L’exposition se clôture sur des images de dômes turquoise,
d’édifices fastueux aux façades recouvertes de mosaïques, joyaux architecturaux
de la dynastie timouride.
Nombreux sont ceux qui regardent en boucle le vidéogramme
aguicheur sur grand écran digne d’une publicité touristique. Mais ce n’est probablement que
pour se reposer du voyage dans le temps qu’ils viennent de parcourir en
traversant les salles consacrées à l’exposition Splendeurs des oasis d’Ouzbékistan.
Une présentation chronologique révèle les
impressionnants vestiges d’antiques civilisations, dont certaines, quasi inconnues
comme la civilisation Kouchan rencontrée lors de la visite de l’exposition Tadjikistan, au Pays des fleuves d’Or. L’Ouzbékistan
vit, lui aussi, se succéder les conquêtes, les civilisations et des cultes divers (nestorianisme, manichéisme, zoroastrisme, bouddhisme, judaïsme…) qui
ont laissé des traces. En partenariat avec le Louvre l’Etat ouzbek a souhaité
mettre en valeur les vestiges que recèlent les musées du pays afin de faire
connaitre cette riche histoire où se mêlent les cultures grecque, nomade, perse,
indienne et musulmane qui ont précédé l’arrivée de redoutables conquérants mongols,
Gengis Khan (1155-1227), puis Tamerlan (1336-1405), dont l’armée sema la terreur, les massacres et la destruction,
mais qui marqua de son empreinte l’architecture extravagante de sa capitale Samarkand.
Un prince en armure, guerrier moustachu, en argile
modelée recouverte de plâtre et décorée de pigments rouges, et la statue d’un roi
de la dynastie Kouchan assis sur un trône, en terre crue polychrome, Ouzbékistan,
khalchayan, 1er siècle de notre ère.
Parures et bijoux témoignent de l’opulence des
élites, trésor de Dalverzin tepe
Deveta, divinité bouddhique avec son collier et tête de prince kouchan en argile blanc, Dalverzin
tepe, 1/2e siècle de notre ère, Institut des
Beaux-Arts, Tashkent
Vestiges du
zoroastrisme, religion des Perses achéménides, des ossuaires à toit conique en
terre cuite, Ouzbekistan, Mullakurgan et Hirmantepe, 7-8e siècles, contenaient
les os des cadavres livrés aux charognards, chiens et oiseaux, dans les tours
du silence (dakhmâ).
Ils sont décorés
de scènes du quotidien du défunt ou de divinités protectrices
Kafir-Kala était une citadelle, à la fois place forte et
place commerciale, située à 12 km au sud de Samarkand. La destruction du palais
est attribuée à la conquête islamique en 712 de notre ère.
Des interventions particulièrement délicates de restauration
effectuées à l’Institut du patrimoine de Samarkand ont permis la préservation
exceptionnelle de ces sculptures datées de la première moitié du 6e
siècle de notre ère. Témoignage miraculeusement épargné de la destruction par
les éléments, sous l’action providentielle d’une réaction chimique
généralement radicalement destructrice
(la combustion), cette porte est sans doute l’un des artefacts de l’exposition
le plus surprenant !
La
peinture des «ambassadeurs» est une fresque du 7e siècle, qui
illustre le passage d’une caravane de chevaux, dromadaires et cygnes sur la
route de la soie. Les interprétations de son iconographie sont nombreuses. Il est possible que ce soit une représentation de la cérémonie de la nouvelle année zoroastrienne, le Nawruz (Nevruz).
La procession se dirige vers l'est, vers un pavillon qui représente le mausolée des parents du souverain, Varkhuman, identifiable par sa grande taille et monté sur un cheval. Devant lui, des prêtres zoroastriens au masque caractéristique suivent le défilé. Le sacrifice rituel est représenté par un cheval non sellé et des oies ainsi que deux personnages à dos de chameaux portant des massues. A l'avant du défilé, se trouvent les concubines royales à cheval, ainsi que l'épouse du souverain montée sur un éléphant. La fresque décorait à l'origine la salle de réception d'une résidence royale et fut découverte par hasard en 1965 lors de travaux de voirie.
Habituellement exposée au Musée Archéologique d’Afrasiab
(Samarkand), elle se trouve pour le temps de l’exposition parisienne dans le
département des Arts de L’Islam du Louvre (aile Denon), une occasion de
prolonger la visite en déambulant sous les grandes voiles blanches.
Représentation d’un marchand sogdien et d’un
chameau, terres cuites chinoises, dynastie Tang (618-907)
Fragment d'une fresque de la salle rouge du palais de Varakhsha construit au 5e siècle dans l’antique cité sogdienne à 40km au nord-ouest de Boukhara. Elle ne se releva jamais des raids arabes, puis de sa destruction par Gengis Khan.
L’islamisation de la Transoxiane
Les représentations humaines, les monstres et les
divinités vont laisser la place à une ornementation stylisée, géométrique, calligraphique
et colorée. L’art islamique s’incarnera dans l’architecture, les manuscrits, la
miniature, la gravure sur métaux et la marqueterie, le tissage, la sculpture
d’ivoire et sur marbre, la céramique aux couleurs chatoyantes ou irisées.
Etoile à décor végétal stylisé. Asie Centrale, 14e
siècle
Illustration réalisée vers 1560/70, d’un épisode du récit « Leïla et Mecnun »
très populaire à cette époque et inspiré d'une vieille légende qui remonterait
aux Perses achéménides (6e au 4e siècle avant notre ère),
narrant l'histoire d'une passion amoureuse au dénouement tragique.
L’observatoire de Samarkand
Ulugh Beg, petit-fils de Tamerlan fut reconnu pour sa
passion des sciences, de l’histoire, la théologie, la poésie, la médecine, la
musique, mais surtout l’astronomie qui a valu à la ville de Samarkand sa
réputation de ville de science et de culture. Il est à l’origine de la
construction de nombreuses Médersa (école religieuse) dans plusieurs villes de
l’empire. Pour faire avancer les travaux d’astronomie, il fit construire en 1428 l’observatoire qui porte son nom.
Il fut assassiné par des mercenaires à la solde de son
propre fils Abdul-Latif complice des conservateurs du pays. Aujourd’hui, sa
dépouille repose dans le Gour-Emir, le mausolée des Timourides. Le premier acte
de son fils après l’avoir fait exécuter fut de faire raser complètement
l’observatoire pour effacer la mémoire de son père de l’histoire. Les fondations
du bâtiment circulaire ont été retrouvées par un archéologue russe au début du
20e siècle et un musée expose différents instruments utilisés dans
l’observatoire à l’époque.
Ainsi s’achève la visite des «Splendeurs des oasis
d’Ouzbékistan» mais on peut toujours prolonger le voyage avec l’exposition de l’Institut
du Monde Arabe : Sur les routes de
Samarcande. Merveilles de soie et d'or
------------------------
Sources :
La Grande Civilisation des Kouchans, le Courrier de l’UNESCO, Février 1969