Plus d’un siècle de fouilles archéologiques a révélé sur
une vaste zone géographique des vestiges, des objets, mais surtout quantité
d’inscriptions hiéroglyphiques louvites gravées dans la pierre ou sur les 30
000 tablettes d’argile en écriture cunéiforme, retrouvées dans les ruines de
leur capitale Hattusa, qui seront déchiffrées à partir de 1915 par Bedřich
Hrozný, linguiste tchèque. Véritables archives relatant de grands événements
royaux, des traités diplomatiques, des décrets, des instructions pour l’administration
des temples, qui permettront aux spécialistes de reconstituer l’histoire du
Proche-Orient pour cette période de la haute antiquité.
La carte ci-dessous, est une photo de la page 5 du magazine Dossiers
d’Archéologie - Hors série n° 36, mai 2019
La première partie de l’exposition évoque l’empire
hittite à son apogée, en Anatolie et jusqu’aux territoires de la Syrie
actuelle.
Comme les vitrines contenant des artefacts prêtés
par le Metropolitan museum ne sont pas autorisées à être photographiées,
l’image ci-dessus provient d’une copie-photo de la page 35 du magazine Le
Journal du Louvre - N°47 - Grande Galerie, printemps 2019. Ce rhyton en argent
et or est un chef-d’œuvre d’orfèvrerie de la période impériale hittite.
Reproduction du détail de la frise décorant le col
du rhyton en forme de cerf.
Une série de moulages exécutés par Ernest Chantre lors de
sa première mission archéologique en 1893 à Alacahöyük (à proximité de Çorum,
Turquie), reproduit les reliefs originaux (datés du 14 et 13e
siècles avant notre ère) ornant les bases des tours d’entrées de la ville et
encadrant des portes monumentales dont celle dite « porte des
sphinx ». Ils font partie des collections du Musée du Louvre.
Scènes de rituels lors des processions religieuses
donnant lieux à des compétitions sportives, des cérémonies d’investiture avec
remise d’objets symbolisant le pouvoir.
Prêtre reconnaissable à sa robe de cérémonie, menant
des moutons et des chèvres au sacrifice.
Musicien tenant un instrument à cordes lors d'une procession du dieu de l’orage avec à sa suite un personnage tenant
un animal, peut être un singe faisant partie des numéros de divertissements.
Le relief rupestre de Fıraktin (Fraktin) situé dans la
province de Kayseri (Turquie) et daté du 13e siècle avant notre ère,
a fait l’objet de moulages le décomposant en trois parties.
A gauche sur l’original, le Grand Roi Hattusili III
dont le nom est écrit en hiéroglyphes louvites verse une libation devant un
autel. Derrière l’autel, un dieu tenant une crosse, vraisemblablement le dieu
de l’orage, Teshub, offre au roi un symbole de forme triangulaire qui est le
signe du bonheur. Les deux personnages portant un bonnet pointu réservé aux
dieux, il est probable que cette représentation fut exécutée par son fils et
successeur Tudhaliya IV, signifiant ainsi que son père est mort et divinisé
conformément à la croyance hittite.
La scène du milieu représente la Grande Reine
Puduhepa, versant une libation à la déesse du soleil, Hepat. Sur l’autel entre
la reine et la déesse, on distingue un oiseau de proie (aigle ?) intermédiaire
entre les dieux et les hommes.
La troisième partie est gravée de hiéroglyphes
louvites qualifiant Puduhepa : « Fille du pays de Kizzuwatna, aimée
des dieux ». Cette précision peut se comprendre comme l'intervention de la reine dans une déclaration de
diplomatie politique confirmant les liens avec des territoires conquis.
Au passage, petit rappel chronologique :
Toutânkhamon (-1345, -1327) est le contemporain du roi Suppiluliuma Ier (qui
règne vers -1350,-1320).
Quelques vitrines et panneaux explicatifs attestent des
relations entre les souverains hittites et égyptiens.
L’influence de la culture hittite s’est propagée dans les
territoires conquis :
La deuxième partie de l’exposition s’intéresse aux
conséquences de l’effondrement brutal de l’empire hittite. Après l’abandon et
la destruction de la capitale Hattusa et l’installation des Phrygiens sur les
territoires de l’ancien royaume, les descendants des Hittites entretiendront l’héritage culturel et administratif dans les
petits états éparpillés au sud-est :
Karkemish, Melidiya (Arslantepe, Malatya), Gurgum
(Karamanmaraş), Tabal et Kummuh (Samsat höyük) ont perpétué les traditions de sculptures
monumentales et des reliefs inscrits en hiéroglyphes louvites jusque vers 950
avant notre ère.
La carte ci-dessous est une photo de la page 10 du magazine Dossiers d’Archéologie - Hors série n° 36, mai
2019
Karkemish semble avoir plus particulièrement dominé cette
période
Moulage d’un orthostate représentant une créature
hybride. 1000/900 avant notre ère. British Museum, Londres.
Moulage d’un orthostate représentant la déesse tutélaire de la ville de Karkemish, Kubaba. Elle porte une coiffe cylindrique à cornes et
tient deux de ses attributs traditionnels : le miroir (ici manquant) et la
grenade. Plâtre peint d’après l’original en basalte. 1000/900 avant notre ère. British
Museum, Londres
Jambage de porte en basalte flanquant la porte nord
d’un bâtiment situé en haut du grand escalier de l’aire cérémonielle. Il est
recouvert de signes hiéroglyphiques louvite mentionnant le nom du souverain
Katuwa qui a fait rédiger une prière à Kubaba dont il vente les mérites et pour
laquelle il fait reconstruire le temple qui lui était dédié. Vers 900 avant notre ère. British Museum,
Londres
Moulage d’une base de colonne ornée de deux lions
mugissant découverte par Leonard Woolley devant l’entrée du temple de Kubaba. Vers
925 avant notre ère. British Museum, Londres.
Stèle en basalte représentant la déesse Kubaba,
coiffée d’un polos L’inscription hiéroglyphique comporte la dédicace d’un
grenier voué à la déesse. Le disque solaire qui la surplombe rappelle l’héritage
de la sculpture impériale hittite. La stèle provient de Birecik aux environs de
Karkemish. 900/800 avant notre ère. British
Museum, Londres
Stèle de Tarhunpiya: la stèle funéraire en basalte (au centre de la photo) représente
un jeune homme debout vêtu d’une tunique frangée. Il tient un oiseau de proie
utilisé pour la chasse dans sa main gauche et un calame dans sa main droite.
Ces attributs attestent de son rang aristocratique. La présence de l’écritoire
fait référence à l’écriture araméenne. L’inscription nous renseignant sur son
identité : Tarhunpiya, est en hiéroglyphes louvites et semble témoigner d’une
transition culturelle. Une femme assise l’entoure de ses bras dans une attitude
affectueuse. Sa mère probablement. Accueille-t-elle dans l’au delà son fils défunt
selon les rituels hittites ou a-t-elle fait graver la stèle pour honorer sa mémoire
? Provenance Karamanmaraş, Turquie, antique royaume de Gurgum, 800/700 avant
notre ère. Coll. Musée du Louvre.
Sur le site syrien de Tell Ahmar, une stèle en
basalte a été retrouvée lors des fouilles dirigées par F. Thureau-Dangin et A.
Barrois en 1928. Elle est datée d’environ 900 avant notre ère. Le relief principal
représente Tarhunza, le dieu de l’orage sous un disque solaire. L’iconographie combine
des éléments hérités de traditions hittites, égyptiennes, syriennes et mésopotamiennes.
Sur les autres faces, des inscriptions en langue et hiéroglyphes louvites,
furent rédigées par Hamiyata, quatrième roi de la dynastie du royaume de
Masuwari. Il se présente comme le serviteur du dieu Tarhunza et évoque également
les dieux mésopotamiens Sin et Ea, ou encore la déesse hittite de la fertilité
Kubaba, figure tutélaire de Karkemish. La suite du texte évoque la stèle elle-même
que le roi destinait à être placée parmi les dieux c'est-à-dire dans un lieu de
culte. Coll. Musée du Louvre
Au 10e siècle avant notre ère, les Araméens,
peuple nomade connu depuis le siècle précédent, pénètrent l’espace et se fixent
dans les territoires de la Syrie et jusqu’au sud-est anatolien afin d’y fonder
des royaumes. Les souverains utilisent d’abord les hiéroglyphes louvites ou le phénicien
pour graver les inscriptions sur leurs monuments, puis l’écriture araméenne,
alphabétique et cursive s’impose et se diffuse aux régions voisines.
Sam’al sur le site de Zincirli höyük (à proximité de
Gaziantep) a livré de nombreux vestiges d’une ville prospère, capitale d’un de
ces petits royaumes araméens.
Moulage d’une
statue de Lion
Stèle en basalte représentant un roi Kulamuwa ou
Panamuwa II ou Barrakib. Prêt du Staatliche Museum zu Berlin, acquis suite aux
fouilles de F. von Luschan en 1902
Une importante partie de l’exposition est consacrée au
tragique destin des vestiges (1000/800 avant notre ère) de Tell Halaf, Guzana, cité
d’un autre royaume araméen, Bit Bahiani au nord de la Syrie, découverte par le
baron von Oppenheim au début du 20e siècle.
Les fouilles seront autorisées par les autorités
ottomanes et le somptueux palais du roi Kapara sera dégagé. Mais la 1ere guerre
mondiale viendra interrompre les fouilles qui ne pourront reprendre qu’en 1927.
Entre temps, les vestiges exhumés ont bien souffert. Max von Oppenheim fait
acheminer une grande partie des reliefs préservés à Berlin pour que cette
précieuse collection soit conservée. Il l’installe dans une ancienne fonderie
et fait disposer les blocs de pierre de façon à reproduire une partie du
palais. Le musée accueille le public dès 1930 et il continue de s’enrichir de
nouvelles pièces. Mais en novembre 1943, une bombe au phosphore larguée par les
Alliés provoque un incendie. L’eau froide sur le basalte surchauffé sera fatale à l’intégrité
des sculptures et orthostates qui explosent en de multiples fragments,
27 000 exactement qui seront entreposés au Pergamon Museum. En 2000
commencera un long et patient travail de tri et d’identification des morceaux.
Dix ans plus tard une centaine de sculptures auront été reconstituées et seront
exposées au Pergamon Museum. Ce dernier actuellement en rénovation, en a prêté
une importante sélection au musée du Louvre pour cette exposition.
Dont la fameuse statue funéraire de la déesse
trônant (qui n’est peut être pas une représentation féminine)
Le parcours s’achève sur la fin d’une époque, alors que
se profile déjà l’arrivée de nouveaux conquérants, les Assyriens, qui ne se
contenteront plus de disséminer leurs comptoirs commerciaux.
Arslan tash, ancienne Hadatu araméenne deviendra
cité assyrienne. Les deux taureaux de l’entrée du temple viennent en témoigner
par un artifice artistique propre à la représentation assyrienne. Ils ont cinq
pattes de façon à les percevoir à l’arrêt de face, et en marche de profil. L’une
des sculptures porte une inscription, dédicace du souverain Tiglath Phalasar III (745-727 avant notre ère) à la déesse
Ishtar.
Une autre stèle du dieu de l’orage, grimpé sur un taureau, brandissant
ses attributs climatiques symbolise parfaitement les sept siècles que l’on vient
de parcourir en quelques heures de déambulation dans les salles de l’exposition. Les héritages culturels se transmettent, s'assimilent, puis se modifient... Et l'histoire continue.
Les légendes sous les photos illustrant ce texte sont largement inspirées des fiches explicatives accompagnant chacun des objets exposés.
Musée du Louvre du 2 mai au 12 août 2019 : « Royaumes Oubliés. De l’Empire hittite aux Araméens ».
Sources:
Les grands traits de l'histoire hittite, Hatice Gonnet, Hittitologue. Chargée de recherche au CNRS. Chargée
de cours à l’École du Louvre
Déchiffrage des écritures: Hrozný, le « Champollion tchèque »
Dossiers d’Archéologie - Hors série n° 36,
mai 2019
Le Journal du Louvre - N°47 - Grande
Galerie, printemps 2019
Magnifique exposition, très riche et de très belles photos, merci pour la visite Pat !
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