dimanche 6 juin 2021

Formes de l'Invisible au Parc Floral

Pour cette ultime promenade au Parc Floral avant de quitter Paris, ce ne sont pas les massifs colorés qui ont le plus retenu mon attention cette fois, mais de surprenantes sculptures éparpillées dans l’espace verdoyant.
Dès l’entrée côté château de Vincennes, au début du chemin de l’évolution, posées sur le parterre paysagé composé de fougères et de mousses enveloppées de brumes, des naïades, nymphes aquatiques protectrices des sources, des rivières et des fontaines, accueillent les visiteurs.


Accompagnée d’Elvan qui malgré son jeune âge n’était plus si pressé de rejoindre l’aire de jeux, nous avons déambulé dans les allées à la recherche de ces discrètes présences se reflétant sur les plans d’eau, grimpées sur des bosquets et même suspendues aux branches.
Au cours de cette chasse au trésor inattendue, nous avons rencontré la sculptrice Daniela Capaccioli qui supervisait l’installation d’un centaure, créature immortelle mi-homme, mi-cheval, l’une des quarante pièces composant l’exposition «Formes de l'Invisible» à découvrir jusqu’au 1er octobre 2021.


Venue à Paris il y a une vingtaine d’années, l’artiste italienne exerce son talent pour un art inédit dans son atelier à Montreuil. Sa matière de prédilection : du grillage à poulailler qu’elle assemble et modèle autour d’une forme qu’elle imagine dans l’espace. Elle donne vie au vide habité d’ombres bienveillantes, peuple la solitude de présences transparentes, selon ses propres termes.
Les créatures mythologiques sont en bonne place dans ses représentations de l’invisible. Certaines nous semblent bien sympathiques comme ces dryades aériennes, nymphes protectrices des arbres et des forêts et ces femmes-arbres qui leur sont associées.




Hippocampe, la monture fantastique des divinités marines est prête à nous emporter pour un fabuleux voyage.


Mais on rencontre aussi des monstres, tel Cerbère, le chien à trois têtes gardien des portes de l’Enfer, et Tuchulcha l’inquiétante divinité étrusque.



Et puis des abeilles, animal mythique dans toutes les civilisations, aujourd’hui symboliques sentinelles face à la menace que l’activité humaine inflige à la planète.

 
Ça et là des personnages isolés ou en famille s'intègrent dans la scénographie.




Postés dans le décor comme pour témoigner peut-être de la nécessité d’une présence plus respectueuse, moins envahissante de notre passage sur terre. Comme une invitation à chacun des visiteurs d’être lui aussi une sentinelle afin de préserver l’environnement qui nous émerveille, celui qui nous fait rêver.



 

mercredi 2 juin 2021

Statue d’Eugène Chevreul au Jardin des Plantes

Entre un superbe marronnier de l’Himalaya (Inde, Népal, Afghanistan, Pakistan) en pleine floraison et un araucaria (Argentine, Chili) surnommé le Désespoir des Singes, allusion à son feuillage en écailles très piquantes, une statue ne retient généralement plus l’attention des passants.


Faisant face au Cabinet d’Histoire installé depuis 2008 dans l’ancien l'Hôtel de Magny, Michel Eugène Chevreul (1786-1889) y dresse cependant sa vénérable et accueillante silhouette sur la pelouse.
Son exceptionnelle longévité lui permit même d’assister en personne à l’inauguration de cette œuvre du sculpteur Léon Fagel, en 1888.


Professeur de chimie organique et directeur du Musée d'Histoire Naturelle jusqu'en 1884, après avoir été directeur de la Manufacture des Gobelins, il est connu pour son travail sur les acides gras, la saponification, la découverte de la stéarine qui a permis de remplacer les chandelles de suif par des bougies, mais aussi pour un essai sur l’apparence des couleurs «De la loi du contraste simultané des couleurs et de l’assortiment des objets colorés», Paris 1839. Il eut l’intuition que les problèmes d’harmonisation des couleurs des tapisseries ne provenaient pas de mauvais choix de pigments mais de la juxtaposition de tonalités inadéquates. L’œil et le cerveau jouant un rôle important dans la perception, le phénomène déjà observé par Léonard de Vinci et Goethe devait être plus optique que chimique.
La recherche de Chevreul fut donc dictée par la nécessité d’une bonne organisation des couleurs pour la teinture des laines. Il s’appliqua à en donner une explication scientifique et mit au point le « cercle chromatique à soixante-douze parties » avec l’espoir d’offrir un instrument de mesure aux artistes qui utilisent la couleur. De fait, ses travaux ont influencé les écoles artistiques comme l’Impressionnisme, le Néo-impressionnisme et le Cubisme. 
Une rue du 11e arrondissement de Paris que je connais bien pour y avoir vécu les vingt premières années de ma vie, et que je fréquente encore 
à chacun de mes séjours, porte le patronyme de ce scientifique tombé dans l’oubli. Ceci explique mon intérêt particulier pour cette statue.
 
Dans cette partie du jardin, derrière les Grandes Serres, les promeneurs sont plus attirés par l’exposition temporaire « Fragiles Colosses » installée sur la pelouse devant l’amphithéâtre ou par la butte au labyrinthe surmontée de la Gloriette de Buffon,
construite en 1786-1787, le plus ancien édifice métallique de Paris et l’un des plus anciens au monde. Un siècle de plus que la Tour Eiffel !  



Il fut autrefois fréquenté par des aristocrates et bourgeois parisiens (peut-être même par Michel Eugène Chevreul) qui s’y retrouvaient, souvent masqués et costumés, pour des soirées de « libertinage intellectuel ».


Récemment restaurée, la Gloriette est à nouveau accessible au public en journée mais une autre sorte de masque y est toujours de rigueur pour le moment !


Sous la corniche, on distingue l’inscription « Horas non numero nisi serenas » (je ne compte que les heures heureuses), allusion à l’ingénieux mécanisme, le gong solaire aujourd’hui disparu. Un fil de crin brulé par un rayon de soleil traversant une loupe se rompait pour déclencher un mécanisme d’horlogerie frappant douze coups à midi, les jours sans nuage.
On aimerait pouvoir adopter la devise conduisant certainement 
à la sagesse !