Beykoz est un quartier d’Istanbul situé sur la rive
asiatique du Bosphore. Une tradition verrière le caractérise depuis plus de deux
siècles. Un premier atelier fut créé à la fin du 18e siècle sous le
règne de Selim III qui invita des verriers vénitiens à partager leur savoir-faire.
Une époque où ces maîtres verriers étaient très sollicités aussi par les
souverains européens.
A Beykoz émergèrent alors les premières productions du style
«çeşm-i bülbüller» que l’on peut traduire par le poétique « Rossignols de la fontaine ».
Une fabrique impériale de verre et de cristal fut établie
dans ce quartier au 19e siècle mais l’origine du bâtiment abritant le musée du verre et du
cristal depuis avril 2021 n’est pas industriel. Il fut construit pour Abraham
Pacha, fonctionnaire et
diplomate ottoman d'origine arménienne, ami du sultan Abdülaziz (r:1861-1876) dont
il fut un temps le vizir. Pavillons, volières, bassins, théâtre et écuries apparurent
sur les terres du Pacha, avant qu’il ne soit complètement ruiné en
1898.
Dans les écuries, bâtisse en pierre en forme de U qui seule
a survécu, la fabrique impériale y installa des ateliers. Plus tard il est
probable que le bâtiment ait servi de
bureaux administratifs et salles d’exposition pour la verrerie
Paşabahçe-Şişecam, l'un des tout premiers centres industriels de la période
républicaine, créé le 17 février 1934, financé par İş Bankası, à la demande d’Atatürk.
La fabrique, symbole républicain, a fermé ses portes en
2002 pour s’installer dans des locaux plus modernes et surtout plus adaptés à
son développement commercial international. Ces vestiges industriels sont
actuellement en cours de démolition.
En 2009 il semblerait qu’un premier musée du verre ait vu
le jour, à l’initiative de la municipalité de Beykoz soutenue par le groupe
industriel Paşabahçe, dans ces écuries
du 19e siècle dont l’histoire est désormais indissociable de l’art
verrier turc.
La bâtisse a été récemment entièrement restructurée par la
direction du département des Palais Nationaux pour en faire un vaste espace muséal
permettant une présentation fluide des collections. Près de 1500 pièces d’art
verrier sont réparties en 12 sections thématiques dans lesquelles on peut
suivre les étapes de développement de l'art du verre turc mais également des
œuvres uniques produites dans les plus prestigieuses verreries européennes pour
les palais ottomans.
Pour commencer un peu d’histoire du matériau.
Les verres à l’état naturel sont d'origine volcanique. Ce
sont des obsidiennes qui seront taillées par l’homme il y a environ 100 000 ans
pour fabriquer des outils, des armes coupantes et parfois des bijoux. Les
gisements étant en nombre limité, l’obsidienne faisait alors l'objet de troc.
Une première fabrication semble apparaitre en Mésopotamie
vers 2350 av. notre ère. Une diversification des formes en verre moulé et tesselles
de mosaïques est constatée lors de fouilles archéologiques en Mésopotamie,
Egypte, Syrie, et Anatolie à partir de 1500 av. notre ère.
Une nouvelle technique, celle du verre soufflé est attestée
vers le milieu du 1er siècle av. notre ère par la production de
verriers syriens. Technique développée et améliorée par les romains à partir du
1er siècle.
Retrouvée presque intacte lors des fouilles de 1966 réalisées au palais ruiné de Kubadabad à Beyşehir, cette assiette unique, réalisée selon la technique du soufflage libre, décorée d'émail et de dorure, a pu être datée grâce à l’inscription en calligraphie sülüs souhaitant au sultan seldjoukide Giyaseddin Keyhüsrev (r :1237-1246) santé et appétit. On y distingue également une bordure végétale stylisée.
D’autres fouilles se poursuivent depuis 1980 dans ce
palais construit pendant le règne d’Alaeddin Keykubad (r:1221-1236) et on y a
retrouvé quantité de céramiques colorées mais aussi d’autres pièces en verre. Ici des gobelets et des verres à pied.
La reproduction d’une miniature extraite de l’ouvrage Surname, livre de la fête de la circoncision
impériale consacré tant aux préparatifs qu’aux festivités données à l'occasion
de la circoncision du prince Mehmed, fils du sultan Murat III, qui durèrent 52
jours et 52 nuits en 1582, illustre ici la
parade de la guilde des verriers. Le sultan, en compagnie de divers personnages
assis dans la galerie des spectateurs, assiste au défilé qui se déroule sur la
place de l’hippodrome depuis un balcon fermé de la salle d'audience du palais
d'Ibrahim Pacha. Les verriers présentent des objets déjà réalisés, mais aussi
les différentes étapes de la production du verre et les outils qu'ils utilisent
ainsi que le four monté sur un chariot.
Lors des fouilles de sauvetage réalisées en 2004/2011 à
l’occasion des excavations pour la station Sirkeci du Marmaray, une grande
quantité de tessons de vaisselle de verre ont été exhumés correspondant à une
fabrication de cette époque.
Lâledan et Gülâbdan, des
formes spécifiques à la production ottomane du 16e et 17e
siècles. Les premières sont des soliflores
destinés à recevoir une seule tulipe et les secondes sont des flacons à eau de
rose.
Nous entamons ensuite un secteur de la visite plus sensible
apparemment et la vigilance des gardiens se fait plus pressante pour rappeler que
les photos sont interdites, alors qu’une certaine tolérance avait été accordée
dans les salles précédentes.
Cela concerne principalement les arts de la table
ottomane avec profusion de vaisselle en cristal, et divers objets décoratifs et
précieux (lustres, vases, flacons, pichets et lampes à gaz…) produits localement
ou spécialement par les plus prestigieuses cristalleries européennes (Baccara, Bohème,
Murano) pour les palais ottomans.
Les restrictions photographiques semblent décidemment se multiplier
au fil des ouvertures de musées concernant la période ottomane. Ce fut le cas
au pavillon de Maslak, mais de façon moins stricte au palais Yıldız dans la mesure où la circulation des visiteurs n'était pas ralentie.
Il a fallu un peu de patience pour subtiliser discrètement
celles qui suivent.
Un lampadaire d’intérieur en fer forgé et verre illustrant
une fable de La Fontaine, Le Renard et
les Raisins. Début du 20e siècle.
Le terrain qui entourait la propriété à sa construction a été en grande partie conservé avec ses 117 essences arboricoles pour certaines inexistantes dans la capitale ottomane et constitue un jardin botanique historique dans les allées duquel il fait bon prolonger la visite après une pause à la cafeteria du musée.
Adresse: Merkez Mahallesi, Mehmet Yavuz Caddesi, n° 115 ;
Beykoz/Istanbul
Le musée est ouvert entre 9h et 18h, et fermé le lundi
Merci pour cette belle balade, très envie d y aller.
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