jeudi 29 août 2024

Le pavillon Mecidiye à Beykoz

 
Les résidences estivales des sultans étant traditionnellement des pavillons en bois, les incendies étaient fréquents. Un des derniers construits à ne pas avoir été la proie des flammes fut sans doute le pavillon de Maslak.
Par la suite on privilégia des constructions plus résistantes et d’un tout autre style.
Après la visite du musée du verre et du cristal, c’est le moment de découvrir le pavillon Mecidiye, situé lui aussi à Beykoz.


Il est une des premières structures de style néoclassique d’influences nettement occidentales, ayant de peu précédé l’achèvement de la construction du Palais de Dolmabahçe construit entre 1843 et 1856, celles du pavillon de Küçüksu achevée en 1856 et du pavillon de Belerbeyi terminé en 1866.
Sa construction a été commanditée en 1845 aux *architectes Sarkis et Nicoğos Balyan par le Khédive égyptien Kavalalı Mehmed Ali Pacha pour le sultan Abdlülmecid. Après la mort du pacha, son fils, Said Pacha, fit achever le pavillon Mecediye en 1854 et l’offrit au sultan selon les vœux du commanditaire. Mais le sultan occupa très peu les lieux probablement pour des questions politiques relevant d’un événement connu sous le nom de «question égyptienne» dans l'histoire ottomane qui causa de grands troubles à l'État. De plus la construction du pavillon de Küçüksu, lui aussi sur la rive asiatique du Bosphore, commandée par Abdlülmecid lui-même à l’architecte impérial Nicoğos Balyan fut terminée en 1856.
Par contre son successeur le sultan Abdülaziz apprécia le pavillon Mecediye pendant les mois d’été et y séjourna à plusieurs reprises. Le samedi 15 octobre 1869, il ordonna un somptueux banquet en l’honneur de l'impératrice Eugénie, venue à Istanbul en visite officielle. Ce jour-là, les habitants de la capitale ottomane se sont rendus nombreux à Beykoz par voie terrestre et maritime pour assister à cette grande cérémonie historique.

Crédit photo Anadolu Ajansı

Ils n’eurent certes pas accès aux fastes de la réception qui se déroulait dans le grand salon du premier étage sous le scintillement des lustres de cristal et entre les murs recouverts de précieux porphyre rouge et de marbres colorés se reflétant à l’infini dans de grands miroirs, multipliant l’espace déjà vaste avec ses doubles rangées de fenêtre sous un plafond très haut richement décoré.


Pas plus qu’ils ne gravirent le superbe double escalier y accédant !
Seule photo d’intérieur que j’ai pu prendre à la sauvette avant d’entendre la voix péremptoire d’un gardien sorti de nulle part me rappelant à l’ordre et qui ne m’a plus lâchée jusqu'à la fin de la visite !


A l’extérieur pas de restrictions pour immortaliser les façades de pierres importées d'Italie et de marbre blanc local, ornées de colonnes ioniennes et corinthiennes, et percées de larges fenêtres et baies vitrées.


Selon des documents d'archives, il y avait des bâtiments annexes pour l'entourage du sultan et ses serviteurs, des cuisines, un hammam, un réservoir d'eau, une serre et des volières qui n'ont pas été conservés.
Plus tard, le pavillon fut généralement utilisé pour accueillir des dignitaires et des ambassadeurs étrangers, puis fut transformé en orphelinat. A partir des années 1920 il accueillit des patients de divers établissements de santé jusque dans les années 1990. Très endommagé, il fut attribué aux Palais nationaux et placé sous protection gouvernementale en 1997. D’importants travaux de restauration seront réalisés entre 2010 et 2016. Des photographies d’archives montrant des meubles rehaussés de dorures, des tissus d'ameublement et des rideaux de la prestigieuse manufacture de Hereke, des vases précieux, de grands lampadaires et lustres de cristal de Baccarat ont permis de le remeubler partiellement avec des éléments de mobilier confisqués à l’avènement de la République.  
Il est ouvert au public en tant que musée depuis 2017.


Le pavillon s’offre aux regards sur un promontoire naturel auquel on accède par d'imposants escaliers, et les architectes surent exploiter au mieux la topographie du lieu par la création de terrasses descendant jusqu’aux rives du Bosphore. Il surplombe un bosquet de magnolias, de pins et de tilleuls sur un terrain de 200 hectares.


Son histoire fut gravée dans la pierre en 1854.



Il ne faut surtout pas quitter ces lieux ombragés sans prendre le temps d’admirer la splendide vue sur les eaux turquoises et les collines environnantes.


Adresse: Rue Gazi Yunus. N° 51 Yalıköy/Beykoz
Le pavillon musée est ouvert entre 9h et 18h, et fermé le lundi
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Sources
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*Petit récapitulatif des architectes ottomans
Si l’architecte Mimar Sinan a marqué de son empreinte le 16e siècle et influencé le style architectural des siècles suivants, la famille Balyan, avec cinq architectes arméniens sur trois générations, a servi six sultans ottomans du 18e au 19e siècle. Ils conçurent les plans de nombreux édifices, palais, manoirs, mosquées, églises et diverses autres constructions publiques principalement à Istanbul. Plusieurs d’entre eux ont étudié au collège Sainte-Barbe, à proximité du Panthéon à Paris et ils contribuèrent à l'occidentalisation de l'architecture au sein de la capitale impériale avec la création d’un style éclectique désigné «néoclassique, baroque ottoman»
On attribue à Krikor Balyan la réalisation du palais Aynalıkavak, sur la Corne d’or.
Garabet Balyan, fils de Krikor, a conçu le nouveau palais de Çırağan, puis le palais de Dolmabahçe (1843-1856) ainsi que la mosquée Mecediye d’Ortaköy (1854-1856) et celle de Teşvikiye (1854) en collaboration avec son fils Nigoğos.
Le palais de Beylerbeyi (1861-1865) fut édifié conjointement avec son second fils Sarkis.
Autres réalisations de Nigoğos: mosquée Küçük Mecidiye, en face du palais Cırağan (1843-1848), palais Ihlamur (1849), mosquée de Dolmabahçe (1853-1855), palais de Küçüksu (1857) et hôpital arménien.
Le pavillon grand Mabeyn du palais de Yıldız fut conçu et édifié en 1865 par les frères Sarkis et Hagop Balyan qui réalisèrent également le kiosque de Malte dans le parc de Yıldız (1870), la mosquée  Hamidiye à proximité du palais Yıldız (1885-1886), la mosquée de Çağlayan (1862-63), des ajouts au palais Çırağan (1863-1871), la tour de l'Horloge de Dolmabahçe (1889-1890).
Un autre nom se fera aussi remarquer dans le paysage architectural d’Istanbul, celui du levantin Alexandre Vallaury (1850-1921) qui a construit l’hôtel Pera Palace (1881-1891) pour accueillir les passagers de l'Orient Express. Il est  également l’architecte du siège de la Banque ottomane achevé en 1892 et du musée archéologique d'Istanbul (1887-1892).


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