mercredi 19 avril 2023

Métamorphose de la citerne de Théodose


L’eau est un bien précieux qu’il ne faut pas gaspiller. Il n’est pas inutile de le rappeler. Istanbul en porte les traces millénaires à travers une architecture hydraulique omniprésente dans le paysage urbain, à commencer par l’aqueduc de Valens, vestige romain du 4e siècle, dressant sa silhouette caractéristique en haut du boulevard Atatürk.
Les monumentales fontaines ottomanes de marbres finement sculptés de rinceaux et de fleurs, gravés de poèmes calligraphiés peuvent à elles seules faire le sujet d’une étude fournie et parfois même d’expositions.
Les hammams, pour certains encore en activité, sont de véritables joyaux réalisés par les plus grands architectes et des restaurations récentes ont révélé leurs splendeurs.
Les curieuses tours disséminées dans de nombreux quartiers participaient au contrôle des débits de distribution. Ce sont les tours de niveau d’eau.
De la période ottomane également un réservoir du 18e siècle, aujourd’hui désaffecté fait office de galerie d’exposition. Le kiosque Maxem attenant assurait la régulation du débit et de la distribution d’eau dans tout le quartier de Taksim.
De la période byzantine une monumentale citerne en surface construite au 12e siècle, la citerne Theotokos Pantokrator connue sous le nom de Zeyrek sarnıcı, montre sa structure externe sur le boulevard Atatürk, mais la plupart se révèlent comme des trésors cachés dans le sous-sol d’Istanbul.
La plus visitée et la plus vaste est la citerne basilique (Yerebatan Sarnıcı), construite au 6e siècle, à l’emplacement d’une basilique civile détruite par un incendie lors de la révolte de Nika en 532 sous le règne de Justinien.
La plus ancienne retrouvée est datée du 4e siècle, la citerne de Philoxenus (Binbirdirek Sarnıcı)
Récemment révélée aux visiteurs, la citerne de Théodose (Şerefiye Sarnıcı), de dimensions plus modestes, est située entre la place Sultanahmet et celle de Çemberlitaş, avenue Piyer Loti. D’après ses caractéristiques architecturales, on suppose qu’elle a été construite entre 428 et 443 sous le règne de Théodose II pour compléter l’alimentation en eau du Grand Palais, du Nymphée et des Bains de Zeuksippos (à l’emplacement actuel du hammam de Roxelane).
Renommée d'après le quartier où elle se trouvait pendant la période ottomane, elle fut découverte à l’occasion de la construction du manoir Arif Pacha à la fin des années 1800 qui fut utilisé comme bâtiment annexe de la municipalité d'Istanbul entre 1930 et 1984, puis de la municipalité d'Eminönü. La citerne fut conservée en l’état et il était possible d’apercevoir, dans la pénombre, ses colonnes déjà cerclées d’anneaux d’acier.


Cette porte y donnait accès au rez-de-chaussée de l’édifice, mais en 2009 on pouvait constater que les visites n’étaient plus autorisées.
En 2010, le bâtiment en surface fut démoli avec la promesse de conserver la structure historique de la citerne qui se trouvait dessous et de la restaurer. C’est chose faite depuis 2018.
L’aspect des lieux a bien changé. 


L’entrée discrète donnant le sentiment d’avoir le privilège de pénétrer dans un lieu secret a été recouverte d’une structure de verre et d’acier un tantinet prétentieuse. Destinée à attirer l’attention du plus grand nombre, une mise en scène muséale jouant sur la transparence confirme qu’ici se trouve une curiosité relevant d'un patrimoine culturel d'exception.


La mise en lumière des 45 voûtes de briques rouges soutenues par quatre rangées de huit
​​colonnes de marbre toutes surmontées de chapiteaux corinthiens d’origine sculptés de feuilles d’acanthe, est stupéfiante. Elle augmente de façon spectaculaire la perception de l'espace.



Elle est complétée par une séance de mapping vidéo, autrement dit une projection d’images utilisant les volumes existants comme un écran.
C’est ainsi que la citerne s’anime pour offrir une expérience immersive dans les siècles qu’elle a traversés ; Des mosaïques byzantines aux carreaux de faïence ottomans jusqu’au portrait d’Atatürk, symbole de l’avènement de la République.



Cette technologie a évidemment son revers. Difficile d’occulter les installations disgracieuses de cet outil numérique de sons et lumières.
La vieille dame de 1600 ans ne semble pas s’en offusquer et continue de refléter dans les quelques centimètres d’eau qui lui restent le témoignage de l’importance culturelle de l’eau à Istanbul.



Elle accueille aussi ponctuellement des expositions et des concerts.
L’entrée est désormais payante, après une période de gratuité suivant son inauguration. Le tarif est assez dissuasif pour les touristes étrangers (environ 15€). Pour ceux munis  d'un permis de séjour, le tarif est celui réservé aux visiteurs turcs, plus abordable, avec le privilège de la gratuité pour les plus de 65 ans.
 
 

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