mardi 10 septembre 2019

Antandros, port et chantier naval en Troade antique


Le but principal de notre brève escapade au nord de la côte égéenne était la visite d’Antandros, sur la colline Kaletaşı Tepesi, au pied du Mont Ida (Kazdağları), qu’il ne faut évidemment pas confondre avec l’autre Mont Ida en Crète, dénommé aujourd’hui mont Psiloritis, bien que tous deux portent l’empreinte de récits mythologiques.
A une vingtaine de km de l’autel de Zeus près du village d’Adatepe, en direction d’Edremit, le site archéologique d’Antandros n’est pas facile à repérer. Il faut dépasser Altınoluk, pour ensuite revenir en sens inverse et quand vous passez le panneau touristique… vous êtes allé trop loin. 


L’entrée était juste avant et ressemble à celle d’une propriété agricole, et pour cause.
Il faut suivre un chemin à peine carrossable qui serpente entre les oliviers sur environ 200m avant de trouver une sorte de parking.


Une jeune archéologue fait office de gardien du site. L’entrée est gratuite. Elle nous offre un petit dépliant informatif sur l’histoire de la cité et ses vestiges localisés (villa romaine, nécropole et remparts). Elle nous explique que les fouilles ont été suspendues cette année faute d’autorisation et de financement. Elles ont commencé en 2001 avec une équipe dirigée par le professeur Gürcan Polat. Actuellement stockés dans un entrepôt, de nombreux artefacts attendent la création d’un musée local.  

Pour l'histoire d’Antandros, il faut se contenter de textes grecs contradictoires.
Alcée, poète de l'île de Lesbos, ayant vécu au 7e siècle avant notre ère, déclarait que la ville avait été fondée par la tribu anatolienne des Lélèges.
Pour l’historien, Hérodote, né à Halicarnasse en 484 avant notre ère, elle aurait été habitée par les Pélasges, nom donné par les Grecs anciens aux précédents habitants de la Grèce et de l’Asie Mineure, avant les grandes invasions achéennes, éoliennes et ioniennes.
Thucydide, homme politique et historien athénien, contemporain du précédent, prétendit qu'Antandros était une colonie grecque, fondée par des Éoliens.
Pour le philosophe Aristote (-324, -322) Antandros aurait été aussi nommée Edonis indiquant une origine édonienne de Thrace.
Bref, avant de devenir une cité grecque puis romaine, existait certainement une occupation urbaine dès l’âge de bronze, au début du 2e millénaire avant notre ère. Sa fondation serait bien antérieure à la guerre de Troie que les historiens situent vers 1200 avant notre ère. Elle n’est pas mentionnée par Homère dans l’Iliade, mais selon Virgile, poète latin auteur de l’Énéide, c'est du port d'Antandros que partit Énée, fils d’Aphrodite/Venus et du mortel Anchise, né sur le Mont Ida, gendre du roi Priam, survivant à la chute de Troie et en quête d’une terre d’accueil. Enée est le personnage mythique de la fondation de Rome.

En raison de son emplacement entre mer et montagne fournissant les ressources en bois et en résine, matériaux essentiels pour la construction navale, Antandros fut convoitée par toutes les puissances militaires cherchant à développer leurs flottes de guerre (Lesbos, Athènes, Sparte). Elle fut aux mains des Perses au 6e siècle avant notre ère. Elle obtint un temps son indépendance pendant la période hellénistique avant de tomber sous la coupe du roi de Pergame, puis de l’empire romain.

La visite du site est brève. Elle se limite actuellement aux vestiges d’une luxueuse villa romaine en terrasse, qui laisse présumer une certaine prospérité de ses propriétaires qui se sont succédé du 4 au 6e siècle, et que l’on découvre en suivant la passerelle métallique qui la traverse. 


Le niveau supérieur comporte six pièces en enfilade dont certaines sont décorées de fresques murales et de pavements de mosaïques au sol.




De chaque côté, des escaliers demi-circulaires conduisent au niveau inférieur ouvrant sur une cour (atrium) et son puits central, avec d’un côté une salle de travail (tablinum) et de l’autre des thermes privés et une piscine. 


La terrasse en dessous s’ouvre sur huit magasins dont l’un d’eux pourrait bien être, parait-il, une boutique de cosmétiques !   

Certes un peu décevant de ne pas pouvoir davantage circuler autour de cette villa pour mieux en comprendre l’agencement, mieux voir les éléments de décor. Frustrant de ne pas être autorisé à flâner alentour pour apercevoir même de loin d’autres vestiges. La volonté de protéger le site est cependant bien compréhensible car les fouilles sont relativement récentes et les moyens très limités apparemment. 
L’association « Antandros » aurait bien besoin de soutien avant d’espérer pouvoir rivaliser avec les spectaculaires vestiges des maisons romaines en terrasse, in situ, d'Éphèse, de Metropolis, d'Arycanda et d’Iasos, sans parler de leur mise en valeur dans les musées comme ceux de Zeugma ou d’Antakya
Même avec la réalisation d’un modeste musée, le site d’Antandros semble condamné à rester à l’écart des circuits touristiques pour encore longtemps, caché sous les oliviers, mais ce n’est pas une raison pour l’ignorer.


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