Sur le bureau des dizaines de brouillons griffonnés au
dos des anciennes attestations de déplacements dérogatoires accumulées depuis
mars 2020. Des mots s’y bousculent pour consigner des découragements, de
timides espoirs tout aussitôt balayés par des informations contradictoires, des
discours incohérents, des injonctions à se faire vacciner et l’impossibilité
d’obtenir des rendez-vous pour les personnes de plus de 75 ans sur les
plateformes saturées. Inscrite depuis le 4 février sur une liste d’attente de
la mairie, ma mère âgée n’a été contactée qu’un mois plus tard pour recevoir
une première dose du vaccin. La prochaine le 31 mars. Enfin ! Protection
efficace parait-il, mais pour combien de temps ?
Le 17 mars dernier, il y a un an, la France entrait en
résistance contre la pandémie du covid19.
Un inimaginable silence s'est abattu sur Paris sans voiture, sans piéton.
La stupeur s’est abattue sur l’humanité. La veille, pour conjurer cette paralysie programmée, j’avais marché jusqu’au lac de Saint-Mandé et fait plusieurs fois le tour dans la vaine tentative d’emmagasiner un bol de printemps, réalisant qu’il serait confisqué. L’immobilité forcée allait se prolonger 56 jours et la suite ne fut guère mieux.
Les mesures prises dans l’urgence ont durablement
chamboulé nos vies, réduit à peau de chagrin nos activités, nos rencontres
familiales et amicales, notre mobilité, nos certitudes.
J’ai tenté quelques mois de témoigner sur le quotidien
d’une française « entre deux rives » pour ne pas sombrer dans la
léthargie ambiante.
Puis en début d’année 2021, j’ai renoncé à publier les
textes sans originalité que m’inspirait une situation bloquée dans l’élasticité
des jours, des semaines, des mois qui passent sans la moindre éclaircie à
l’horizon.
Pas disposée à me lamenter sur mon sort, ni à disserter
sur l’empathie ressentie pour les vieux, les jeunes, et tous les autres
accablés d’angoissantes questions sur l’avenir.
Pas disposée à polémiquer sur
des décisions sanitaires, des mesures indispensables dont la mise en place a
soulevé tour à tour d’inextricables difficultés (masques, tests, vaccins…
obligatoires mais indisponibles), à ressasser tout un vocabulaire liberticide faisant
appel au sens des responsabilités et de la solidarité, un vocabulaire médical
dont tout le monde s’est emparé pour en saupoudrer les plus banales
conversations…
Alors que reste-il à raconter quand on passe une bonne
partie de la journée à déambuler sans but, à fixer des écrans à la recherche
d’un peu de nourriture culturelle, d’évasion, à écouter de la musique pour
combler le silence, à lire des polars parce que l’on n’arrive plus à se plonger
dans les œuvres littéraires qu’on s’était pourtant juré de redécouvrir.
La matière manque à mes curiosités habituelles. Mon
regard cherche à se focaliser sur une sortie de tunnel qui s’éloigne en
permanence.
L’écriture fut sacrifiée devant l’urgence de profiter du
dé-confinement du 15 décembre 2020, remplacé par un couvre-feu à 20h, puis d’un
autre plus contraignant à 18h dès le 16 janvier 2021. Une impression d’étau qui
se ressert !
Le re-confinement semblait inéluctable mais pour le moment, le scenario n’a
été retenu que sur une partie du territoire, tandis que des contraintes
drastiques étaient appliquées en Turquie sur les populations de plus de 65 ans
et les moins de 18 ans, visant à privilégier la poursuite de l’activité économique,
trop précaire, tout en confinant la totalité de la population les week-ends.
Stratégie contestable, mais semble-il pas moins efficace que d’autres…
C’est alors qu’une décision ministérielle provoqua
l’indignation dans le petit monde des expatriés. Détail insignifiant pour la
plupart des Français de l’hexagone : la fermeture des frontières aux
Français non résidents européens effective au 31 janvier 2021.
La simple lecture des motifs impérieux à justifier, dont
étaient exclus les visites familiales, le soutien moral aux frères, aux sœurs, aux enfants, jeunes
adultes éventuellement étudiants en situation précaire, aux parents même très âgés et isolés, voire
malades, m’a plongé dans la sidération puis la colère ! Exception faite
pour les enterrements ! Il aurait fallu dire merci ?
Discrimination inconcevable autant qu’inacceptable !
Qui a bien pu élaborer une décision aussi inhumaine et bafouant les lois
constitutionnelles !
Les Français de l’étranger (hors Europe) ont été relégués
sans état d’âme au rang de parias de la société. Ils l’étaient déjà concernant
de nombreux sujets mais cette fois une limite a été franchie.
Un assouplissement des conditions de voyage entre la France
et certains pays étrangers à compter du vendredi 12 mars, a été signalé par le
consulat à Istanbul précisant que la Turquie n’en faisait pas partie mais que
la liste des motifs impérieux avait été élargie… Maigre réconfort !
Mais il semble que le Conseil d'État a suspendu
l'obligation pour les Français rentrant de l'étranger de faire valoir des
motifs impérieux, dans un communiqué de ce même vendredi 12 mars, reconnaissant
que, je cite : « l’impact de ces déplacements est mineur sur la
propagation de l'épidémie de Covid-19 » et que « exiger un motif
impérieux porte une atteinte disproportionnée au droit fondamental qu’a tout
Français d’accéder à son pays ».
Voila donc une reconnaissance tardive mais apportant un
certain soulagement !
Le piège qui s’était fermé le 31 janvier s’est
entrouvert. En repartant à Istanbul, je n’aurai pas à subir l’interdiction de
remettre le pied sur le sol français !
A priori, contrairement à la situation du printemps
dernier, le trafic aérien, bien que réduit, n’est pas paralysé.
Mais l’éligibilité d’une nouvelle tranche d’âge à l’accès
au vaccin soulève déjà d’autres points d’interrogation ! Son opportunité
prochaine pour moi en France semble se présenter avec Astra Zeneca…. Mais la 2e
dose serait administrée 12 semaines après la première ! Un nouvel handicap
pour un éventuel retour au bercail !
Plus de 7 mois, exilée dans le pays où je suis née... une première depuis 1978!
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