L’eau est un bien précieux qu’il ne faut pas gaspiller.
Il n’est pas inutile de le rappeler. Istanbul en porte les traces millénaires à
travers une architecture hydraulique omniprésente dans le paysage urbain, à
commencer par l’aqueduc de Valens, vestige romain du 4e siècle,
dressant sa silhouette caractéristique en haut du boulevard Atatürk.
Les monumentales fontaines ottomanes de marbres finement
sculptés de rinceaux et de fleurs, gravés de poèmes calligraphiés peuvent à
elles seules faire le sujet d’une étude fournie et parfois même d’expositions.
Les hammams, pour certains encore en activité, sont de
véritables joyaux réalisés par les plus grands architectes et des restaurations
récentes ont révélé leurs splendeurs.
Les curieuses tours disséminées dans de nombreux
quartiers participaient au contrôle des débits de distribution. Ce sont les tours de niveau d’eau.
De la période ottomane également un réservoir du 18e siècle, aujourd’hui désaffecté fait office de galerie
d’exposition. Le kiosque Maxem attenant
assurait la régulation du débit et de la distribution d’eau dans tout le
quartier de Taksim.
De la période byzantine une monumentale citerne en
surface construite au 12e siècle, la citerne Theotokos Pantokrator connue sous le nom de Zeyrek sarnıcı,
montre sa structure externe sur le boulevard Atatürk, mais la plupart se
révèlent comme des trésors cachés dans le sous-sol d’Istanbul.
La plus visitée et la plus vaste est la citerne basilique
(Yerebatan Sarnıcı), construite au 6e
siècle, à l’emplacement d’une basilique civile
détruite par un incendie lors de la révolte de Nika en 532 sous le règne de
Justinien.
Récemment révélée aux visiteurs, la citerne de Théodose (Şerefiye Sarnıcı), de dimensions plus
modestes, est située entre la place Sultanahmet et celle de Çemberlitaş, avenue
Piyer Loti. D’après ses caractéristiques architecturales, on suppose qu’elle a
été construite entre 428 et 443 sous
le règne de Théodose II pour compléter l’alimentation en eau du Grand Palais,
du Nymphée et des Bains de Zeuksippos (à l’emplacement actuel du hammam de
Roxelane).
Renommée d'après le quartier où elle se trouvait pendant
la période ottomane, elle fut découverte à l’occasion de la construction du manoir
Arif Pacha à la fin des années 1800 qui fut utilisé comme bâtiment annexe de la
municipalité d'Istanbul entre 1930 et 1984, puis de la municipalité d'Eminönü. La
citerne fut conservée en l’état et il était possible d’apercevoir, dans la pénombre,
ses colonnes déjà cerclées d’anneaux d’acier.
En 2010, le bâtiment en surface fut démoli avec la
promesse de conserver la structure historique de la citerne qui se trouvait
dessous et de la restaurer. C’est chose faite depuis 2018.
L’aspect des lieux a bien changé.
Elle est complétée par une séance de mapping vidéo,
autrement dit une projection d’images utilisant les volumes existants comme un écran.
C’est ainsi que la citerne s’anime pour offrir une expérience
immersive dans les siècles qu’elle a traversés ; Des mosaïques
byzantines aux carreaux de faïence ottomans jusqu’au portrait d’Atatürk,
symbole de l’avènement de la République.
Cette technologie a évidemment son revers. Difficile d’occulter
les installations disgracieuses de cet outil numérique de sons et lumières.
La vieille dame de 1600 ans ne semble pas s’en offusquer
et continue de refléter dans les quelques centimètres d’eau qui lui restent le témoignage
de l’importance culturelle de l’eau à Istanbul.
Elle accueille aussi ponctuellement des expositions et
des concerts.
L’entrée est désormais payante, après une période de gratuité
suivant son inauguration. Le tarif est assez dissuasif pour les touristes
étrangers (environ 15€). Pour ceux munis d'un permis de séjour, le tarif est celui réservé aux visiteurs turcs, plus abordable, avec le privilège de la gratuité pour les plus
de 65 ans.
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