mardi 1 décembre 2015

Metropolis, une cité antique près d’Izmir

Si Metropolis est le nom d’une ville de l'Illinois (États-Unis), il évoque surtout le film futuriste de Fritz Lang (1927) ou la ville imaginaire de Superman. Dans le monde antique « metropolis » est généralement un titre honorifique attribué à une cité pour ses fonctions économique, sociale, politique et culturelle de première importance, son rayonnement dans une province.
Pourtant une cité antique située en Turquie entre Izmir et Ephèse, à 12km de Torbalı, près du village Yeniköy à proximité de l’autoroute qui relie Izmir à Aydın, porte ce nom : Metropolis. 


Selon l’étymologie grecque, elle est la ville de la déesse mère, (Kubaba anatolienne, Kybele (Cybèle) phrygienne, ou Gaia grecque). On a retrouvé dans une grotte, à 5 km de la cité, un grand nombre de figurines en terre cuite la représentant, et objets rituels divers attestant ce culte. Il se déroulait principalement au mois de mars, et fut actif pendant près de mille ans.

De taille modeste, Metropolis ne figure pas dans la liste de la célèbre confédération Ionienne qui unit vers 315 av. JC les cités côtières. Elle est d’ailleurs un peu en retrait dans les terres mais située sur une antique voie commerciale reliant Smyrne (Izmir) à Ephèse, traversant l’Ionie, la plus fertile de toutes les provinces d'Asie mineure, plaine arrosée par le Petit Méandre (Küçük Menderes – antique Kaistros). Nul doute que cette situation avantageuse tant pour la culture de céréales, vignes, arbres fruitiers et oliviers, pour l’élevage que pour la circulation et l’échange de marchandises, n’ait été un facteur déterminant d’une installation précoce et d’un enrichissement de ses habitants dans les siècles suivants.   
Les premières prospections du site ont commencé avec le Pr. Recep Meriç dans les années 1970. A partir de 1989 des fouilles de grande ampleur ont été entreprises sous sa direction jusqu’en 2006. Elles n’en finissent pas de surprendre l’équipe archéologique dirigée par son successeur, le Pr. Serdar Aybek de l’université Celal Bayar de Manisa. La presse a communiqué ces dernières années avec enthousiasme les trouvailles les plus spectaculaires, dont un couloir voûté en bon état de conservation reliant les thermes romains et la palestre.
Les moyens déployés ici ne sont pas tout à fait les mêmes que ceux dont dispose Erythrai, et bien d’autres sites archéologiques.
Metropolis reçoit les soutiens de la Fondation Sabancı, de la municipalité de Torbalı, des associations MESEDER (Metropolis Sevenler Derneği) et INSTAP (The Institute for Aegean Prehistory) ainsi que du ministère de la culture et du tourisme qui a ouvert le site au public en juillet 2015. Les guichets, flanqués d’une boutique officielle, sont installés. L’entrée est payante (5 TL) pour ceux qui ne possèdent pas encore la Müzekart. Les visiteurs sont invités à suivre les parcours empierrés, fléchés et surveillés qui sillonnent la colline parmi les oliviers pour découvrir les vestiges d’une cité prospère.




Au sommet de la colline, sur l’acropole divers artefacts datant de l’âge de bronze jusqu’à la période archaïque (-650/-480) attestent d’une occupation très ancienne. Sur une autre colline aux alentours, Bademgediği tepesi, on pense avoir retrouvé les vestiges de Puranda, ville fortifée de l’Arzawa, royaume convoité par les Hittites. Un rocher sculpté au col de Karabel entre Kemalpaşa et Torbalı témoigne de leur passage et peut être aussi de leur intervention guerrière conduisant vers 1320 av. JC à la destruction de la ville, du royaume et de sa capitale Apasa (hypothèse d’identification sur le site d’Ephèse). 

Mais reprenons notre visite de Metropolis, dont l’urbanisation se développa entre le 8e et 6e siècle av. JC avec l’établissement des colons ioniens. Comme la plupart des cités grecques d’Asie mineure, elle subit diverses dominations et tutelles durant la période hellénistique (-330/-30), mais dans un même temps s’embellie. Sous le contrôle des Séleucides (dynastie issue d’un des généraux d’Alexandre) dans la première moitié du 3e siècle, une restructuration est entamée sur un plan en damier et des remparts sont élevés.
Sous la domination du royaume de Pergame et de ses souverains attalides, elle subit une influence bénéfique et de nouvelles constructions monumentales voient le jour. L’art de la statuaire se développe.
Du théâtre de 4000 places datant du 2e siècle av. JC, des vestiges significatifs nous sont parvenus, notamment la cavea (gradins) et des fauteuils privatifs en marbre.




L’orchestra, le proskenion (estrade où jouent les acteurs), la skéné (coulisses) furent réaménagés à la période romaine. 



Des autels dédiés au culte impérial furent ajoutés au 1er siècle. En effet les cités grecques, en signe d’allégeance au pouvoir de Rome organisaient des processions, des sacrifices, des banquets et des spectacles en l’honneur de l’empereur divinisé et sa famille. 


Les autels retrouvés au bas de la cavea du théâtre sont dédiés à Auguste, premier empereur romain du 16 janvier 27 av. JC au 19 août 14 ap. JC, et à son neveu Germanicus, général romain.

A côté du théâtre se trouvent les ruines d’un salon de réception au sol recouvert de mosaïques représentant des figures de la mythologie grecque, Dionysos et son épouse, Ménades du cortège féminin de Dionysos et masques de théâtre.

 
Quelques vestiges de fresques murales sont visibles. Elles sont datées du 1er siècle.  

  
En contrebas du théâtre et également de la même époque une villa romaine à péristyle est encore l’objet de fouilles.





A l’autre extrémité du site, les vestiges architecturaux s’étalent dans un imbroglio d’époques déjà évoquées, hellénistiques et romaines auxquelles s’ajoutent des fortifications byzantines (témoins d’un rétrécissement notable de la ville et de son déclin) dont un des murs fut édifié en plein milieu du bouleutérion (lieu où siégeait le conseil assurant le fonctionnement de la cité et daté du milieu du 2e siècle av. JC). 




Pour construire ces fortifications au 12 ou 13e siècles, des éléments architecturaux du bâtiment antique ainsi que de la stoa (galerie couverte à colonnades) ont été réemployés. Des statues, ainsi involontairement préservées, ont été dégagées presque intactes et transférées au musée archéologique d’Izmir. 

Légèrement en contrebas, à l’extérieur des remparts byzantins on voit les vestiges d’imposants thermes romains, d’un gymnasium et de latrines publiques  du début du 2e siècle ap. JC.






En terrasse se trouvait des habitations privées dont une villa à atrium (cour intérieure bordée d’une galerie couverte à colonnade. Au sol des mosaïques portent l’inscription « Bona Fortuna », souhaitant bonne chance aux personnes quittant ces lieux protecteurs.





Au bas de la colline d’autres thermes romains et une palestre, ainsi que l’église byzantine du 6e siècle ne sont pas accessibles pour le moment. Il va sans dire que les fouilles sont loin d’être terminées.

Il nous reste à remonter les marches d’une antique rue à escaliers, de longer au passage les vestiges (1er siècle av. JC) des murs d’enceinte de l’acropole et de suivre le sentier récemment aménagé pour atteindre son sommet afin de découvrir le paysage environnant, la vaste plaine de Torbalı.






A partir du 9e siècle Metropolis entama son déclin irréversible et se vida progressivement de ses habitants au profit de Torbalı (que certains chercheurs considèrent comme une déformation du nom Metropolis). Au 15e siècle, les lieux ont été définitivement abandonnés.
 
Sources :
* Site Internet de Metropolis (tr)
* Serdar Aybek, Metropolis (İonia'da Bir Ana Tanrıça Kenti), Homer Kitabevi, Istanbul, 2009
Plans de monuments : photos des panneaux explicatifs sur le site archéologique
Parcours de la visite : photo de la 3e de couverture de la brochure Serdar Aybek, Metropolis


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