Le 11e
arrondissement c’est le Paris de mon enfance et de mon adolescence. Il est
toujours mon port d’attache lors de mes séjours parisiens, avec la Place de la Nation pour repaire. Même si depuis quelques années la focale a légèrement glissé
en direction de Bastille. Autant dire que la rue du Faubourg Saint Antoine est
la colonne vertébrale de mes déplacements encore aujourd’hui.
Impossible de ne
pas constater au fil des ans un changement d’atmosphère, une transformation en
profondeur liée à la désindustrialisation du quartier, au départ en masse des
ateliers et magasins d’ameublement qui a eu pour conséquence un phénomène que
l’on nomme gentrification, éviction des classes populaires par les classes
moyennes. Ces dernières se sont installées après rénovation dans les logements
existants mais aussi dans d’autres bâtiments dont la construction n’était pas destinée
à l’habitation. C’est l’engouement pour les lofts, espaces atypiques qui donnent
à leurs occupants l’impression d’échapper à l’embourgeoisement que symbolise un
appartement classique.
L’aspect général de la
rue n’a pas vraiment été modifié malgré la multiplication des boutiques de
vêtements et chaussures. Elle conserve de rares magasins de meubles mais plusieurs
enseignes consacrées à la décoration de la maison.
Le shopping n’est
cependant pas au programme du jour.
Surprise d’apprendre que
l’endroit faisait l’objet de visites guidées, le moment est venu de franchir
quelques portails.
Au plus près de chez
moi, au 173 rue du Faubourg Saint Antoine, la cour ancienne n’a
pas daigné se montrer ce jour la.
La cour de l’Ours au no 95, se laissa admirer sans grogner.
La façade du bâtiment sur rue, construit au 18e siècle, porte encore
le haut-relief d’un ours sur piédestal. Côté cour, l’enfilade d'ateliers surmontés
d’habitations date du 19e et début 20e siècles.
Tout au
fond on aperçoit les ruines carbonisées de la prestigieuse peausserie Tassin
qui y était installée depuis 1905 et fut la proie d’un incendie en 2015.
Dans
l’un des ateliers, une petite boutique-musée en conserve la mémoire et les
contacts, dans l’attente d’une reconstruction hypothétique.
En face, l'ébénisterie
Straure affiche un label EPV (Entreprise du Patrimoine Vivant, distinguant les
savoir-faire artisanaux.
Au no75, la Cour de l'Etoile d'Or est
accessible par une belle porte cochère d’un immeuble construit fin 19e.
Mais son histoire est bien plus ancienne. Une maison de maître y est construite
vers 1640 comprenant également une cour et un jardin.
La cour est
progressivement utilisée par des artisans travaillant dans l'ameublement.
Au 18e
siècle le jardin disparaît, laissant la place à des écuries et remises
constituant une deuxième cour qui accueillera ensuite des ateliers-logements
puis en 1882 un grand immeuble-atelier de quatre étages et un bâtiment en
surplomb au-dessus du passage cocher.
L’ensemble est verdoyant
et coquet. Ne reste plus que l’architecture pour évoquer les activités
ouvrières et artisanales de son passé. Ici la reconversion est spectaculaire.
Au no71, ce sont les Shadocks qui nous
accueillent dans une jolie cour pavée!
Leur créateur Jacques Rouxel (1931-2004) habita à cette adresse. La cour
fut rénovée en 1998 par l’architecte Didier Drummond qui ajouta quelques
éléments en hommage à la série d’animation diffusée à partir de 1968 à la
télévision.
Petit rappel : les personnages des Shadocks sont bêtes et méchants
et ont pour principe : « Pourquoi faire simple quand on
peut faire compliqué ? ». Leurs antagonistes, les Gibis sont gentils
et intelligents.
Avant de continuer vers
la place de la Bastille on peut faire une brève incursion dans la rue de
Charonne pour explorer les cours Saint-Joseph et Jacques Viguès et le passage Lhomme, sujet d’un prochain article.
A l’extrémité de la rue
du Faubourg Saint Antoine, il n’y a plus qu’à traverser la rue de la Roquette
pour trouver la cour Damoye au no12 sur la place, entre deux
enseignes de restauration.
Elle se prolonge jusqu'à la rue Daval offrant
quelques instants de calme, brutal mais appréciable contraste avec
l’effervescence de la place.
Elle fut aménagée au 18e siècle par Antoine Pierre Damoye, un quincailler, pour abriter de nombreux ateliers et
loger les artisans.
Les
bâtiments les plus anciens se situent de part et d'autre de l'accès rue Daval, et
près de l’entrée côté place. On distingue les poutres sur les façades.
D’autres aménagements
datent du 19e siècle, comme en témoigne le monte-charge.
Elle a fait l’objet de rénovation
en 1990 et abrite un atelier de restauration d’affiches
anciennes et un maroquinier.
Un nouvel atelier de torréfaction de café a
récemment ouvert, ambitionnant de perpétuer la réputation de la brûlerie Daval,
ouverte en 1945 et fermée depuis peu.
Derrière les façades,
cours et passages témoignent d’inéluctables transformations, chacun à leur façon. Des éléments récurrents, mais
aussi de la diversité… De quoi battre le pavé une bonne heure car la liste
n’est pas exhaustive.
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