En 92 on avait sillonné la côte lycienne pour visiter
avec les enfants des sites remarquables, leur faire découvrir un patrimoine
exceptionnel.
J’en ai revisité certains (Phaselis, Olympos, Chimaera,
Myra, Telmessos…) et foulé récemment d’autres, moins connus, pour la première
fois (Kadyanda, Arycanda).
Dans le programme de notre escapade d’octobre 2017 il y
avait aussi le site de Xanthos - Létôon que je n’avais pas revu depuis 25 ans…
Il était déjà sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco depuis 1988 et faisait
depuis les années 50 l’objet de fouilles méticuleuses de missions
archéologiques françaises.
Entre temps, elles se sont poursuivies sous la direction du
Pr. Jacques des Courtils depuis 1996 et jusqu’en 2011. Elles sont actuellement
dirigées par le Pr. Burhan Varkıvanç et ne sont sans doute pas près d’être
terminées sachant que, selon l’Unesco, « il représente le plus bel exemple
architectural de l’ancienne civilisation lycienne, qui fut l’une des cultures
les plus importantes d’Anatolie à l’âge du fer. Les deux sites illustrent
brillamment la continuité et le mélange unique des civilisations anatolienne,
grecque, romaine et byzantine. C’est aussi à Xanthos-Letoon que furent
découverts les textes les plus importants en langue lycienne. »
Auparavant l’explorateur Charles Fellows avait sillonné
la Lycie et identifié, entre-autres, le site de Xanthos au cours de ses
expéditions entre 1838 et 1843.
On peut comprendre son émerveillement devant ces impressionnants
tombeaux richement décorés de sculptures, et son désir de les faire découvrir à
ses concitoyens, en les protégeant des dégradations. Il trouva les arguments convaincants pour
obtenir des autorités ottomanes la permission d’emporter bon nombre d’éléments
à Londres.
On peut sans peine imaginer toute la difficulté de
l’entreprise vu les moyens techniques de l’époque et l’absence d’évaluation des
risques encourus. Couvercle brisé, soubassement
mutilé, fragments de sculptures abandonnés, c’est ainsi que la tombe de Payava (360
avant notre ère), probablement un personnage de l’élite locale, arriva au British Muséum
pour être reconstituée et exposée, ainsi que la quasi intégralité du Monument
des Néréides (daté d'environ 380 avant notre ère), tombe en forme de temple grec attribuée au roi
Arbinas, dernier de la dynastie harpagide. Élégante construction qui a été la principale source d'inspiration pour le mausolée d'Halicarnasse.
Crédit photographique wikimedia - Monument des Néréides au British Museum
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Les bas-reliefs en marbre du pilier des Harpies, supposé être
la sépulture du général-roi Kubernis (480 ou 470 avant notre ère), furent aussi embarqués
dans les caisses. Ceux que l’on voit sur place au sommet du pilier sont des
moulages.
Il est bien évident qu’on déplore aujourd’hui cette
désastreuse hémorragie de vestiges monumentaux. Enfermés dans les salles de
musée aussi prestigieux soit-il, leur puissance évocatrice s’en trouve bien
amoindrie.
Mais sur place et malgré un ciel plutôt
chargé, nous avions bien l’intention de prendre tout notre temps pour revoir
Xanthos et peut être y découvrir les traces de ce que les fouilles de la
mission française ont révélé depuis notre précédent passage, en particulier des
soubassements en pierre qui devaient porter des maisons surélevées en bois au 7e
siècle avant notre ère.
Des fragments de bas-reliefs, transportés au musée
d’Antalya, apporteraient aussi la preuve d’une histoire antérieure à la période
de l’occupation perse (de 550 à 334 avant notre ère). Ils auraient une ressemblance avec
les orthostates néo-hittites.
N’oublions pas que l’on prête aux Lyciens une parenté
avec les Lukkas, mentionnés dans les textes hittites comme un peuple rival
contre lequel des expéditions ont été organisées, entre autres, vers la ville
Arnawa et que Xanthos était nommée Arnna en lycien. Troublantes coïncidences
qui restent encore énigmatiques…
La balade se limitera à une rapide reconnaissance des
spectaculaires tombeaux aux formes aussi variées qu’étranges.
Près du théâtre romain construit au 2e siècle,
le pilier des Harpies, daté de -480 environ et à son côté un sarcophage à
couvercle ogival perché sur pilier.
Non loin de là, une tombe maison sculptée dans la pierre que
l’on suppose directement inspirée du style d’habitat lycien aux structures
géométriques en bois.
De l’autre côté de la route qui partage le site on
découvre la via Decumanus (axe romain est-ouest) dégagée à partir de 2002.
Plus haut dans la colline on peut voir le sarcophage dit
« des danseuses », restauré.
La tombe au bas-relief de lion attaquant un taureau (4e
siècle avant notre ère) et quelques autres sarcophages éparpillés.
Nous n’en verrons pas plus aujourd’hui car la pluie
commence à tomber drue.
Impossible de grimper jusqu’au pilier funéraire se
dressant au sommet, entouré de tombes rupestres. La photo ci-dessous a été
prise en 1992.
Inutile d’espérer avoir d’en haut une vue d’ensemble sur
le site pour repérer les nouvelles zones de fouilles…
Ce sera pour une autre fois quand nous reviendrons voir
le Létoon, centre administratif et cultuel de la Confédération Lycienne, où l'on vénérait Léto,
mère d'Apollon et d'Artémis.
Les conditions atmosphériques sont vraiment trop défavorables
pour aller s’aventurer dans un lieu déjà bien mouillé par la nappe phréatique. Mieux
vaut en garder, pour le moment, le souvenir d’un site magique avec ses colonnes
tronquées se reflétant dans les flaques.
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