Lieu de résidence de la noblesse parisienne du 13e
au 18e siècle, le quartier du Marais a conservé de nombreux hôtels
particuliers, témoignages architecturaux de cette période et centre de curiosité
touristique depuis plusieurs décennies. Ainsi l’hôtel d'Albret au 31, rue des Francs-Bourgeois.
La cheminée de brique de 35m de hauteur aperçue depuis le jardin des Rosiers – Joseph-Migneret, semble bien incongrue dans ce paysage.
Mais
l’histoire de Paris n’est pas un long fleuve tranquille.
Après la Révolution les luxueuses résidences sont à
l’abandon et très vite occupées par des marchands, des artisans. Au 19e
siècle, l’industrialisation est en marche et investit la capitale. Les populations
ouvrières sont logées près des usines et des ateliers. Le quartier n’est que très
peu touché par la vague haussmannienne. Les façades du Marais se délabrent et
dans la première moitié du 20e siècle l’insalubrité de certains îlots est dénoncée. On envisage même la démolition à grande échelle.
Des programmes de sauvegarde et de préservation du
quartier sont entrepris à partir de 1965 sur l’initiative d’André Malraux. Le
paysage urbain se transforme pour mettre en valeur les lieux historiques et les
lieux de mémoire en relation avec les communautés y ayant vécu. Des musées, des
établissements culturels s’installent dans les édifices à l’architecture
remarquable, tandis que les immeubles d’habitations sont rénovés ou
réhabilités. Mais les nouveaux loyers sont excessifs pour les anciens
locataires, ouvriers et artisans, qui sont donc obligés de partir en périphérie.
De ce passé industriel, de cette population laborieuse, un
vestige a été conservé. Si la haute cheminée en est la partie la plus emblématique,
la bâtisse construite en 1867 pour la Société des Cendres est toujours visible au
39, rue des Francs-Bourgeois.
Jusqu’en 2002 on y traitait les déchets provenant
des ateliers de bijoutiers, orfèvres et prothésistes pour en extraire, par un
processus complexe, les particules précieuses. Cette société fonctionnait sous
la forme d’une coopérative, les clients étant aussi les actionnaires. Une
reconversion de son activité se continue ailleurs mais elle est restée propriétaire
des lieux. Elle a posé comme condition à la location la mise en valeur des traces de son histoire.
Depuis 2014, derrière la belle façade restaurée portant toujours
en lettres dorées sur son fronton « fonderie d’or et d’argent traitement
des cendres essais et analyses », sous la haute verrière et les charpentes
métalliques, les adeptes du shopping se pressent et se bousculent pour trouver
la pièce manquante à leur garde-robe.
Combien d’entre eux jettent-ils un œil désabusé
sur la cheminée de briques rouges qu’ils prennent pour un simple décor
accrocheur ?
Combien ont la curiosité de descendre au sous-sol de la
boutique pour découvrir quelques pièces de ce patrimoine industriel exposées derrière
les vitrines ?
Authentiques meules en fonte, mortiers, tamis, pilons, établis d’atelier et autres accessoires rescapés, participent ici à l’image de la marque... Comme une mise en scène pour signifier le légendaire respect nippon?
Authentiques meules en fonte, mortiers, tamis, pilons, établis d’atelier et autres accessoires rescapés, participent ici à l’image de la marque... Comme une mise en scène pour signifier le légendaire respect nippon?
Il existe une autre cheminée dans un quartier mitoyen, plus
reconnu comme lieu traditionnel d’activités industrieuses. Invisible depuis la
rue du Faubourg Saint-Antoine, elle se dresse au fond de la cour des Bourguignons
dont la dénomination remonte pour le moins au 17e siècle. L’entrée
se situe au No 74.
Entre 1862 et 1868 le négociant en bois Charles-Auguste Hollande,
fournisseur des ébénistes du quartier, fait aménager les lieux. Deux longs
bâtiments dotés de grandes baies vitrées sont construits pour y accueillir des
ateliers de menuiserie dont la manufacture de meubles Krieger. Une machine à
vapeur surmontée d’une cheminée en brique de 32 m prend place au
rez-de-chaussée.
Plus de 500 ouvriers et artisans s’activaient dans ces
locaux, dessinateurs, sculpteurs, ébénistes, et tapissiers dont la réputation a
franchi les frontières pendant plusieurs décennies comme en témoigne le panneau
sous le porche à l’élégante architecture.
La cour entièrement rénovée accueille aujourd’hui des
entreprises, des agences artistiques. Elle est aussi dénommée le "Lieu du
Design" bien que l’organisme homonyme s’y étant installé en 2009 l’ait
quitté en 2014 pour le 19e arrondissement. (Créé par la Région Île-de-France, le Lieu du Design a pour mission
d’accompagner les entreprises franciliennes dans leur démarche d’innovation par
le design et de soutenir la profession de designer.)
La rue du Faubourg Saint Antoine a bien changé de visage
depuis l’inauguration de l’Opéra Bastille en 1989 et les programmes de rénovation
et de réhabilitation qui ont
suivi. Ce quartier populaire a subi en parallèle un processus de conquête immobilière par les classes moyennes et supérieures. Mais
il cache encore derrière ses portes cochères ou bien en évidence sur ses façades d’autres
vestiges de son passé industriel et artisanal, sujet d'autres articles…
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