samedi 27 janvier 2018

Grotte de Karain, site paléolithique en Turquie

La Turquie est, comme chacun sait, riche d’un patrimoine culturel exceptionnel, et les occasions de se plonger dans le passé ne manquent pas.

Plus on remonte loin dans le temps, plus les traces se raréfient, non parce qu’elles n’existent plus mais parce qu’elles sont enfouies. Les découvertes archéologiques sont souvent dues à des concours de circonstances: une curieuse pierre affleurant du sol (Göbeklitepe), un vaste tumulus attisant la curiosité (Çatal höyük, site néolithique), un chantier de construction (port de Théodose à Yenikapı), l’exploitation d’une carrière de travertins (crâne fossilisé de Kocabaş), etc…

Il y a des sites privilégiés que leur emplacement désigne comme potentiellement intéressants pour les spécialistes. Des lieux naturellement protégés de la dispersion par les éléments et qui sont donc plus propices à la fossilisation.



Nul doute que la grotte de Karain, située à une trentaine de km au nord d’Antalya, n’ait pas été choisie au hasard par le Pr I. Kılıç Kökten, quand il y entreprit des sondages en 1946. Surplombant de 150m une vaste plaine irriguée de nombreuses sources, elle avait pu offrir un abri aux hommes préhistoriques dans un environnement favorable à la chasse et la cueillette. Des études géo-morphologiques ont révélé l’existence d’un lac au pléistocène. Des troupeaux d’animaux venaient donc s’y abreuver. Les chasseurs n’avaient plus qu’à choisir le bon moment depuis leur observatoire.



Les hypothèses de Kökten furent confirmées et ses trouvailles s’avérèrent bien plus conséquentes qu’il n’aurait sans doute osé l’espérer. Il poursuivit ses prospections jusqu’en 1973 en prenant soin de délimiter une sorte de puits, permettant d’identifier les différentes couches géologiques contenant les restes archéologiques. Dépassés les inscriptions et les niches antiques témoignant d’une activité cultuelle, les artefacts de l’âge de Bronze, du chalcolithique et du néolithique, on arriva jusqu’aux traces du paléolithique.
Des fouilles ont repris depuis 1985 avec une équipe internationale sous la direction d’Işin Yalçinkaya et Harun Taskiran, professeurs à l’Université d’Ankara.
D’après le prospectus offert à l’entrée, les études pluri-disciplinaires de la chrono-stratigraphie ont révélé les traces d’industrie lithique de toutes les périodes du paléolithique, avec les différentes techniques de débitage (fabrication d'un outil à partir d'un caillou). Les plus profondes donc les plus anciennes ayant été datées de 500 000 ans sont des galets aménagés de type Oldowayen et des bifaces de type acheuléen.
Dans les niveaux correspondants au paléolithique moyen, les outils sont plus diversifiés, plus effilés, et se déclinent en lames, racloirs, pointes. C’est aussi là qu’ont été retrouvés quelques restes fossilisés de Néanderthaliens (fragments de mandibule, vertèbres, fémurs et phalanges de la main datés de 160 000 à 60 000 ans).  
Dans les niveaux plus récents correspondant au paléolithique supérieur (39 000 à 22 000 ans) ont été retrouvés des productions microlithiques et des outils en os, des perles et même une tentative de sculpture sur un os d’animal représentant une tête humaine stylisée. Y sont associés des restes humains, essentiellement des dents d’Homo sapiens.
Tous ces témoignages d’un passé très lointain, (environ 800 000 pièces !) collectés depuis de nombreuses années, ne sont évidemment pas restés sur place, mais mis à l’abri dans les vitrines et les réserves du musée d’Antalya.
Malgré une position géographique unique entre l’Asie et l’Europe, l’étude des peuplements paléolithiques sur le territoire turc reste cependant très limitée. Karain en est le seul exemple d’une séquence aussi longue ayant produit un matériel archéologique aussi dense.

Après avoir grimpé les 475 marches qui facilitent aujourd’hui la montée jusqu’à la grotte, on peut voir à l’entrée la berne témoignant des fouilles, toujours en cours.




Ce n’est pas tant la profondeur qui donne le vertige mais la plongée temporelle d’un demi-million d’années! Quelques mètres de remplissage sédimentaire nous séparent seulement du sol foulé par des hominidés d’espèces disparues (Homo erectus, Néandertaliens) et des Homo sapiens, nos ancêtres directs. En pénétrant dans la grotte composée de plusieurs cavités reliées entre elles par d’étroits passages, on découvre un décor qui leur était familier.





Un peu trop éclairé ? On consentira à cette mise en scène lumineuse pour ce lieu si particulier d’autant plus que les concrétions calcaires sont les seuls éléments concrets de la visite.








Pour le reste, il faut faire appel à une documentation spécialisée sur le paléolithique dont je me garderai bien de tenter la résumer tant elle est foisonnante et sujette à de multiples interprétations selon les auteurs.
Pour ceux qui voudraient en savoir un peu plus sur Karain, voici deux liens concernant une exposition proposée par l’Institut de paléontologie humaine à Paris et la Faculté des Lettres de l’Université d’Ankara en Turquie en novembre 2008 :
Brochure de l’exposition : Les premiers peuplements de la Turquie (2008)
Auteurs : A. Vialet et I. Yalçinkaya, 50 p.
Amélie Vialet est Maître de conférences en paléoanthropologie au Muséum National d'Histoire Naturelle de Paris et chef des fouilles à la Caune de l'Arago, près du village de Tautavel, dans les Pyrénées-Orientales.
Elle a donné le 9 octobre 2015  une conférence publique dans le cadre de la Fête de la Science, dans l'auditorium du Musée de Tautavel, ayant pour sujet la découverte, près de Denizli, d’un crâne du paléolithique par le Pr. Mehmet Cihat Alçiçek en 2002:





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