Ortaköy, l'un des quartiers les plus fréquentés de la
rive européenne du Bosphore, est très apprécié pour sa zone piétonne
pittoresque, ses échoppes, ses terrasses, ses vestiges historiques dont un
ancien palais ruiné (Esma Sultan yalısı)
ayant appartenu à la fille du Sultan Abdulaziz et qui sert désormais de décor
pour de luxueuses réceptions privées. C’est aussi le berceau historique de
l’actuelle Université de Galatasaray, symbole avec le lycée de Galatasaray à Beyoğlu
de l’enseignement laïque francophone à Istanbul.
Animé de jour comme de nuit avec ses restaurants du plus
décontracté au plus raffiné, ses bars aux programmations musicales diverses,
dont la proximité de la mosquée ottomane du 18e siècle ne semble pas
impacter l’activité, l’embarcadère et son flux de voyageurs, Ortaköy est aussi
couvert par le premier pont enjambant le Bosphore depuis 1973. Autant dire
qu’il y a mille raisons d’y aller flâner.
En voici une de plus. Niché en plein milieu de la
circulation de la voie côtière, aussi visible qu’un nez au milieu de la figure,
l’édifice a fini par faire oublier sa présence, puisqu’inaccessible depuis
quelques décennies pour cause de restaurations interminables en 2001, puis en 2011.
Il y a quelques mois, j’avais eu l’opportunité de visiter
le hammam de Zeyrek, œuvre remarquable de l’architecte ottoman Mimar Sinan, ayant bénéficié d'une respectueuse restauration. Celui-ci, plus modeste, fut également construit par le même architecte, en 1550, pour Hüsrev Kethüda,
intendant du Grand Vizir Kara Ahmet Pacha.
La structure est composée de deux sections recouvertes par deux dômes.
On pénètre d’abord dans le vestibule/vestiaire, puis dans
la pièce abritant la plateforme en marbre chauffé.
La pierre n’est ni centrale, ni circulaire, mais rectangulaire et située au fond de la salle. Pour le reste on a l’impression de parcourir un véritable labyrinthe de niches, plus ou moins spacieuses.
En voici le détail (crédit photo BELTAŞ )
La restauration de cette section semble par endroit un peu fantaisiste dans l'agencement des matériaux! Un peu comme un puzzle dont les pièces ne seraient pas toutes à leur place.
Depuis 2017, la mairie de Beşiktaş gère les lieux désormais
dédiés aux événements culturels ou ponctuellement à des réceptions privées.
Les expositions temporaires s’y succèdent. Celle-ci, « Bir sanartçi soluğu» présente du 9 au 16 avril des photos en noir et blanc. A l’entrée, un
texte du photographe, Nural Denker, exprime ses réflexions au sujet de la
catastrophe qui a endeuillé la Turquie le 6 février 2023.
Ce lieu de prouesse architecturale renvoie
immanquablement aux forces et fragilités des constructions à travers les âges. Les
Sumériens, les Lydiens, les Phrygiens, les Romains, les Byzantins, les Ottomans
en avaient bien conscience. La précision est gage de solidité. Du choix des matériaux
et de leur assemblage dépend la résistance aux assauts du temps et des éléments.
Mimar Sinan en connaissait les
techniques et les appliquait !
Nural Denker nous invite à ne pas oublier les millions de
victimes, ceux qui ont perdu la vie, ceux qui n’ont pas été retrouvés sous les décombres,
tous les survivants fracassés, déracinés, ruinés… La catastrophe humanitaire fait encore couler
tant de larmes, a plongé la population dans le dénuement et le désespoir, la sidération
puis la colère, conséquence du séisme et de ces nombreuses répliques certes,
mais principalement causée par la négligence, le non respect des règles
essentielles de précaution et de prévoyance. Ce grand malheur ne doit pas être considéré
comme une fatalité. « Souhaitons retrouver la paix en donnant priorité à
la science, l’esprit et l’éducation »
Belle ballade ensemble.
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