dimanche 9 mai 2021

Des visages déstructurés regardent le Louvre

De forteresse défensive, en résidence royale, puis musée à partir de 1793, l’architecture du Louvre s’est métamorphosée au fil de huit siècles d’histoire avant de devenir un temple dédié à la conservation et à la présentation de milliers d'œuvres d'art témoignant des civilisations passées, un symbole du rayonnement culturel international. Mais depuis de longs mois, il est inaccessible aux visiteurs, comme tous les autres lieux de culture.

En attendant leur réouverture espérée et programmée, nous reste l’alternative des expositions en plein air qui se sont multipliées avec l’arrivée du printemps.
« Nous, la Commune » devant la gare de l’Est, « Le Chat déambule » sur les Champs Elysées, « Fragiles Colosses » au Jardin des Plantes, et probablement quelques autres…
 

Face à la colonnade du Louvre, chef d’œuvre du classicisme français, ce sont les sculptures des visages déstructurés d'Alexandre Monteiro qui attirent le regard des passants dans le petit square fleuri, depuis le 23 mars et jusqu’au 30 mai 2021. 



L’artiste issu de l’art urbain a plusieurs cordes à son arc. Il est connu depuis plusieurs années pour ses fresques murales sous le pseudo Hopare. De ses traits parallèles et lignes qui s’entrecroisent naissent des tags colorés et parfois des portraits. Son style bien reconnaissable se transpose cette fois sur des volumes.
Les deux premiers bustes « Primo » réalisés en 2018, l’un en bronze poli et le même en bronze patiné présentent une enveloppe presque lisse.





Les deux autres nommés « Catharsis » et réalisés en 2019, représentent un visage fissuré, craquelé, ayant perdu même quelques lambeaux jonchant le socle. La catharsis opère ici comme une autorisation accordée au spectateur à se libérer de ses émotions, de ses angoisses face à l’altération de la perfection, l’atteinte à l’intégrité, aux flétrissures du temps qui passe et autres accidents de la vie.



Au centre, le bronze poli créé en 2021 et nettement plus imposant (environ 3m), rayonne comme un soleil. 


Son titre « Paréidolie », évoque l’étonnante capacité du cerveau humain à compléter des images partielles ou tronquées, à voir des formes tangibles dans l’informe. Cette sorte d'illusion d'optique donne parfois l'impression de voir un visage, une silhouette, un animal, une créature imaginaire au beau milieu des nuages ou dans les anfractuosités d’un rocher, les plis d’un tissus, les ombres portées, le cadrage particulier d’un objet usuel, les taches ou fissures sur une surface.



Aucun obstacle ne vient entraver l’imagination pour appréhender ce visage dans toute la légèreté de sa sérénité de bronze.
Ombre ou lumière, angles de visions modifient à l’infini la perception de ces sculptures sous le regard des visiteurs attentifs.
 
En toile de fond de cette exposition, se dresse l'église Saint-Germain-l'Auxerrois (depuis le 13 e siècle sous cette appellation et le 6 e siècle pour sa fondation) au long passé mouvementé et plusieurs fois menacée de destruction. Le baron Hausmann confia à l'architecte Hittorff le projet d’y ajouter un bâtiment s'inspirant de l'édifice religieux pour abriter la mairie du 1 er arrondissement. Entre le bâtiment civil et le religieux se dresse un campanile de style néo-gothique, accentuant la symétrie de l’ensemble depuis cette époque (1863-1870). Ironie du sort réunissant ici le maire et le curé dont les relations sont traditionnellement houleuses ! Etonnant que cette symbolique ait échappé aux Communards de 1871 et qu’ils ne l’aient fait flamber en même temps que les Tuileries de l’autre côté du Louvre!   

 
La disposition des sculptures fait écho à cette curieuse symétrie architecturale.
 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire