Le but principal de notre brève escapade au nord de la côte
égéenne était la visite d’Antandros, sur la colline Kaletaşı Tepesi, au pied du
Mont Ida (Kazdağları), qu’il ne
faut évidemment pas confondre avec l’autre Mont Ida en Crète, dénommé
aujourd’hui mont Psiloritis, bien que tous deux portent l’empreinte de récits
mythologiques.
A une vingtaine de km de l’autel de Zeus près du village d’Adatepe, en direction d’Edremit, le site archéologique d’Antandros n’est pas
facile à repérer. Il faut dépasser Altınoluk, pour ensuite revenir en sens
inverse et quand vous passez le panneau touristique… vous êtes allé trop loin.
L’entrée était juste avant et ressemble à celle d’une propriété agricole, et
pour cause.
Il faut suivre un chemin à peine carrossable qui serpente
entre les oliviers sur environ 200m avant de trouver une sorte de parking.
Une jeune archéologue fait office de gardien du site.
L’entrée est gratuite. Elle nous offre un petit dépliant informatif sur
l’histoire de la cité et ses vestiges localisés (villa romaine, nécropole et
remparts). Elle nous explique que les fouilles ont été suspendues cette année
faute d’autorisation et de financement. Elles ont commencé en 2001 avec une équipe
dirigée par le professeur Gürcan Polat. Actuellement stockés dans un entrepôt,
de nombreux artefacts attendent la création d’un musée local.
Pour l'histoire d’Antandros, il faut se contenter de
textes grecs contradictoires.
Alcée, poète de l'île de Lesbos, ayant vécu au 7e
siècle avant notre ère, déclarait que la ville avait été fondée par la tribu anatolienne
des Lélèges.
Pour l’historien, Hérodote, né à Halicarnasse en 484 avant
notre ère, elle aurait été habitée par les Pélasges, nom donné par les Grecs
anciens aux précédents habitants de la Grèce et de l’Asie Mineure, avant les
grandes invasions achéennes, éoliennes et ioniennes.
Thucydide, homme politique et historien athénien,
contemporain du précédent, prétendit qu'Antandros était une colonie grecque, fondée
par des Éoliens.
Pour le philosophe Aristote (-324, -322) Antandros aurait
été aussi nommée Edonis indiquant une origine édonienne de Thrace.
Bref, avant de devenir une cité grecque puis romaine,
existait certainement une occupation urbaine dès l’âge de bronze, au début du 2e millénaire avant notre ère. Sa
fondation serait bien antérieure à la guerre de Troie que les historiens situent
vers 1200 avant notre ère. Elle n’est pas mentionnée par Homère dans l’Iliade, mais
selon Virgile, poète latin auteur de l’Énéide, c'est du port d'Antandros que
partit Énée, fils d’Aphrodite/Venus et du mortel Anchise, né sur le Mont Ida, gendre
du roi Priam, survivant à la chute de Troie et en quête d’une terre d’accueil.
Enée est le personnage mythique de la fondation de Rome.
En raison de son emplacement entre mer et montagne fournissant
les ressources en bois et en résine, matériaux essentiels pour la construction
navale, Antandros fut convoitée par toutes les puissances militaires cherchant
à développer leurs flottes de guerre (Lesbos, Athènes, Sparte). Elle fut aux
mains des Perses au 6e siècle avant notre ère. Elle obtint un temps son
indépendance pendant la période hellénistique avant de tomber sous la coupe du
roi de Pergame, puis de l’empire romain.
La visite du site est brève. Elle se limite actuellement
aux vestiges d’une luxueuse villa romaine en terrasse, qui laisse présumer une certaine prospérité de ses propriétaires qui se sont succédé du 4 au 6e siècle, et que l’on découvre en
suivant la passerelle métallique qui la traverse.
Le niveau
supérieur comporte six pièces en enfilade dont certaines sont décorées de
fresques murales et de pavements de mosaïques au sol.
De chaque côté, des escaliers demi-circulaires conduisent
au niveau inférieur ouvrant sur une cour (atrium) et son puits central, avec d’un
côté une salle de travail (tablinum) et de l’autre des thermes privés et une
piscine.
La terrasse en dessous s’ouvre sur huit magasins dont l’un d’eux
pourrait bien être, parait-il, une boutique de cosmétiques !
Certes un peu décevant de ne pas pouvoir davantage
circuler autour de cette villa pour mieux en comprendre l’agencement, mieux voir les éléments de décor. Frustrant de
ne pas être autorisé à flâner alentour pour apercevoir même de loin d’autres
vestiges. La volonté de protéger le site est cependant bien compréhensible car
les fouilles sont relativement récentes et les moyens très limités apparemment.
L’association « Antandros » aurait bien besoin de soutien avant
d’espérer pouvoir rivaliser avec les spectaculaires vestiges des maisons
romaines en terrasse, in situ, d'Éphèse, de Metropolis, d'Arycanda et d’Iasos, sans
parler de leur mise en valeur dans les musées comme ceux de Zeugma ou d’Antakya…
Même avec la réalisation d’un modeste musée, le site d’Antandros
semble condamné à rester à l’écart des circuits touristiques pour encore
longtemps, caché sous les oliviers, mais ce n’est pas une raison pour l’ignorer.
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