lundi 21 octobre 2019

Les gorges de Saklıkent, en Lycie

Après avoir crapahuté plus d’une heure sur les sentiers de Tlôs parsemés de vestiges antiques, une pause détente est envisagée dans les gorges de Saklıkent. Il suffit de redescendre la vallée de la rivière Eşen (Xanthe) sur une dizaine de km pour trouver l’œuvre d’un de ses affluents descendant de la montagne blanche (Akdağ). 



Le cours d’eau semble avoir incisé la paroi rocheuse comme un fil métallique dans une motte de beurre ! À moins qu’il se soit engouffré dans la faille provoquée par la rupture de la roche lors d’un bouleversement sismique pour y faire son lit. Bref l’événement ne date pas d’hier et je n’ai pas de connaissance particulière en géologie pour donner plus de précisions. Je me contenterai de vous dire que c’est une merveille naturelle qui ne doit rien aux divinités lyciennes ou grecques qui hantent la région.



Malheureusement, elle semble avoir subi des interventions humaines disgracieuses. Les aires de parking se sont multipliées et des rabatteurs guettent les visiteurs pour le compte des nombreux cafés-restos qui s’agglutinent en aval, sans compter les guinguettes les pieds dans l’eau et celles sur pilotis !
Vues en octobre 1992, les gorges de Saklıkent étaient déjà mentionnées dans les listes des incontournables, mais avaient encore leur aspect sauvage, malgré l’existence d’une passerelle de fortune facilitant l’entrée de la gorge sur environ 200 m. La vision de ces parois rocheuses de 300 m de hauteur dominant le torrent bouillonnant par endroit et formant plus loin une vasque paisible et rafraîchissante avait suffit à notre enthousiasme. (A l'appui, 2 photos de mes archives 1992)



Mais c’était avant la création en 1996 du parc national, incluant les gorges.
J’ai lu quelque part qu’un berger aurait découvert les lieux en 1988. La fable est grossière quand on sait que plusieurs grottes disséminées sur les 18 km du canyon étaient fréquentées par les hommes au paléolithique. D’accès difficile certes et ignorés des touristes sans aucun doute, mais inconnus des autochtones certainement pas.
Par contre la vraie découverte du berger ou autre petit malin c’était l’idée de rendre possible la visite de cette curiosité géologique, et surtout d’en faire une attraction lucrative, puisque les clients potentiels étaient déjà sur place. Le tourisme balnéaire et les circuits culturels étaient alors en plein essor.  
En 30 ans, les aménagements se sont multipliés pour suivre le rythme de la fréquentation.



La passerelle a été solidifiée et sécurisée, mais je n’ose imaginer les embouteillages à la période estivale sur les 500 premiers mètres ! 



Ensuite ça doit être plus calme. Encore faut-il être en très bonne condition physique et expérimenté pour s’y engager… Si c’est le cas, rafting et canyoning sont les seules options pour ne pas avoir l’impression d’être dans le métro aux heures de pointe ! Et bien sur, c’est prévu, à grand renfort de banderoles publicitaires qu’il est bien difficile d’éviter dans les prises de vues. La location de chaussons en plastique pour ne pas glisser en barbotant dans l’eau glacée et de casques est aussi prévue.
Il va sans dire qu’emprunter la passerelle est payant.

  
Une dernière chose avant de clore le chapitre des récriminations. Sans vouloir porter offense à la république de Turquie, et pourtant bien habituée à le voir flotter un peu partout, je ne vois pas la nécessité de ce gigantesque drapeau barrant l’entrée de la gorge de Saklıkent. Protéger l’environnement, ça devrait vouloir dire aussi se faire discret pour le dénaturer le moins possible et non pas le revendiquer comme un trophée.


Pêchées dans le torrent, ou puisées dans des bassins d’élevage ? Un brin soupçonneux quant à la provenance des truites grillées, la spécialité locale annoncée, nous passons notre chemin, avec l'intention de visiter Pinara et Sidyma, avant de retourner à Kaş.

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