Pour rester dans le périmètre culturel, à quelques pas du
musée Guimet qui m’a donné l’occasion de voyager en Afghanistan, au
Tadjikistan, au Népal, dirigeons nos pas vers le Musée d'Art Moderne de Paris,
imposant édifice au style Art déco, en bordure de Seine construit pour
l'Exposition internationale de 1937, mais déjà destiné à abriter la création
contemporaine.
Jusqu’au 6 février 2022 s’y tient une exposition
temporaire au titre attractif en cette période hivernale Les Flammes, mais qui évoque surtout une étape majeure de
l'évolution humaine, la domestication du feu il y a au moins 400 000 ans, et
d’une autre étape, le modelage de la terre et sa cuisson tout autant décisive,
après la maitrise de la pierre et précédant celle des métaux. D’où le
sous-titre L'Âge de la céramique comme
une déclaration de reconnaissance pour cette matière argileuse ou siliceuse
transformée de manière irréversible par le feu et qui malgré sa fragilité est
capable de témoigner de l’activité humaine à travers les millénaires.
Cette technique est apparue dès le Mésolithique comme en
atteste la Vénus de Dolní Věstonice en Moravie (République tchèque), argile
cuite datée de 29 000 à 25 000 avant notre ère et quelques autres
figurines en Afrique du nord. La production s’est développée et diversifiée
plus ou moins précocement selon les zones géographiques du Néolithique, que
l’on qualifie d’ailleurs de Néolithique précéramique concernant les sites où
elle est absente.
Rappelons que la « Dame aux fauves » en terre cuite de Çatal Höyük en Turquie est
datée de
6000-5500 avant notre ère.
La figurine exposée, datée elle aussi du Néolithique (4500-3500 avant notre
ère) et provenant d’un site d’Eure et Loir, semble donc bien jeunette.
Je n’ai pas résisté à la tentation de réunir ci-dessus les photos de
réalisations totalement différentes, séparées temporellement d’au moins 5000
ans, leur trouvant cependant un petit air de famille. La seconde est signée Francine
Del Pierre (1913-1968), grand vase sans titre, vers 1960, faïence montée au
colombin, céladon.
La technique ancestrale du colombin devient un modèle de sobriété façonné
par les mains d’Enzo Mari, 1973, Italie, porcelaine blanche, assemblage de
fragments de colombins en quatre quart.
Elle inspire aussi la démarche artistique de Valentine Schiegel
Ainsi on ne peut nier des influences chinoises et
persanes dans la production turque d’Iznik, tant par des éléments de décor et
parfois même les formes des pièces. Il n’empêche que les artisans sont parvenus
à créer au 15e et 16e siècle un style décoratif ottoman
tout à fait original et des céramiques de très grande qualité.
Un plat de style saz
avec vagues et nuages, vers 1540, sur fond d’une affiche représentant un décor
de carreaux de revêtement mural, d’un intérieur de résidence impériale.
L’exposition propose un parcours selon trois
thématiques : les techniques (terres et cuissons, formes, décors), les usages
(utilitaires, artistiques, rituels) et les messages (trompe-l’œil,
anticlassiques, politiques), rythmé par de nombreux panneaux informatifs.
Pour ne pas oublier que nous sommes au MAM, l’humour s’y
invite ici et là.
Les fours sont parfois bien étonnants et prennent des
formes anthropomorphes.
Des céramiques réalisées par des artistes ou des céramistes
modernes et contemporains dialoguent avec des productions historiques signées
ou anonymes.
Anonyme, Caucase, Monde iranien, coupe en céramique
siliceuse, décor ajouté sous glaçure transparente, 12e ou 13e
siècle.
Navid Nuur, né en Iran vit et travaille à La Haye, Pays
Bas, grès, porcelaine, matériaux trouvés à paris (pierre, verre, asphalte,
cendres de charbon, coquillages de restaurants, journaux brulés, tube en cuivre
poli, métal)
La construction en brique se réinvente
Pour contredire le grand malentendu d’une Grèce antique figée
dans le marbre blanc et alimentant certains fantasmes identitaires.
Le monde numérique entre dans la danse
Laureline Galliot, France, Théière, 2017, impression 3D
par projection de liant coloré sur poudre de gypse.
Avant de quitter le MAM, ne manquons pas de faire un clin
d’œil à l’impressionnante fresque de Raoul Dufy La Fée Electricité, commandée
par la Compagnie parisienne de distribution d’électricité pour l’Exposition internationale
de 1937 et donnée par Électricité de France, pour être installée au Musée d’Art
Moderne de Paris en 1964.
Sources
Les plus anciennes terres cuites : état des recherches, Estelle BOUGARD, Docteur
en préhistoire, chercheur associé au département de préhistoire du Muséum
National d’Histoire naturelle, Paris