lundi 16 septembre 2019

Jalonnant le golfe d’Edremit : Güre, Ören, Cunda


Les stations balnéaires se succèdent d’Assos à Ayvalık comme les perles d’un collier. Güre a l’avantage d’être en plus une station thermale, comme il y en a aussi ailleurs en Turquie : Yalova, Bursa, Kozaklı, Pamukkale, Afyon, Balcova (près d’Izmir), Çeşme…
L’hôtel Ramada que nous avions choisi pour notre hébergement n’est pas directement sur la côte mais à mi-chemin entre celle-ci et l’ancien village sur la colline. 


Lors de la construction du complexe hôtelier, des oliviers pluri-centenaires ont été épargnés et agrémentent le parc de la touche emblématique de la région. Celui-ci, beau tronc, belles olives, arbore fièrement ses 470 ans. Et il n’est pas le plus ancien !



La relative pauvreté du buffet dînatoire est compensée par l’accès libre à une piscine thermale intérieure d’eau naturellement chaude (environ 37 degrés), avec plusieurs points de remous et un unique jet puissant très convoité. Relaxation assurée après une journée d’excursions et bienfaits garantis sur les douleurs articulaires, rhumatismes, arthrose, arthrite, fibromyalgie, tendinites, douleurs dorsales, etc. par la présence de sulfate, sodium et fluor. On peut compléter la détente en passant par le hammam ou le sauna et s’offrir en prime les services de professionnels de soins et de massages.
Autre attraction à proximité que nous n’avons pas eu le temps de visiter mais qui nous avait été conseillée: le petit musée ethnographique (Sarıkız Kazdağı Etnografya Galerisi) présente un condensé de l’histoire régionale, de la mythologie du Mont Ida mais aussi des contes et légendes attachés à certains hauts lieux de beautés naturelles (canyon de Şahindere, bassin où Hassan s’est noyé / Hassan boğuldu göleti), qu’il vaut mieux se dispenser de fréquenter car payants, mal entretenus et envahis de pique-niqueurs peu respectueux de l’environnement. Quant à la légende de Sarıkız, un sommet du parc national de Kazdağdaları porte sa trace. Sa sépulture légendaire constituée d’un amas de pierre n’est accessible qu’en véhicule tout terrain. L’entrée est payante et assortie de l’accompagnement quasi imposé d’un guide au tarif de 140TL. Cette exploitation mercantile de sites naturels nous a un peu découragés.

Nous avons continué le périple autour du golfe en direction d’Ayvalık.
Au niveau de la ville de Burhaniye, à l’intérieur des terres, une petite route mène vers la côte (environ 3 km). En bordure de mer, s’étale le quartier estival, Ören, né en 1957 de l’initiative du maire de Burhaniye. Il ne s’attendait sans doute pas à ce qui suivit. Lors des constructions de résidences, furent exhumés des vestiges significatifs. Il s’avéra qu’ils appartenaient à Adramytteion, cité antique évoquée en termes élogieux par Hérodote, Xénophon, Thucydide, Strabon, Pline et Stéphane de Byzance, cité que l’on croyait enfouie sous la ville actuelle d’Edremit située à 25 km plus nord à laquelle on octroya une toponymie turquisée ainsi qu’au golfe.
Ören se développa jusque dans les années 90. Pas de doute que ce processus d’urbanisation ait effacé de précieuses traces de civilisations, mais les autorités locales et les riverains ont pris conscience très vite du potentiel archéologique et se sont efforcés de conserver quelques éléments d’architecture et des artefacts. Ils ont fait la demande de création d’un musée. Le Conseil de la protection du patrimoine culturel et naturel de Bursa n’a classé le site qu’en 1990, ce qui a permis de réglementer et limiter toute nouvelle construction dans un périmètre élargi. Des premières fouilles systématiques ne furent cependant entreprises qu’en 2001 et interrompues en 2006.

Comme pour Antandros, les versions des auteurs antiques divergent au sujet de la fondation de la cité : au 6e siècle avant notre ère, à la demande d'Adramis, fils d'Alyatte II roi de Lydie, et frère du célèbre roi Crésus. Etablissement beaucoup plus ancien remontant à la fin du 2e millénaire avant notre ère d’une colonisation hellénique éolienne, comme Kyme. Autre hypothèse, la cité antique Adramytteion existait sous le nom Adra-Mudra et aurait été fondée par les Louvites, peuple autochtone ayant vécu en Asie Mineure au deuxième millénaire avant notre ère, prédécesseurs et contemporains des Hittites.
Les campagnes de fouilles menées à partir de 2012 par le Pr. Hüseyin Murat Özgen et une équipe pluridisciplinaire semblent confirmer une occupation ininterrompue du chalcolithique jusqu'à la période byzantine, selon des sondages effectués à Bergaz Tepe et leur étude stratigraphique. Le site est maintenu sous protection et n’est pas visitable.
Inutile de préciser que les témoignages concrets se rapportant à la préhistoire sont rares. Beaucoup plus nombreux ceux des périodes de la Grèce classique et hellénistique et de la période romaine. En particulier des tessons de céramique constituent de précieux indices de datation. Autre indice fiable : dans un contexte archéologique et stratigraphique délimité ont été retrouvées des pièces de monnaie frappées à l'effigie de la cité à partir du 4e siècle avant notre ère, preuve de l’existence d’institutions administratives autonomes et d’intenses échanges commerciaux.


Les fouilles archéologiques ont permis de dater l’importance portuaire et commerciale de la cité à partir de 422 avant notre ère, correspondant à l’arrivée des habitants de l’ile de Delos, exilés par Athènes et que le satrape persan de l’époque consentit à accueillir. Alternant avec des périodes troublées par des rivalités et des pillages, il y eut d’autres épisodes de prospérités, notamment quand la cité fut incorporée au royaume en expansion de Pergame à la fin du 3e siècle avant notre ère. Placée sous la domination romaine à partir de -129, Adramytteion continua de profiter de sa position géographique favorable et de la richesse que lui procurait le bois, les mines de cuivre et de fer des environs, jusqu’au milieu du 3e siècle. La ville prit le statut d'évêché à partir de 431 mais son déclin économique était amorcé, conséquence de l’ensablement de son port. Elle fut envahie et détruite par le commandant seldjoukide Çaka Bey, en 1093. L’absence de constructions postérieures à cette date et les ruines de deux églises le confirme.
  
Le parc archéologique d'Ören,  situé dans la zone piétonnière qui borde la plage, est en cours de réalisation par la direction du musée Balıkesir Kuva-yı Milliye sous le parrainage de la municipalité de Burhaniye. 



Il expose des pièces architecturales appartenant aux périodes classique, hellénistique, romaine et byzantine et des panneaux d’informations sur toutes les périodes d’occupation du site ainsi que les connaissances résultant des fouilles toujours en cours.




Après une pause café en terrasse avec vue sur la superbe plage de sable, nous reprenons la route pour la dernière escale du programme.


Face au port, dans la baie d’Ayvalık (anciennement Kydonies), un chapelet d'îlots cache la grande île grecque de Lesbos. 
Pour se rendre sur l’île de Cunda (Ali Bey adası), pas nécessaire d’emprunter un bateau. On accède d’abord à la petite île Lale (autre nom : Dolap) par un pont inauguré en juillet 2017 qui a remplacé la route sur digue construite deux siècles auparavant, par remblaiement de la mer sur 700 m de long et une vingtaine de mètres de large. Prouesse technique de l’époque qui avait le fâcheux inconvénient d’avoir fermé la baie d’un côté, limitant donc la circulation naturelle de l’eau et des bateaux.
Avant et après (photos empruntés sur Internet)



Ensuite on passe de Lale à Cunda par un pont de 54 mètres construit en 1964 et qui se targue par un écriteau d’être le premier pont de détroit en Turquie ! (photo également empruntée) 


Sa construction a effectivement précédé de 9 ans celle du premier pont sur le Bosphore, reliant l’Europe à l’Asie. La comparaison est surprenante ! Elle fait peut être référence au trafic incessant de la période estivale et aux impressionnants embouteillages qu’il provoque. Ou bien est-ce un clin d’œil ironique destiné à retenir l’attention de crédules touristes, prêts à s’extasier de tout. Plus vraiment fonctionnel ni plus très fringant, il attend une restauration et modernisation annoncée…

Cunda, n’a pas vraiment besoin d’attirer l’attention des visiteurs de cette manière. Elle a d’autres atouts… ses criques, ses plages, son ciel bleu, ses moulins, ses oliveraies, son port et ses anciennes bâtisses colorées, ses restaurants de mezze et de poissons, qui en font une destination appréciée des vacanciers étrangers mais surtout des citadins turcs. 



Les rares autochtones attendent patiemment septembre pour retrouver un peu de sérénité.
L’architecture néo-classique de l’emblématique Taş Kahvesi se dresse depuis au moins 150 ans. Dans la salle aux grandes fenêtres ornées de vitraux colorés, et en terrasse, la clientèle estivale commence à se raréfier. Les habitués vont pouvoir revenir siroter tranquillement leur café turc ou leur verre de thé...



Les commerces encore pimpants, s’apprêtent à hiberner…




L’église Taksiyarhis, construite en 1873, transformée en mosquée (sans ajout de minaret) en 1924, puis longtemps fermée pour cause de décrépitude, vient de bénéficier d’une importante restauration en partie financée par la famille Koç.


Elle abrite depuis 2014 un musée Rahmi Koç qui expose des outils, d’anciens équipements de plongée et des jouets, genre de succursale de celui d’Istanbul.
Il aurait été plus intéressant et plus respectueux de cet héritage culturel d’en faire un musée de l’histoire de l’île qui se confond avec celle d’Ayvalık et marquée par une singularité.
En effet, alors que sous l’empire ottoman les villes et villages présentaient généralement une composition démographique multiconfessionnelle, les habitants d’ici entre 1773 et 1922 étaient presque exclusivement des Grecs orthodoxes.
Cette situation était liée à des privilèges spécifiques accordés par firman impérial, et cela jusqu’en 1821, au moment de la guerre d’indépendance grecque.
Par la suite, les privilèges n’étaient plus de mise, mais les familles ont continué de vivre dans ce cadre qui avait vu défiler tant de générations, s’occupant comme autrefois de pêche, de culture d’oliviers et de fabrication d’huile.
A partir de 1922 le drastique échange de population ne leur a pas laissé le choix. Ils ont du quitter l’île qui fut repeuplée essentiellement par des musulmans de Crète qui eux aussi ont souffert de ce déracinement forcé. Et les activités de pêche, de culture d’oliviers et de fabrication d’huile, ont continué, mais les cloches des églises de Cunda ont disparu.




mardi 10 septembre 2019

Antandros, port et chantier naval en Troade antique


Le but principal de notre brève escapade au nord de la côte égéenne était la visite d’Antandros, sur la colline Kaletaşı Tepesi, au pied du Mont Ida (Kazdağları), qu’il ne faut évidemment pas confondre avec l’autre Mont Ida en Crète, dénommé aujourd’hui mont Psiloritis, bien que tous deux portent l’empreinte de récits mythologiques.
A une vingtaine de km de l’autel de Zeus près du village d’Adatepe, en direction d’Edremit, le site archéologique d’Antandros n’est pas facile à repérer. Il faut dépasser Altınoluk, pour ensuite revenir en sens inverse et quand vous passez le panneau touristique… vous êtes allé trop loin. 


L’entrée était juste avant et ressemble à celle d’une propriété agricole, et pour cause.
Il faut suivre un chemin à peine carrossable qui serpente entre les oliviers sur environ 200m avant de trouver une sorte de parking.


Une jeune archéologue fait office de gardien du site. L’entrée est gratuite. Elle nous offre un petit dépliant informatif sur l’histoire de la cité et ses vestiges localisés (villa romaine, nécropole et remparts). Elle nous explique que les fouilles ont été suspendues cette année faute d’autorisation et de financement. Elles ont commencé en 2001 avec une équipe dirigée par le professeur Gürcan Polat. Actuellement stockés dans un entrepôt, de nombreux artefacts attendent la création d’un musée local.  

Pour l'histoire d’Antandros, il faut se contenter de textes grecs contradictoires.
Alcée, poète de l'île de Lesbos, ayant vécu au 7e siècle avant notre ère, déclarait que la ville avait été fondée par la tribu anatolienne des Lélèges.
Pour l’historien, Hérodote, né à Halicarnasse en 484 avant notre ère, elle aurait été habitée par les Pélasges, nom donné par les Grecs anciens aux précédents habitants de la Grèce et de l’Asie Mineure, avant les grandes invasions achéennes, éoliennes et ioniennes.
Thucydide, homme politique et historien athénien, contemporain du précédent, prétendit qu'Antandros était une colonie grecque, fondée par des Éoliens.
Pour le philosophe Aristote (-324, -322) Antandros aurait été aussi nommée Edonis indiquant une origine édonienne de Thrace.
Bref, avant de devenir une cité grecque puis romaine, existait certainement une occupation urbaine dès l’âge de bronze, au début du 2e millénaire avant notre ère. Sa fondation serait bien antérieure à la guerre de Troie que les historiens situent vers 1200 avant notre ère. Elle n’est pas mentionnée par Homère dans l’Iliade, mais selon Virgile, poète latin auteur de l’Énéide, c'est du port d'Antandros que partit Énée, fils d’Aphrodite/Venus et du mortel Anchise, né sur le Mont Ida, gendre du roi Priam, survivant à la chute de Troie et en quête d’une terre d’accueil. Enée est le personnage mythique de la fondation de Rome.

En raison de son emplacement entre mer et montagne fournissant les ressources en bois et en résine, matériaux essentiels pour la construction navale, Antandros fut convoitée par toutes les puissances militaires cherchant à développer leurs flottes de guerre (Lesbos, Athènes, Sparte). Elle fut aux mains des Perses au 6e siècle avant notre ère. Elle obtint un temps son indépendance pendant la période hellénistique avant de tomber sous la coupe du roi de Pergame, puis de l’empire romain.

La visite du site est brève. Elle se limite actuellement aux vestiges d’une luxueuse villa romaine en terrasse, qui laisse présumer une certaine prospérité de ses propriétaires qui se sont succédé du 4 au 6e siècle, et que l’on découvre en suivant la passerelle métallique qui la traverse. 


Le niveau supérieur comporte six pièces en enfilade dont certaines sont décorées de fresques murales et de pavements de mosaïques au sol.




De chaque côté, des escaliers demi-circulaires conduisent au niveau inférieur ouvrant sur une cour (atrium) et son puits central, avec d’un côté une salle de travail (tablinum) et de l’autre des thermes privés et une piscine. 


La terrasse en dessous s’ouvre sur huit magasins dont l’un d’eux pourrait bien être, parait-il, une boutique de cosmétiques !   

Certes un peu décevant de ne pas pouvoir davantage circuler autour de cette villa pour mieux en comprendre l’agencement, mieux voir les éléments de décor. Frustrant de ne pas être autorisé à flâner alentour pour apercevoir même de loin d’autres vestiges. La volonté de protéger le site est cependant bien compréhensible car les fouilles sont relativement récentes et les moyens très limités apparemment. 
L’association « Antandros » aurait bien besoin de soutien avant d’espérer pouvoir rivaliser avec les spectaculaires vestiges des maisons romaines en terrasse, in situ, d'Éphèse, de Metropolis, d'Arycanda et d’Iasos, sans parler de leur mise en valeur dans les musées comme ceux de Zeugma ou d’Antakya
Même avec la réalisation d’un modeste musée, le site d’Antandros semble condamné à rester à l’écart des circuits touristiques pour encore longtemps, caché sous les oliviers, mais ce n’est pas une raison pour l’ignorer.


jeudi 5 septembre 2019

En Troade : Adatepe, traditionnel village ottoman et son vestige homérique

Le village d'Adatepe, situé à 3,5 km de Küçükkuyu (station balnéaire de la partie nord de la côte égéenne) est accroché au versant ouest du mont Ida (Kazdağları) à 280 mètres d'altitude.
Les plus anciennes traces d’occupation trouvées sur les lieux sont de rares vestiges romains mais il n’est pas exclu que sa fondation soit même antérieure à l’établissement des Grecs sur les côtes égéennes de l’Anatolie du 11 au 9e siècle avant notre ère. Les Lélèges auraient pu s’y installer…
Depuis la plus haute antiquité, la culture des oliviers et l’élevage représentait l’activité essentielle des villageois.
C’est aujourd’hui un refuge pour citadins en quête d’air pur. Certains ont entrepris de restaurer à partir des années 80 les maisons de pierres ruinées et en 89 le village a été déclaré zone protégée pour éviter les constructions disgracieuses. Son attrait a fait flamber les prix et beaucoup de bâtisses attendent encore le riche acquéreur qui leur redonnera leur allure d’antan.




Les plus anciennes ont 250 ans. Une époque ou Grecs et Turcs se côtoyaient paisiblement dans les ruelles pavées jusqu'au traumatisant échange de populations des années 1923-24, succédant aux non moins tragiques mouvements de populations à la fin de l’Empire ottoman. Les Turcs des îles de Crète et de Lesbos ont remplacé les Grecs. Les activités du village ont perduré jusque dans les années 60, puis décliné avec l’exode rural vers les nouvelles installations côtières et les villes, se traduisant par l’abandon des maisons traditionnelles et leur décrépitude.
Les activités sont désormais plus touristiques. La place ombragée par le feuillage de grands platanes séculaires s’est bien équipées de buvettes, étals de babioles et de plantes aromatiques, d’huiles d’olive et produits dérivés bien sûr, car la petite route qui grimpe vers Adatepe, traverse toujours les oliveraies.




Les affiches placardées un peu partout témoignent de la mobilisation citoyenne visant à dénoncer une déforestation à grande échelle sur l’un des versants montagneux de la région, entreprise par la société Doğu Biga, filiale turque de la compagnie canadienne Alamos Gold, pour y développer l’extraction d’or. L’utilisation de cyanure risque aussi de polluer les sources et de provoquer une catastrophe sanitaire.
Après les Alpes, la chaîne montagneuse du mont Ida, Kazdağları offre la plus grande réserve d’oxygène, et abrite 32 variétés de plantes endémiques. La protection de ce territoire semblait acquise depuis 1993 avec le statut de Parc Naturel. Il n’en est rien malheureusement et la vigilance s’impose, même si pour les 195 000 arbres déracinés, il est un peu tard !


Le glacier local propose un assortiment pas banal de parfums pour garnir ses cornets. 
Même lui ne résiste pas à ses gourmandises !   
En plus des assez classiques : Chocolat/caramel/lait/fraise/mûre/amande/menthe/citron/melon
Il y a aussi:
Gomme mastic/lait de chèvre/cardamome/curcuma/lavande/ortie/basilic/thym/
gingembre/fleur de grenadier/canneberge/courge
J’étais bien tentée par l’ortie mais victime de son succès, il n’y en avait plus.
J’ai opté pour curcuma et canneberge. Succulents !


Lestés de quelques calories, nous nous dirigeons vers l’entrée du village en longeant le mur du cimetière.


De là, grimpe un chemin forestier sur environ 800m, qui conduit à la curiosité des lieux : l’autel de Zeus, un imposant rocher aplani et sculpté présentant des traces d’aménagements en vue de cérémonies sacrificielles et une citerne. Il est très probable que les habitants d'Antandros, cité antique située à une vingtaine de kilomètres, se réunissaient ici. Nul doute de sa destination votive. Mais quel dieu y implorait-on ?



Rien ne vient étayer les allégations du richissime homme d’affaire allemand Heinrich Schliemann (1822 / 1890), féru de littérature homérique et découvreur du site de Troie. Il a identifié l’endroit avec l’archéologue Walther Judeich (1859 /1942) comme sanctuaire dédié au culte de Zeus en localisant ici le sommet Gargaros mentionné dans l’Iliade, d’où le père des dieux de l’Olympe observe la guerre sans merci que se livrent les Achéens et les Troyens à une centaine de kilomètres plus au Nord. C’est sur le Gargaros et son autel parfumé qu’Héra, sa femme, vient le rejoindre et le séduire afin de détourner son attention de la bataille et ainsi priver les Troyens de l’assistance divine et donner l’avantage aux Achéens.
Apparemment, les visiteurs n’ont retenu de la scène évoquée que la romantique union que Zeus aurait pudiquement enveloppée d’un nuage. Les couples y viennent main dans la main et nouent sur les branches des arbustes environnants des rubans, des bouts de tissus chargés de transmette leurs vœux, avec l’espoir qu’ils soient exaucés !



Curieux amalgame de mythologie grecque, hypothétiquement concrétisée par un autel de Zeus, et d’ancestrales croyances turques, réminiscences chamaniques qui font d’un arbre sur les hauteurs un lieu sacré auquel on peut confier ses souhaits.

Du haut du rocher, on découvre une partie du golfe d’Edremit et dans la brume, l’île de Lesbos qui lui fait face.


En respirant à plein poumon, on redescend en prenant le temps d’admirer le paysage. Sur la droite, le village se dévoile peu à peu entre les pins.