Si Metropolis est le nom d’une ville de l'Illinois
(États-Unis), il évoque surtout le film futuriste de Fritz Lang (1927) ou la
ville imaginaire de Superman. Dans le monde antique « metropolis »
est généralement un titre honorifique attribué à une cité pour ses fonctions
économique, sociale, politique et culturelle de première importance, son
rayonnement dans une province.
Pourtant une cité antique située en Turquie entre Izmir
et Ephèse, à 12km de Torbalı, près du village Yeniköy à proximité de
l’autoroute qui relie Izmir à Aydın, porte ce nom : Metropolis.
Selon l’étymologie
grecque, elle est la ville de la déesse mère, (Kubaba anatolienne, Kybele (Cybèle) phrygienne, ou Gaia grecque). On a retrouvé dans une grotte, à 5 km de la cité, un grand
nombre de figurines en terre cuite la représentant, et objets rituels divers
attestant ce culte. Il se déroulait principalement au mois de mars, et fut
actif pendant près de mille ans.
De taille modeste, Metropolis ne figure pas dans la liste
de la célèbre confédération Ionienne qui unit vers 315 av. JC les cités
côtières. Elle est d’ailleurs un peu en retrait dans les terres mais située sur une
antique voie commerciale reliant Smyrne (Izmir) à Ephèse, traversant l’Ionie, la plus
fertile de toutes les provinces d'Asie mineure,
plaine arrosée par le Petit Méandre (Küçük Menderes – antique Kaistros). Nul
doute que cette situation avantageuse tant pour la culture de céréales, vignes,
arbres fruitiers et oliviers, pour l’élevage que pour la circulation et
l’échange de marchandises, n’ait été un facteur déterminant d’une installation
précoce et d’un enrichissement de ses habitants dans les siècles suivants.
Les premières prospections du site ont commencé avec le Pr.
Recep Meriç dans les années 1970.
A partir de 1989 des fouilles de grande ampleur ont été
entreprises sous sa direction jusqu’en 2006. Elles n’en finissent pas de
surprendre l’équipe archéologique dirigée par son successeur, le Pr. Serdar Aybek
de l’université
Celal Bayar de Manisa. La presse a communiqué ces dernières années avec
enthousiasme les trouvailles les plus spectaculaires, dont un couloir voûté en
bon état de conservation reliant les thermes romains et la palestre.
Les moyens déployés ici ne sont pas tout à fait les mêmes
que ceux dont dispose Erythrai, et bien d’autres sites archéologiques.
Metropolis reçoit les soutiens de la Fondation Sabancı ,
de la municipalité de Torbalı, des associations MESEDER (Metropolis Sevenler
Derneği) et INSTAP (The Institute for Aegean Prehistory) ainsi que du ministère
de la culture et du tourisme qui a ouvert le site au public en juillet 2015. Les
guichets, flanqués d’une boutique officielle, sont installés. L’entrée est
payante (5 TL) pour ceux qui ne possèdent pas encore la Müzekart. Les visiteurs sont
invités à suivre les parcours empierrés, fléchés et surveillés qui sillonnent
la colline parmi les oliviers pour découvrir les vestiges d’une cité prospère.
Au sommet de la colline, sur l’acropole divers artefacts datant
de l’âge de bronze jusqu’à la période archaïque (-650/-480) attestent d’une
occupation très ancienne. Sur une autre colline aux alentours, Bademgediği tepesi, on pense avoir
retrouvé les vestiges de Puranda, ville fortifée de l’Arzawa, royaume convoité
par les Hittites. Un rocher sculpté au col de Karabel entre Kemalpaşa et
Torbalı témoigne de leur passage et peut être aussi de leur intervention
guerrière conduisant vers 1320 av. JC à la destruction de la ville, du royaume
et de sa capitale Apasa (hypothèse d’identification sur le site d’Ephèse).
Mais reprenons notre visite de Metropolis, dont
l’urbanisation se développa entre le 8e et 6e siècle av.
JC avec l’établissement des colons ioniens. Comme la plupart des cités grecques
d’Asie mineure, elle subit diverses dominations et tutelles durant la période
hellénistique (-330/-30), mais dans un même temps s’embellie. Sous le contrôle
des Séleucides (dynastie issue d’un des généraux d’Alexandre) dans la première
moitié du 3e siècle, une restructuration est entamée sur un plan en
damier et des remparts sont élevés.
Sous la domination du royaume de Pergame et de ses
souverains attalides, elle subit une influence bénéfique et de nouvelles
constructions monumentales voient le jour. L’art de la statuaire se développe.
Du théâtre de 4000 places datant du 2e siècle
av. JC, des vestiges significatifs nous sont parvenus, notamment la cavea (gradins)
et des fauteuils privatifs en marbre.
L’orchestra, le proskenion (estrade où jouent les acteurs),
la skéné (coulisses) furent réaménagés à la période romaine.
Des autels dédiés
au culte impérial furent ajoutés au 1er siècle. En effet les cités
grecques, en signe d’allégeance au pouvoir de Rome organisaient des
processions, des sacrifices, des banquets et des spectacles en l’honneur de
l’empereur divinisé et sa famille.
Les autels retrouvés au bas de la cavea du théâtre
sont dédiés à Auguste, premier empereur romain du 16 janvier 27 av. JC au 19
août 14 ap. JC, et à son neveu Germanicus, général romain.
A côté du théâtre se trouvent les ruines d’un salon de
réception au sol recouvert de mosaïques représentant des figures de la
mythologie grecque, Dionysos et son épouse, Ménades du cortège féminin de
Dionysos et masques de théâtre.
Quelques vestiges de fresques murales sont visibles.
Elles sont datées du 1er siècle.
En contrebas du théâtre et également de la même époque
une villa romaine à péristyle est encore l’objet de fouilles.
A l’autre extrémité du site, les vestiges architecturaux
s’étalent dans un imbroglio d’époques déjà évoquées, hellénistiques et romaines
auxquelles s’ajoutent des fortifications byzantines (témoins d’un
rétrécissement notable de la ville et de son déclin) dont un des murs fut
édifié en plein milieu du bouleutérion (lieu où siégeait le conseil assurant le
fonctionnement de la cité et daté du milieu du 2e siècle av. JC).
Pour construire ces fortifications au 12 ou 13e siècles, des
éléments architecturaux du bâtiment antique ainsi que de la stoa (galerie
couverte à colonnades) ont été réemployés. Des statues, ainsi involontairement
préservées, ont été dégagées presque intactes et transférées au musée
archéologique d’Izmir.
Légèrement en contrebas, à l’extérieur des remparts
byzantins on voit les vestiges d’imposants thermes romains, d’un gymnasium et de
latrines publiques du début du 2e
siècle ap. JC.
En terrasse se trouvait des habitations privées dont une
villa à atrium (cour intérieure bordée d’une galerie couverte à colonnade. Au
sol des mosaïques portent l’inscription « Bona Fortuna », souhaitant
bonne chance aux personnes quittant ces lieux protecteurs.
Au bas de la colline d’autres thermes romains et une
palestre, ainsi que l’église byzantine du 6e siècle ne sont pas
accessibles pour le moment. Il va sans dire que les fouilles sont loin d’être
terminées.
Il nous reste à remonter les marches d’une antique rue à
escaliers, de longer au passage les vestiges (1er siècle av. JC) des
murs d’enceinte de l’acropole et de suivre le sentier récemment aménagé pour atteindre
son sommet afin de découvrir le paysage environnant, la vaste plaine de
Torbalı.
A partir du 9e siècle Metropolis entama son
déclin irréversible et se vida progressivement de ses habitants au profit de
Torbalı (que certains chercheurs considèrent comme une déformation du nom
Metropolis). Au 15e siècle, les lieux ont été définitivement
abandonnés.
Sources :
* Site Internet de Metropolis (tr)
* Serdar Aybek, Metropolis
(İonia'da Bir Ana Tanrıça Kenti), Homer Kitabevi, Istanbul, 2009
Plans de monuments : photos des panneaux explicatifs sur le site archéologique
Parcours de la visite : photo de la 3e de
couverture de la brochure Serdar Aybek, Metropolis
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