aurait-il fait un flop dans la com ! Peu de visiteurs ont eu le temps de découvrir avant la fermeture de la plupart des lieux publics cette curiosité qui a fait son entrée le 19 octobre 2019 au Parc zoologique de Paris.
Je dois avouer humblement ma totale ignorance sur le sujet avant d’avoir parcouru l’exposition. Mais il ne sera pas dit qu’il fasse un flop dans mon blog ! 
Audrey Dussutour, biologiste ethologiste du CNRS à Toulouse, s’y intéresse depuis 2010 et a publié en 2019 un ouvrage : Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le blob sans jamais oser le demander. Un documentaire réalisé par Jacques Mitsch, Le Blob, un génie sans cerveau, a été programmé le 7 avril 2020 sur Arte dans la série « A l'écoute de la nature ». En cherchant un peu on doit pouvoir le retrouver...
The Blob, référence cinématographique de deux films américains, l’un sorti en 1958 et l’autre en 1988 évoque une invasion extraterrestre inquiétante.
C’est donc aussi désormais le surnom ironiquement attribué au Physarum polycephalum, un organisme unicellulaire primitif, ni animal, ni végétal, ni champignon, aux capacités étonnantes, apparu il y a près d’un milliard d'années, (donc avant le règne végétal et le règne animal), et bien terrestre ! 


Les plus observateurs peuvent le photographier dans les sous-bois. Informe, jaune et gluant, il se nourrit de champignons, de spores et de bactéries, il se déplace, se reproduit, mémorise des informations… Presque immortel, il résiste même au feu… mais peut se faire dévorer par les limaces et les scarabées.
Audrey Dussutour assure qu’on n’a pas fini d’entendre parler de lui dans toute la sphère scientifique.
 
Les frontières de la connaissance ne demandent qu’à être repoussées  et cette exposition en est l’illustration.



 

dimanche 16 mai 2021

Un chat regarde l’obélisque de la Concorde

Une autre exposition, « Totems à ciel ouvert » donne des couleurs à ce mois de mai maussade.  Alors que le Chat de Geluck continue de faire son show tout près de là, devant l'hôtel de Coislin jouxtant le palace du Crillon, un autre chat à la silhouette tout aussi familière porte ostensiblement son regard vers l’obélisque du temple de Louxor qui trône depuis le 25 octobre 1836 au milieu de la plus vaste place parisienne. 


Cette sculpture de l’artiste Julien Marinetti, revendiquant le « syncrétisme de la peinture et de la sculpture » est un bronze gravé, peint et laqué. 



Il représente le « Chat Bastet », autrement dit la divinité féline vénérée par les Égyptiens dans l'Antiquité.
En suivant la rue Royale en direction de l’église de la Madeleine, on croise « Teddy Bear » tout aussi coloré au milieu du trottoir. Gros nounours de notre enfance qui ne présente évidemment pas le réalisme des sculptures vues récemment au Jardin des Plantes, « Fragiles Colosses ». Ce n’est d’ailleurs pas l’objectif de l’artiste. Le support sculptural n’est que prétexte aux autres techniques artistiques. 


La vivacité des couleurs et la précision des traits n’est pas sans évoquer les œuvres de Jean-Michel Basquiat et celles de Pablo Picasso.
 
Pour trouver « Doggy John », l’œuvre qui a fait connaître Marinetti dans le monde entier, il suffit de suivre la rue Saint Honoré jusqu'à la place Maurice Barrès. 


Le bouledogue a ici pour compagnons deux pandas Bâ exposés sur le parvis de l’Eglise Notre-Dame de l’Assomption.




Entre deux averses, ce jeu de piste est à parcourir depuis le 27 avril et jusqu’au 4 juin 2021.
L’éclaircie semble se prolonger et invite à la flânerie. C’est l’occasion de traverser le jardin des Tuileries et se laisser séduire par les parterres d’iris pour un voyage imaginaire dans la toile de Vincent Van Gogh.

 
La cour carrée du Louvre est encore totalement déserte pour quelques jours. La réouverture du musée est programmée le 19 mai. A l’extérieur, l’exposition d'Alexandre Monteiro est toujours visible face à la colonnade du Louvre.


 

dimanche 9 mai 2021

Des visages déstructurés regardent le Louvre

De forteresse défensive, en résidence royale, puis musée à partir de 1793, l’architecture du Louvre s’est métamorphosée au fil de huit siècles d’histoire avant de devenir un temple dédié à la conservation et à la présentation de milliers d'œuvres d'art témoignant des civilisations passées, un symbole du rayonnement culturel international. Mais depuis de longs mois, il est inaccessible aux visiteurs, comme tous les autres lieux de culture.

En attendant leur réouverture espérée et programmée, nous reste l’alternative des expositions en plein air qui se sont multipliées avec l’arrivée du printemps.
« Nous, la Commune » devant la gare de l’Est, « Le Chat déambule » sur les Champs Elysées, « Fragiles Colosses » au Jardin des Plantes, et probablement quelques autres…
 

Face à la colonnade du Louvre, chef d’œuvre du classicisme français, ce sont les sculptures des visages déstructurés d'Alexandre Monteiro qui attirent le regard des passants dans le petit square fleuri, depuis le 23 mars et jusqu’au 30 mai 2021. 



L’artiste issu de l’art urbain a plusieurs cordes à son arc. Il est connu depuis plusieurs années pour ses fresques murales sous le pseudo Hopare. De ses traits parallèles et lignes qui s’entrecroisent naissent des tags colorés et parfois des portraits. Son style bien reconnaissable se transpose cette fois sur des volumes.
Les deux premiers bustes « Primo » réalisés en 2018, l’un en bronze poli et le même en bronze patiné présentent une enveloppe presque lisse.





Les deux autres nommés « Catharsis » et réalisés en 2019, représentent un visage fissuré, craquelé, ayant perdu même quelques lambeaux jonchant le socle. La catharsis opère ici comme une autorisation accordée au spectateur à se libérer de ses émotions, de ses angoisses face à l’altération de la perfection, l’atteinte à l’intégrité, aux flétrissures du temps qui passe et autres accidents de la vie.



Au centre, le bronze poli créé en 2021 et nettement plus imposant (environ 3m), rayonne comme un soleil. 


Son titre « Paréidolie », évoque l’étonnante capacité du cerveau humain à compléter des images partielles ou tronquées, à voir des formes tangibles dans l’informe. Cette sorte d'illusion d'optique donne parfois l'impression de voir un visage, une silhouette, un animal, une créature imaginaire au beau milieu des nuages ou dans les anfractuosités d’un rocher, les plis d’un tissus, les ombres portées, le cadrage particulier d’un objet usuel, les taches ou fissures sur une surface.



Aucun obstacle ne vient entraver l’imagination pour appréhender ce visage dans toute la légèreté de sa sérénité de bronze.
Ombre ou lumière, angles de visions modifient à l’infini la perception de ces sculptures sous le regard des visiteurs attentifs.
 
En toile de fond de cette exposition, se dresse l'église Saint-Germain-l'Auxerrois (depuis le 13 e siècle sous cette appellation et le 6 e siècle pour sa fondation) au long passé mouvementé et plusieurs fois menacée de destruction. Le baron Hausmann confia à l'architecte Hittorff le projet d’y ajouter un bâtiment s'inspirant de l'édifice religieux pour abriter la mairie du 1 er arrondissement. Entre le bâtiment civil et le religieux se dresse un campanile de style néo-gothique, accentuant la symétrie de l’ensemble depuis cette époque (1863-1870). Ironie du sort réunissant ici le maire et le curé dont les relations sont traditionnellement houleuses ! Etonnant que cette symbolique ait échappé aux Communards de 1871 et qu’ils ne l’aient fait flamber en même temps que les Tuileries de l’autre côté du Louvre!   

 
La disposition des sculptures fait écho à cette curieuse symétrie architecturale.