lundi 31 janvier 2022

Les Flammes, L'Âge de la céramique, une exposition au MAM

Pour rester dans le périmètre culturel, à quelques pas du musée Guimet qui m’a donné l’occasion de voyager en Afghanistan, au Tadjikistan, au Népal, dirigeons nos pas vers le Musée d'Art Moderne de Paris, imposant édifice au style Art déco, en bordure de Seine construit pour l'Exposition internationale de 1937, mais déjà destiné à abriter la création contemporaine.


Jusqu’au 6 février 2022 s’y tient une exposition temporaire au titre attractif en cette période hivernale Les Flammes, mais qui évoque surtout une étape majeure de l'évolution humaine, la domestication du feu il y a au moins 400 000 ans, et d’une autre étape, le modelage de la terre et sa cuisson tout autant décisive, après la maitrise de la pierre et précédant celle des métaux. D’où le sous-titre L'Âge de la céramique comme une déclaration de reconnaissance pour cette matière argileuse ou siliceuse transformée de manière irréversible par le feu et qui malgré sa fragilité est capable de témoigner de l’activité humaine à travers les millénaires.
Cette technique est apparue dès le Mésolithique comme en atteste la Vénus de Dolní Věstonice en Moravie (République tchèque), argile cuite datée de 29 000 à 25 000 avant notre ère et quelques autres figurines en Afrique du nord. La production s’est développée et diversifiée plus ou moins précocement selon les zones géographiques du Néolithique, que l’on qualifie d’ailleurs de Néolithique précéramique concernant les sites où elle est absente.
Rappelons que la « Dame aux fauves » en terre cuite de Çatal Höyük en Turquie est datée de 6000-5500 avant notre ère.
La figurine exposée, datée elle aussi du Néolithique (4500-3500 avant notre ère) et provenant d’un site d’Eure et Loir, semble donc bien jeunette.



Je n’ai pas résisté à la tentation de réunir ci-dessus les photos de réalisations totalement différentes, séparées temporellement d’au moins 5000 ans, leur trouvant cependant un petit air de famille. La seconde est signée Francine Del Pierre (1913-1968), grand vase sans titre, vers 1960, faïence montée au colombin, céladon.
 
La technique ancestrale du colombin devient un modèle de sobriété façonné par les mains d’Enzo Mari, 1973, Italie, porcelaine blanche, assemblage de fragments de colombins en quatre quart.


Elle inspire aussi la démarche artistique de Valentine Schiegel



La céramique est d
ès son apparition au croisement de la culture, de l’utilitaire, de l’artisanat et de l’art. Toutes les civilisations en développeront de nombreuses applications et la présence de tessons reste un marqueur essentiel pour dater les sites archéologiques. Comme je l’avais souligné dans un ancien article à propos des hanaps d'Iznik, la céramique concrétise l’existence des échanges culturels, des processus issus de rencontres fortuites entre des démarches artistiques ou des techniques parfois très éloignées, enrichissant l’une au contact de l’autre, transformant sans annuler leur originalité ou spécificité.
Ainsi on ne peut nier des influences chinoises et persanes dans la production turque d’Iznik, tant par des éléments de décor et parfois même les formes des pièces. Il n’empêche que les artisans sont parvenus à créer au 15e et 16e siècle un style décoratif ottoman tout à fait original et des céramiques de très grande qualité.



Un plat de style saz avec vagues et nuages, vers 1540, sur fond d’une affiche représentant un décor de carreaux de revêtement mural, d’un intérieur de résidence impériale.
 
L’exposition propose un parcours selon trois thématiques : les techniques (terres et cuissons, formes, décors), les usages (utilitaires, artistiques, rituels) et les messages (trompe-l’œil, anticlassiques, politiques), rythmé par de nombreux panneaux informatifs.
 
Pour ne pas oublier que nous sommes au MAM, l’humour s’y invite ici et là.




 

Les fours sont parfois bien étonnants et prennent des formes anthropomorphes. 

 
Des céramiques réalisées par des artistes ou des céramistes modernes et contemporains dialoguent avec des productions historiques signées ou anonymes.
 

Anonyme, Caucase, Monde iranien, coupe en céramique siliceuse, décor ajouté sous glaçure transparente, 12e ou 13e siècle.


Navid Nuur, né en Iran vit et travaille à La Haye, Pays Bas, grès, porcelaine, matériaux trouvés à paris (pierre, verre, asphalte, cendres de charbon, coquillages de restaurants, journaux brulés, tube en cuivre poli, métal)  
 
La construction en brique se réinvente




 
Pour contredire le grand malentendu d’une Grèce antique figée dans le marbre blanc et alimentant certains fantasmes identitaires.


 
Le monde numérique entre dans la danse


Laureline Galliot, France, Théière, 2017, impression 3D par projection de liant coloré sur poudre de gypse.



Anonyme. Sumer, Irak, animation 3D du sceau-cylindre d’Ibni-Sharrum, empire d’Akkad (2217-2193 avant notre ère). Matériau original du sceau-cylindre, diorite gravée.
 
Avant de quitter le MAM, ne manquons pas de faire un clin d’œil à l’impressionnante fresque de Raoul Dufy La Fée Electricité, commandée par la Compagnie parisienne de distribution d’électricité pour l’Exposition internationale de 1937 et donnée par Électricité de France, pour être installée au Musée d’Art Moderne de Paris en 1964.




Sources
Les plus anciennes terres cuites : état des recherches, Estelle BOUGARD, Docteur en préhistoire, chercheur associé au département de préhistoire du Muséum National d’Histoire naturelle, Paris 

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