Le Létoon, situé sur la rive droite
du Xanthe, est indissociable de la cité lycienne Xanthos, à 4 km en amont sur
la rive gauche. Son établissement n’est attesté comme presque tous les sites archéologiques
de Lycie, qu’à partir du 7e siècle avant notre ère.
Les Lyciens vénéraient probablement
sur cette terrasse rocheuse les Eliyãna,
divinités des eaux. De fait la caractéristique aquatique du site participe
encore aujourd’hui à la fascination ressentie par les visiteurs.
L’installation du sanctuaire autour
d’une source sacrée est antérieure à la mise sous tutelle de l’Anatolie par les
Perses achéménides (milieu du 6e siècle).
Malgré des velléités d’indépendance, les Lyciens avaient fini par accepter leur présence pas trop contraignante. Sur la base des préceptes zoroastriens, fondés sur la bonne pensée, la bonne parole et la bonne action, une charte des droits des nouveaux sujets de Cyrus le Grand stipulait : «Je n'ai autorisé personne à malmener le peuple et détruire la ville. J'ai ordonné que toute maison reste indemne, que les biens de personne ne soient pillés. J'ai ordonné que quiconque reste libre dans l'adoration de ses dieux. J'ai ordonné que chacun soit libre dans sa pensée, son lieu de résidence, sa religion et ses déplacements, que personne ne doit persécuter autrui». La préservation des particularismes linguistiques, religieux, artistiques et institutionnels, explique sans doute que les Lyciens leur sont restés la plupart du temps fidèles, tandis que dans un même temps ils se montrèrent hostiles aux tentatives de colonisation des Athéniens… jusqu'à l’arrivée du conquérant macédonien Alexandre (334 avant notre ère) qui marquera la fin de la dynastie achéménide.
Malgré des velléités d’indépendance, les Lyciens avaient fini par accepter leur présence pas trop contraignante. Sur la base des préceptes zoroastriens, fondés sur la bonne pensée, la bonne parole et la bonne action, une charte des droits des nouveaux sujets de Cyrus le Grand stipulait : «Je n'ai autorisé personne à malmener le peuple et détruire la ville. J'ai ordonné que toute maison reste indemne, que les biens de personne ne soient pillés. J'ai ordonné que quiconque reste libre dans l'adoration de ses dieux. J'ai ordonné que chacun soit libre dans sa pensée, son lieu de résidence, sa religion et ses déplacements, que personne ne doit persécuter autrui». La préservation des particularismes linguistiques, religieux, artistiques et institutionnels, explique sans doute que les Lyciens leur sont restés la plupart du temps fidèles, tandis que dans un même temps ils se montrèrent hostiles aux tentatives de colonisation des Athéniens… jusqu'à l’arrivée du conquérant macédonien Alexandre (334 avant notre ère) qui marquera la fin de la dynastie achéménide.
Les Lyciens n’ont cependant pas
attendu la période hellénistique pour se laisser séduire par l’hellénisation
qui commença de se propager à l’époque classique (de 480 à 330 avant notre
ère). La mythologie grecque s’empara de ce décor pour y accueillir Létô, fuyant
la furieuse jalousie d’Héra, autre épouse de Zeus. Venue se rafraîchir avec ses
deux enfants, Apollon et Artémis, des paysans des environs lui refusèrent
l'accès à la source. Létô les transforma en grenouilles!
Le culte de Létô, d’Apollon et d’Artémis,
aurait été instauré vers - 400 par le dynaste Arbinas, souverain de Xanthos et
des cités de la vallée (Pinara, Tlos et Telmessos). Il fit ériger trois temples
dans l’enceinte du sanctuaire lycien. Cette initiative d’assimilation des
divinités grecques devait sans doute être destinée à lui donner plus de
prestige et de pouvoir. Les dieux anciens n’ont cependant pas été évincés du
panthéon et les inscriptions bilingues et trilingues les mentionnent dans les
textes en lycien. Létô se nomme « mère de l’enceinte sacrée ». Apollon
porte le nom louvite Natri, tandis qu’Artémis qui n’a pas d’équivalent lycien est
simplement transcrite Ertemi.
Les voyageurs du 19e
siècle se sont intéressés au site (Richard Hoskyn et Charles Fellows en 1841)
mais il ne fut vraiment identifié qu’avec la mission épigraphique autrichienne
et Otto Benndorf en 1882.
Des fouilles sont entreprises en 1950,
par une mission française dirigée par Pierre Demargne, puis s’intensifient en
1962 sous la direction d'Henri Metzger. Elles se sont poursuivies avec
Christian Le Roy, Jacques des Courtils, Didier Laroche et Laurence Cavalier. Depuis
2011, une équipe turque de l'université d’Ankara a pris la relève.
Les nombreuses inscriptions retrouvées,
datées du 4e siècle avant notre ère, et les excavations de vestiges architecturaux
réalisées dans un contexte difficile de plusieurs mètres d’alluvions et d’une nappe
phréatique envahissante, témoignent des étapes de constructions et de
l’importance du lieu pour l'affichage des documents officiels et honorifiques.
La célèbre stèle trilingue en grec,
en lycien et en araméen (langue officielle de l’empire perse), retrouvée en
1978 sur la voie sacrée conduisant aux trois sanctuaires, a fait avancer le
déchiffrement du lycien et apporté des enseignements nouveaux sur l’histoire de
la région. Elle est visible au musée de Fethiye.
Entre le 3e et le 2e
siècle avant notre ère, trois nouveaux édifices de style purement hellénistique
(ordre ionique pour le temple de Létô, ordre dorique pour le temple d’Apollon) furent
élevés à l’emplacement des trois temples primitifs en conservant leurs éléments
en pierre (ayant servi de base d’une construction en bois), comme pour les
protéger dans un écrin.
Seul le temple de Létô, le plus
vaste, a pu être partiellement reconstitué (entre 2000 et 2005) afin de lui
rendre un aspect significatif. D’autres pièces du gigantesque puzzle en 3D sont
en attente. De celui d’Artemis, le plus petit au milieu, ne reste que
l’emplacement. Celui d’Apollon n’est guère mieux conservé.
Comme les temples primitifs ils
sont parfaitement alignés et à égale distance l’un de l’autre. Ces travaux
d’envergure furent certainement entrepris dans un contexte politique
particulièrement favorable que les historiens rapprochent de l’activité de la confédération lycienne.
Le Létoon devient alors un sanctuaire
fédéral, où se réunissent chaque année les représentants de toutes les cités membres qui
selon leur importance avaient trois, deux ou une seule voix.
Pour que les Eliyãna puissent continuer d’être vénérées, un lieu de culte
monumental fut construit. L’eau sacrée de la source fut désormais recueillie en
contrebas de la terrasse des temples, dans le bassin d’un nymphée hellénistique
(agrandi et embelli à l'époque romaine). Des Eliyãna aux Nymphes
grecques, l’assimilation allait de soi.
Le théâtre adossé au versant de la
colline fut également construit à cette époque. (Certains gradins ont été taillés directement dans la roche).
Il était destiné à recevoir les
rassemblements de la confédération lycienne, les spectacles, les concours musicaux
et dramatiques organisés pour ces occasions. On y pénétrait par deux passages voûtés symétriques.
Les gradins partiellement enfouis et la scène ont été dégagés par la municipalité de Kumlu Ova. Suite au développement intensif de la culture sous serres, bien perceptible dans toute la vallée, le théâtre a accueilli plusieurs années un festival de la tomate. Il semble avoir été déplacé pour d’évidentes raisons de sécurité et aussi de protection des vestiges antiques.
Les portiques, édifices publiques,
colonnades couvertes permettant au peuple de s’abriter des intempéries ou de
l’ardeur du soleil et dont les vestiges se reflètent aujourd’hui dans l’eau,
ont été remaniés à plusieurs reprises pendant la période impériale romaine.
La
aussi on a retrouvé quelques lignes honorifiques attestant de la générosité
d’Opramoas de Rhodiapolis au sujet de leur reconstruction au 2e siècle de notre ère.
Avec l’édit de Théodose au 4e
siècle, les cultes anciens disparaissent. Le Létoon est christianisé et la
source comblée.
Le temple de Létô semble épargné dans un premier temps mais une
église est édifiée à l’emplacement de l’autel ainsi qu’un monastère. La plupart
des éléments architecturaux des deux autres sanctuaires ont été concassés ou
directement réemployés dans ces constructions.
Crédit photo - Plan du Létoon - D. Laroche |
Malgré le travail colossal
effectué, il reste encore bien d’autres vestiges enfouis, d’autres traces à
découvrir !
Références bibliographiques :
*Jacques des Courtils: Guide de Xanthos et du Létôon, Ege
Yayınları, Istanbul 2003
*Jacques des Courtils, Xanthos et le Lètôon au IIe siècle a.C. p.
213-224
*Christian Le Roy, Le développement monumental du Létoon de Xanthos
*Christian Le Roy, Lieux de mémoire en Lycie (article, 2004)
*Dossiers d'Archéologie n° 239- décembre 1998, Xanthos, de la Perse à Byzance (bilan général de l'exploration de ces deux sites, une ville et un sanctuaire religieux)
*Projet de restauration de Xanthos et du Letôon, présentation conçue et mise en page par J.-Fr. Bernard et Didier
Laroche, architectes.
*Dossiers d'Archéologie n° 239- décembre 1998, Xanthos, de la Perse à Byzance (bilan général de l'exploration de ces deux sites, une ville et un sanctuaire religieux)
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