jeudi 1 novembre 2012

Escale crétoise


Cette année en Turquie, une fête religieuse et la fête nationale (29 octobre) étaient couplées pour donner cinq jours fériés et l’occasion de partir ailleurs.
Pourquoi ne pas profiter d’un vol direct entre Istanbul et Héraklion spécialement affrété par la compagnie Aegean Airlines, alors que le plus souvent une escale à Athènes est incontournable pour se rendre en Crète depuis la Turquie.




L’islomanie définie cette attirance irrépressible pour les îles, que certains identifient comme une recherche inconsciente de l’Atlantide engloutie, d’un paradis perdu. Et il y avait quelque chose de ça pour beaucoup de participants à ce voyage… sauf que cette attirance était dirigée vers une île en particulier et explicable par des faits historiques récents.    

La construction de la République turque a laissé des traces douloureuses que les politiciens se sont empressés de faire oublier avec, dit-on parfois, la louable intention de ne pas entretenir les rancœurs pouvant naître des tragédies vécues par tous les peuples réunis pendant des siècles sur le territoire de l’empire ottoman, y compris par les Turcs. Cette amnésie forcée a sans aucun doute conduit à de regrettables malentendus aux conséquences désastreuses.
Depuis quelques années en Turquie, se développent cependant les revendications d’une identité pluraliste ayant pour objectif d’aller vers un avenir apaisé.
Les souvenirs enfouis d’exil imposé ont du attendre une, deux ou trois générations pour oser refaire surface et se débarrasser d’une coupable et inavouable nostalgie.

Héraklion, Agios Titos
Les échanges de population qui ont eu lieu au début du 20e siècle se déclinent aujourd’hui en échanges touristiques et comme des Grecs viennent à Izmir ou Istanbul, des Turcs sont tout aussi curieux de découvrir où ont vécu leurs grands-parents qui pour la plupart ne parlaient que le grec. L’émotion provoquée par ce retour aux sources était palpable.
Le guide Gréco-turc, Dia, ne s’y est d’ailleurs pas trompé. Les visites des sites minoens ont été réduites au minimum c'est-à-dire à l’incontournable Cnossos dont Sir Arthur John Evans a dirigé les fouilles à partir de 1900 et en identifiera les vestiges comme ceux du palais du mythique roi Minos, né des amours de Zeus et d’Europe. 







Il n’hésitera pas à en faire une reconstitution in situ sujette à de multiples controverses et donnera le qualificatif de minoenne à la civilisation de l’âge de bronze (2700 à 1200 av JC) qu’il découvrit en Crète.  Résidence royale mais aussi centre administratif et religieux, le site présente un agencement de salles, de passages, de porches, de bassins, d’ateliers et d’entrepôts où étaient stockés les énormes pithoi remplis d'huile, de vin et autres denrées alimentaires.





Les amateurs d’archéologie ont du mettre une sourdine à leur frustration de ne pas visiter le musée d’Héraklion (Kandiye) abritant une vaste collection minoenne (en particulier les fresques originales dont on voit les copies à Cnossos), tout autant que les adeptes de randonnées qui avaient envisagé de grandes marches dans les gorges débouchant sur des plages désertes. Une échappée fut cependant réalisée…

Plage de Matala. Dans les années 1970, des hippies du monde entier s’installèrent dans les grottes préhistoriques creusées dans la falaise 
Plage de Kommos
Chapelle sur les hauteurs de la plage de Kommos
Mais cinq jours sont bien insuffisants pour avoir une idée de toutes les beautés de cette île séduisante, sans compter que le 28 octobre est un jour de fête nationale grecque et que la plupart des musées et sites étaient fermés, à l’exception de Gortyne, site gréco-romain, dont l’entrée était gratuite ce jour là.

Gortyne, la basilique byzantine Agios Titos du 6e siècle
Gortyne, l’odéon et les lois gravées sur la pierre  
Gortyne, le mythique platane de Zeus et Europe caché par le feuillage d’un palmier
Gortyne, le temple d’Apollon et le preatorium
Par contre le site minoen de Phaistos n'était pas accessible. On a du se contenter d'une vue d'ensemble.



Nous avons longuement arpenté Rethymnon (Resmo), Khaniá (Hanya), mais aussi Ierapetra et Agios Nikolaos pour combler les attentes fébriles de partir à la rencontre des Crétois (Kritikos en grec et Giritli en turc), de remonter le temps à la recherche de souvenirs, de saveurs, de senteurs, d’expressions que certains gardaient en mémoire, bref de s’imprégner d’un état d’esprit crétois qui réveillait des bribes de récits entendus dans leur enfance. 

Réthymnon, une ruelle
Réthymnon, fontaine Rimondi (1629)
Réthymnon, mosquée Veli Pacha qui abrite aujourd'hui le Musée Goulandris d'Histoire Naturelle et de paléontologie
Réthymnon, mosquée Kara Musa Pacha
Réthymnon
Réthymnon
Les vieux quartiers ont conservé les traces de leurs occupants successifs, Vénitiens et Ottomans et dans le dédale de rues étroites porches et fontaines Renaissance, coupoles et minarets côtoient monastères et chapelles.

Khaniá, marché couvert édifié sur les plans de celui de Marseille (1911) 
Khaniá, l'église Agios Nikolaos entre clocher et minaret
Khaniá, arsenaux vénitiens
Khaniá, mosquée des Janissaires construite en 1645
Khaniá
Ierapetra
Agios Nikolaos
Agios Nikolaos, répétition de la danse folklorique pour la fête nationale
Agios Nikolaos, répétition de la reconstitution d’une lutte minoenne
Agios Nikolaos
Dans le golfe de Mirabello, au village de Plaka, des bateaux-navettes relient fréquemment de nos jours la petite île désertée Spinalonga. Il n'en a pas toujours été ainsi car elle a abrité, dans les murs de sa forteresse vénitienne,  une léproserie de 1903 à 1957. Ses habitants faisaient l'objet d'un strict et tragique isolement. Le roman de Victoria Hislop, L'île des oubliés, raconte ce dramatique épisode. 



Pendant les trajets, Dia n’a pas ménagé ses cordes vocales pour nous remémorer les mythes dont le sol crétois fut le théâtre, à commencer par l’enfance de Zeus caché par sa mère Rhéa dans la grotte du mont Dicté, lieu de culte minoen, ou autre version, dans la grotte du mont Ida (montagne du Psiloritis), lieu de culte romain. Les deux versions s'accordent sur la destination de ces cachettes: protéger Zeus contre son père Cronos, fils d’Ouranos (dieu du ciel) et de Gaïa (déesse de la terre), qui dévorait ses enfants de crainte d’être détrôné. Il y fut nourrit par la chèvre Amalthée dont une des cornes brisée se transforma en corne d’abondance qui ne se vidait jamais…
Zeus revint plus tard en Crète avec la belle Europe, fille du roi de Phénicie, qu’il séduisit et enleva, transformé en taureau. 

Agios Nikolaos, statue représentant le mythique enlèvement
De leur union sous un platane de Gortyne, naquirent Minos et ses deux frères, Rhadamanthe et Sarpédon.
Incollable en mythologie, le guide enchaîna sur la légende du Minotaure, né d’une passion entre Pasiphaé, femme de Minos, et un taureau. Le monstre enfermé dans le labyrinthe construit par Dédale fut tué par Thésée, fils du roi Egée d’Athènes, qui grâce au fil d’Ariane (fille de Minos) pu retrouver la sortie et rentrer à Athènes. Mais il oublia de hisser les voiles blanches pour annoncer sa victoire, ce qui causa le désespoir de son père qui se jeta dans la mer qui porte son nom depuis.
Minos enferma Dédale et son fils Icare dans le Labyrinthe. Pour s'échapper Dédale fabriqua des ailes avec des plumes et de la cire mais Icare, malgré les conseils de son père, s'approcha trop près du soleil et la cire de ses ailes fondit : il tomba dans la mer Egée près d’une île qui porte son nom, Ikaria…
Ce n’est évidemment qu’une version très condensée !

La Crète, très appréciée des dieux l’est aussi des touristes. Comme toutes les destinations du sud, le printemps et l’automne sont à privilégier si l’on veut éviter la foule. Même si le soleil n’est pas toujours au rendez-vous, il n'est jamais absent très longtemps.

Arc en ciel après la pluie sur Héraklion
Silhouette minimaliste d’un araucaria au lever du soleil 

1 commentaire:

  1. Belles photos pour un billet bien documenté qui donne envie d'y partir toutes affaires cessantes! Merci de nous faire profiter de ce voyage ailleurs.

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