jeudi 5 septembre 2019

En Troade : Adatepe, traditionnel village ottoman et son vestige homérique

Le village d'Adatepe, situé à 3,5 km de Küçükkuyu (station balnéaire de la partie nord de la côte égéenne) est accroché au versant ouest du mont Ida (Kazdağları) à 280 mètres d'altitude.
Les plus anciennes traces d’occupation trouvées sur les lieux sont de rares vestiges romains mais il n’est pas exclu que sa fondation soit même antérieure à l’établissement des Grecs sur les côtes égéennes de l’Anatolie du 11 au 9e siècle avant notre ère. Les Lélèges auraient pu s’y installer…
Depuis la plus haute antiquité, la culture des oliviers et l’élevage représentait l’activité essentielle des villageois.
C’est aujourd’hui un refuge pour citadins en quête d’air pur. Certains ont entrepris de restaurer à partir des années 80 les maisons de pierres ruinées et en 89 le village a été déclaré zone protégée pour éviter les constructions disgracieuses. Son attrait a fait flamber les prix et beaucoup de bâtisses attendent encore le riche acquéreur qui leur redonnera leur allure d’antan.




Les plus anciennes ont 250 ans. Une époque ou Grecs et Turcs se côtoyaient paisiblement dans les ruelles pavées jusqu'au traumatisant échange de populations des années 1923-24, succédant aux non moins tragiques mouvements de populations à la fin de l’Empire ottoman. Les Turcs des îles de Crète et de Lesbos ont remplacé les Grecs. Les activités du village ont perduré jusque dans les années 60, puis décliné avec l’exode rural vers les nouvelles installations côtières et les villes, se traduisant par l’abandon des maisons traditionnelles et leur décrépitude.
Les activités sont désormais plus touristiques. La place ombragée par le feuillage de grands platanes séculaires s’est bien équipées de buvettes, étals de babioles et de plantes aromatiques, d’huiles d’olive et produits dérivés bien sûr, car la petite route qui grimpe vers Adatepe, traverse toujours les oliveraies.




Les affiches placardées un peu partout témoignent de la mobilisation citoyenne visant à dénoncer une déforestation à grande échelle sur l’un des versants montagneux de la région, entreprise par la société Doğu Biga, filiale turque de la compagnie canadienne Alamos Gold, pour y développer l’extraction d’or. L’utilisation de cyanure risque aussi de polluer les sources et de provoquer une catastrophe sanitaire.
Après les Alpes, la chaîne montagneuse du mont Ida, Kazdağları offre la plus grande réserve d’oxygène, et abrite 32 variétés de plantes endémiques. La protection de ce territoire semblait acquise depuis 1993 avec le statut de Parc Naturel. Il n’en est rien malheureusement et la vigilance s’impose, même si pour les 195 000 arbres déracinés, il est un peu tard !


Le glacier local propose un assortiment pas banal de parfums pour garnir ses cornets. 
Même lui ne résiste pas à ses gourmandises !   
En plus des assez classiques : Chocolat/caramel/lait/fraise/mûre/amande/menthe/citron/melon
Il y a aussi:
Gomme mastic/lait de chèvre/cardamome/curcuma/lavande/ortie/basilic/thym/
gingembre/fleur de grenadier/canneberge/courge
J’étais bien tentée par l’ortie mais victime de son succès, il n’y en avait plus.
J’ai opté pour curcuma et canneberge. Succulents !


Lestés de quelques calories, nous nous dirigeons vers l’entrée du village en longeant le mur du cimetière.


De là, grimpe un chemin forestier sur environ 800m, qui conduit à la curiosité des lieux : l’autel de Zeus, un imposant rocher aplani et sculpté présentant des traces d’aménagements en vue de cérémonies sacrificielles et une citerne. Il est très probable que les habitants d'Antandros, cité antique située à une vingtaine de kilomètres, se réunissaient ici. Nul doute de sa destination votive. Mais quel dieu y implorait-on ?



Rien ne vient étayer les allégations du richissime homme d’affaire allemand Heinrich Schliemann (1822 / 1890), féru de littérature homérique et découvreur du site de Troie. Il a identifié l’endroit avec l’archéologue Walther Judeich (1859 /1942) comme sanctuaire dédié au culte de Zeus en localisant ici le sommet Gargaros mentionné dans l’Iliade, d’où le père des dieux de l’Olympe observe la guerre sans merci que se livrent les Achéens et les Troyens à une centaine de kilomètres plus au Nord. C’est sur le Gargaros et son autel parfumé qu’Héra, sa femme, vient le rejoindre et le séduire afin de détourner son attention de la bataille et ainsi priver les Troyens de l’assistance divine et donner l’avantage aux Achéens.
Apparemment, les visiteurs n’ont retenu de la scène évoquée que la romantique union que Zeus aurait pudiquement enveloppée d’un nuage. Les couples y viennent main dans la main et nouent sur les branches des arbustes environnants des rubans, des bouts de tissus chargés de transmette leurs vœux, avec l’espoir qu’ils soient exaucés !



Curieux amalgame de mythologie grecque, hypothétiquement concrétisée par un autel de Zeus, et d’ancestrales croyances turques, réminiscences chamaniques qui font d’un arbre sur les hauteurs un lieu sacré auquel on peut confier ses souhaits.

Du haut du rocher, on découvre une partie du golfe d’Edremit et dans la brume, l’île de Lesbos qui lui fait face.


En respirant à plein poumon, on redescend en prenant le temps d’admirer le paysage. Sur la droite, le village se dévoile peu à peu entre les pins.





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