Nous poursuivons notre périple en direction de Demre/Myra
après avoir profité d’une paradisiaque balade sur les flots bleu de la baie de Kekova. Une escale plus culturelle nous attend à Andriake.
Depuis la route on aperçoit bien l’ensemble du site au delà
d’un bassin aujourd’hui marécageux traversé par la rivière Androkos (Kokar çay),
mais autrefois largement ouvert sur la mer avant que des alluvions ne l’en
séparent.
De chaque côté de l’embouchure de la rivière de hautes
collines offrent une protection naturelle et une série de petites îles,
maintenant en partie submergées et rattachées au continent, jouaient le rôle de
brise-lames.
On sait que les Lyciens ne négligeaient pas les bords de mer et qu'ils étaient de bons navigateurs. Quelques aménagements permettaient de faciliter les déplacements et le
commerce maritime.
Il est plus que probable qu’ils aient été présents en ces
lieux qu’on ne peut qualifier de port, mais plutôt de mouillage
en l’absence d’une véritable organisation des espaces. Deux épaves de navires marchands,
datant des 14e et 12e siècles avant notre ère ont cependant été
retrouvées à proximité d’Andriake, l’une à la pointe Uluburun (dont une reproduction est visible au musée de Bodrum)
et l’autre près du cap Gelidonya.
Les marqueurs archéologiques (pièces de monnaie, tessons
de céramique…) attestent en l’état actuel des connaissances, d’une occupation à partir du 4e
siècle avant notre ère (période hellénistique). Les activités économiques se développèrent et Andriake se transforma en installation portuaire
prospère dans la période romaine, dynamisme qui semble s’être maintenu au moins
jusqu’au 4e siècle de notre ère.
Les vestiges que nous allons découvrir datent
principalement de l’époque impériale (2e siècle) qui permit une plus
grande visibilité de la Lycie dans le monde méditerranéen. En 129 l'empereur
Hadrien (117-138), visita la région avec son épouse Sabine et fit construire à
Andriake (et à Patara) des édifices destinés au stockage et à la conservation de
denrées alimentaires. Les greniers d’état (horrea) que l’on nomme ici granarium
n’étaient sans doute pas exclusivement réservés au stockage de céréales.
Le site déjà connu à la fin du 19e siècle, n’a
fait l’objet de véritables fouilles que depuis 2005 sous la direction de l’Institut Archéologique Autrichien jusqu’en 2008. Les
autorisations n’ayant pas été renouvelées par les autorités turques, les
campagnes archéologiques se sont poursuivies sous la direction de Nevzat Çevik,
assisté par une universitaire nantaise Isabelle Pimouguet-Pedarros.
Elles ont abouti à la certitude qu’Andriake n’était pas
une ville distincte mais l’epineion
de Myra, son quartier portuaire et défensif tandis que le centre de la cité
antique se trouvait à environ 4 km sur un éperon rocheux.
Les fouilles ne sont pas terminées mais d’ores et déjà,
on peut visiter le complexe muséal inauguré en juin 2016.
La première partie est constituée d’un parcours aménagé permettant
de comprendre l’organisation portuaire par la mise en valeur des vestiges.
Les thermes étaient un équipement portuaire courant à l’époque.
L’agora, centre du commerce ou plakoma, a ici la
particularité d’avoir été aménagée au-dessus d’une vaste citerne.
Pour suggérer les quais, qui se trouvent probablement à
une vingtaine de mètres des bords actuels enfouis sous les alluvions, une
reproduction d’un bateau romain évoque le chargement ou déchargement d’une
cargaison.
Des centaines d'amphores retrouvées sur les lieux ont documenté le
trafic international du port.
Des édifices compartimentés caractéristiques
accueillaient magasins et ateliers.
Un grand tas de coquilles de murex a été
retrouvé à proximité, tendant à prouver qu'Andriake produisait de la pourpre
utilisée pour teindre les étoffes destinées aux dieux et aux classes dirigeantes.
Les vestiges d’un moulin aux solides parois de
pierre témoignent de l’utilisation de l’énergie hydraulique, peut-être employée pour broyer les
coquillages. La reproduction d’un treuil en bois illustre une autre technologie
liée à l’activité portuaire.
À droite en contrebas du granarium, une synagogue du 5e
siècle a été identifiée par la présence d’un bas-relief de ménorah avec une
inscription en grec du mot « Israël » qui est conservé dans la partie
fermée du musée.
Au début du parcours se trouvent des vestiges de deux églises.
L’étude des éléments architecturaux du granarium avant sa
restauration a permis de mettre en évidence une particularité. Les déchets de
murex ont constitué la matière première du mortier utilisé pour sceller les
pierres lors de la construction. Une autre preuve de l’extraction de la pourpre
à une échelle industrielle.
L’édifice ayant désormais retrouvé l’intégrité de sa
structure d’origine, présente une enfilade de huit salles reliées de
l’intérieur par des ouvertures, déjà existantes et formant alors des espaces de
stockage modulables, s’ajoutant aux accès extérieurs.
Les bustes d’Hadrien et Sabine ornent la porte centrale.
Le granarium abrite aujourd’hui la section couverte du musée
des civilisations lyciennes qui expose de nombreux artefacts retrouvés au cours
des fouilles d’Andriake et d’autres cités antiques de Lycie (Myra, Patara,
Xanthos, Tlos, Arykanda, Pinara, Antiphellos et Olympos).
C’est l’occasion de
faire une rapide synthèse des principaux sites lyciens déjà visités ou à
découvrir, et de voir des témoignages de la vie quotidienne et des pièces
fragiles qui ne peuvent être conservés dans leur environnement d’origine pour
des raisons évidentes de préservation.
De retour vers la sortie, un jeune chat empressé se
dirige vers la librairie/boutique de souvenirs, comme nous invitant à le
suivre. Après avoir ronronné sous les caresses, il finit par s’installer sur
une des étagères aux bibelots encore clairsemés, un peu déçu qu’on ne l'adopte pas immédiatement. Bien plus irrésistible pourtant que les porte-clefs et céramiques
bariolées !
Références bibliographiques:
*Isabelle Pedarros, Peuplement et aménagement du littoral méditerranéen antique: le cas de Myra et de son port Andriakè sur la côte lycienne, Colloque International d'Antibes, octobre
2013, Antibes, 253-266.
*Andriake,
article de Nevzat Çevik, paru sur le site aktuelarkeoloji
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