samedi 9 mai 2020

Rue des Immeubles Industriels, les logements sociaux du 19e siècle


Entre la place de la Nation et la place de la Bastille, la rue du Faubourg Saint Antoine, l’une des plus anciennes voies de Paris est depuis le 15e siècle le centre de l’artisanat du bois et de l’ameublement. Cette activité aujourd’hui en voie de disparition, était prospère au 19e siècle, mais déjà menacée par la concurrence anglaise, plus industrialisée. La construction des immeubles haussmanniens, avec de nouveaux appartements luxueux qu’il fallait meubler en conséquence offrait pourtant une riche clientèle!
Contrainte d’abandonner le centre de la capitale, la population ouvrière avait été repoussée massivement vers la périphérie. Des artisans et ouvriers logeaient déjà à proximité des ateliers d’ébénisterie, mais l’habitat y était vétuste, insalubre et surpeuplé, avec des risques importants de propagation des épidémies.
L’élan haussmannien n’affectera pas l’allure générale du Faubourg Saint Antoine mais en déclinera cependant quelques règles dans les cours, impasses et passages. C’est donc généralement à l’abri des regards que s’aligneront les fonctionnelles architectures des bâtisses réunissant habitations et ateliers mécanisés, cohabitant souvent avec des constructions des siècles précédents.


L’homogénéité typique des îlots urbains du Second Empire trouve cependant son paroxysme dans une rue perpendiculaire à la rue du Faubourg Saint Antoine, proche de la place de la Nation, et percée en 1872. Elle est bordée de 19 immeubles dont les façades rigoureusement alignées sont parfaitement identiques. Unique exemple de toute la capitale, c’est la rue des Immeubles Industriels dans le 11e arrondissement. Sa dénomination, ne laisse planer aucun doute sur sa fonction. Sur l’initiative de l’industriel Jean-François Cail, l’architecte Émile Leménil fut chargé de sa réalisation.


Dès 1873, elle abrita plusieurs centaines d’ouvriers du meuble et leur famille dans les logements en étages, en contrepartie d’un loyer modéré. Pour se rendre sur le lieu de travail, le problème de transport ne se posait pas. Les ateliers étaient en sous-sol, rez-de-chaussée et entresol. C’est l’une des premières constructions parisiennes conçue pour un nouveau mode de production et préfigurant le concept de logement social. 


En dehors des baies cintrées de l'entresol soulignant d'un feston régulier côtés pair et impair, il ne faut pas chercher la fantaisie dans cette architecture mêlant acier, brique et pierre. Mais les technologies de l’époque apportaient à l’ensemble un confort non négligeable, en particulier chauffage et électricité fournis par une puissante machine à vapeur de 200 chevaux installée sous la chaussée (spécialité de la Société Cail).
Hervé Deguine, a publié deux ouvrages relatant son histoire. 
Le premier en 2015: Rue des Immeubles-Industriels. La cité idéale des artisans du meuble (1873-1914), Editions Bonaventure. 
Le second en 2018: Rue des Immeubles-Industriels: une rue de Paris en guerre (1939-1945)Editions Bonaventure. Ce dernier retrace à partir de témoignages oraux et d’archives, une histoire plus tragique. La rue avait accueilli de nombreux immigrés dans la période de l’entre deux guerres, en particulier des Italiens, des Juifs venus d’Europe centrale et de Pologne. Un grand nombre de ses habitants, résistants, communistes, Juifs furent victimes des rafles et des déportations. Beaucoup sont morts dans les camps.

Il n’y a plus d’ébénistes depuis longtemps et les appartements ont été vendus en copropriété dans les années 70. 
D’autres artisans ou commerçants occupent les ateliers, mais l’ensemble a conservé son apparence d’origine. Seules quelques touches de couleurs viennent en rompre l’austérité.



mardi 5 mai 2020

Fou rire devant le hublot du lave-linge


On le pressentait, le virus et le confinement vont finir par mettre en péril notre équilibre mental !
Entre besoin de connaitre les évolutions de la situation sanitaire mondiale et la saturation d’informations contradictoires, entre la suspicion et la confiance qu’on aimerait bien encore pouvoir accorder, entre distanciation obligatoire et promiscuité incontournable, entre docilité et insoumission, les semaines ont défilé dans l’incertitude, l’attente de consignes qu’on aurait souhaité dictées par le simple bons sens…
On a fini par comprendre que le port du masque n’était pas aussi inutile qu’on a voulu nous le faire croire. La pénurie se prolongeant inexplicablement, on en a même confectionné… 


On nous a expliqué comment efficacement le porter et puis vint le moment de nous apprendre les précautions indispensables concernant son entretien : lavage en machine à 60°C minimum, avec détergeant mais sans adoucissant et séchage rapide en sèche-linge ou à défaut avec un sèche-cheveux. La séance de séchage pour ceux qui n’ont pas de sèche-linge va être assez fastidieuse, mais ça peut être une façon d’occuper son temps… à condition d’être en possession d’un sèche-cheveux.
On sent déjà qu’un ou deux masques ne vont pas suffire. Ça tombe bien j’ai ressorti le nécessaire de couture afin de compléter ma fabrication artisanale.


L’autorité médicale convoquée tous les soirs au JT de France 2 m’insupporte depuis plusieurs semaines. Le ton condescendant employé pour répondre aux diverses questions plus ou moins pertinentes nous relègue très vite au rang d’adultes aux facultés intellectuelles limitées. La question « peut-on laver les masques en tissu en même temps que son linge ? », a provoqué la réponse « Eh bien non, il est préférable de les laver séparément ! » Autant lapidaire qu’absurde puisqu’elle n’explique rien. 
Les masques vont-ils contaminer le linge ? 
Ou bien le linge risque-t-il d’infecter les masques ?
La réutilisation s’accompagne donc de contraignantes précautions et de risques ! 
Pourtant ces masques « grand public » sont officiellement autorisés à la vente en pharmacie, assortis, précisons-le, de la mention d’agrément de l’Association française de normalisation (Afnor) et l'indication du nombre de lavages (5,10 ou 20).
Dans quelle catégorie ranger les miens ? Je commence à douter de la pertinence de ma production, et de sa distribution à mes proches ! Mettrais-je involontairement leur santé et la mienne en danger ?

Plus tard, en regardant le lave-linge, un irrépressible fou rire m’a secoué plusieurs minutes, les larmes aux yeux, en imaginant quelques masques solitaires dansant dans la mousse… Mon cerveau serait-il atteint des premiers symptômes inquiétants ? Ou aurait-il besoin de relâcher la pression ?
Réflexion faite, je vais réduire encore le temps télé et continuer de nettoyer mon masque à ma façon, trempage dans l’eau savonneuse très chaude, suivi d’un lavage énergique à la main et d’un séchage à l’air confiné… en attendant les masques jetables (toujours absents) qui seront en vente libre quand la pandémie aura disparue et qu'on oubliera de stocker en prévision de la prochaine.