Faubourg anatolien d’Istanbul, sur la rive asiatique du
Bosphore, il n’est qu’à dix minutes de l’embarcadère de Beşiktaş (rive
européenne). Nous retrouvons notre guide improvisée pour effectuer cette brève
traversée et la suivre dans un quartier qu’elle connaît bien pour y avoir passé
son enfance.
Le rendez-vous a été fixé avec le reste du petit groupe
près de la monumentale fontaine Ahmet III, première construction de ce type
édifiée en 1728 près de l’embarcadère d’Üsküdar, et à ne pas confondre avec
l’autre fontaine Sultan Ahmet trônant devant l’entrée du palais de Topkapı, construite
dans la foulée mais plus richement ornée.
Celle-ci est sobrement conçue sur un plan carré à pans
coupés. Marbres finement sculptés de rinceaux et de fleurs, gravés de poèmes
calligraphiés la décorent. Sur chaque façade, les fontaines à abreuvoir étaient
destinées aux bêtes et à l’approvisionnement en eau, tandis que les petites
fontaines d’angle, plus en hauteur servaient à se désaltérer.
Nous longeons le boulevard Paşalimanı, sur la gauche en
tournant le dos au Bosphore, pour arriver vers une bâtisse ottomane ayant bénéficié d’une
reconversion culturelle comme d’autres constructions d’Istanbul.
Nous y
croisons des musiciens, instruments à la main, se hâtant vers les salons de
répétition… Depuis la fermeture de l’AKM (Atatürk
Kultur Merkezi), place Taksim, et de ses hypothétiques restauration,
démolition, reconstruction, les artistes doivent se contenter de ces lieux qui
n’offrent à priori pas toutes les meilleures conditions acoustiques, mais une
surface adéquate. Théâtres, opéras, ballets sont provisoirement mis en scène
dans cet élégant bâtiment qui aurait été construit entre 1798 et 1802 pour
accueillir un dépôt à grains, et qui aurait servi de distillerie au monopole d’état
turc Tekel au début du 20e
siècle. Quelques salles, où sont regroupés diverses machines et tonneaux, constituent
un petit musée attestant de cette activité liquoreuse.
L’autre bâtisse sur la droite, dont ne subsistent que les
murs percés d’innombrables ouvertures, est connue pour avoir servi de dépôt de
tabac de la même société Tekel.
Nous revenons sur nos pas en direction de l’embarcadère
pour découvrir d’autres lieux témoignant plus ou moins discrètement du passé
ottoman d’Üsküdar, en laissant de côté pour le moment les innombrables minarets
dressés vers le ciel.
En remontant l’avenue Doğanlar, un bâtiment du 19e
siècle, ancienne Tephirhane, aujourd’hui
réaffecté à l’apprentissage des arts décoratifs ottomans, recèle encore des
étuves qui servaient à la désinfection des vêtements des personnes malades afin
de prévenir les épidémies.
Dans les environs, la rue Eski Mahkeme tient son nom du petit édifice à deux niveaux qui
aurait abrité le plus ancien tribunal turc.
Une légende populaire édifiante dit
qu’au 15e siècle, Mehmet le Conquérant en personne y aurait été jugé
sur la plainte d’un architecte byzantin auquel il aurait fait tranché la main
pour n’avoir pas respecté ses directives à propos d’une construction. Le
premier cadi (juge) d’Istanbul, Hızır Çelebi, aurait rendu la sentence de
trancher la main du sultan. Impressionné par cette justice mettant en
application la loi du talion, et sans doute très inquiet sur ses conséquences, le
sage architecte aurait demandé que la peine soit commuée en dédommagement
financier. Clémence approuvée par le juge et reconnaissance du sultan qui lui
attribua une pension à vie.
Les lieux restaurés ont été aménagés en bibliothèque au
rez-de-chaussée. A l’étage la salle d’audience accueille des conférences.
En chemin, nous croisons des ruelles, des fontaines, des
habitations d’une autre époque évoquant un paisible village.
Mais à quelques mètres, la frénétique activité
commerciale de la ville reprend ses droits, avec en son centre l’historique
bâtisse construite par Mimar Sinan en 1583, qui était alors un hammam comme en
témoignent encore ses coupoles ajourées et ses maigres vestiges de décors
peints. C’est depuis sa restauration en 1962, un marché couvert (Mimar Sinan
çarşısı).
Quelques pas de plus nous conduisent vers le balık pazarı, marché aux généreux étals
de poissons, où l’on trouve aussi de curieuses spécialités comme le pain de maïs
aux anchois.
Il est temps de faire une pause déjeuner et Kanaat lokantası, une alléchante cantine fondée en 1933 et toujours dirigée par la même famille, est justement à proximité. Que choisir? Laissons nous tenter par un beğendili kebab (sauté d'agneau sur un lit de purée d'aubergine) et un kaymaklı ayva tatlısı (dessert de coing cuit surmonté de crème).
Sans vraiment respecter l’ordre chronologique de nos déambulations,
les autres étapes de notre visite seront le sujet du prochain article, pour une
autre facette d’Üsküdar.
Mais auparavant,
écoutez la mélodie très populaire qui vient à l’esprit de tous les Stambouliotes
dès que l’on évoque le quartier, composée on ne sait quand, on ne sait où, mais
qui a fait le tour du monde depuis des décennies. Kâtibim ou Üsküdara gider iken ...
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire