Partis d’Adıyaman
à 3h tapante, nous arrivons à l’entrée du site une heure et demie plus tard.
Les cars ne doivent pas être autorisés à pénétrer le parc naturel national qui
entoure le mont Nemrut car le groupe a été reparti dans trois minibus peu
confortables. La fin du parcours tout en lacets est un peu éprouvante pour les
estomacs fragiles !
Au centre d’accueil
touristique flambant neuf, nous sommes les premiers arrivés… Largement le temps
de boire un café, tandis que les lieux se remplissent à un rythme soutenu. C’est
un samedi… l’endroit semble investi d’une foule qui se serait trompée
d’adresse en cherchant le centre commercial.
Nous étions une
cinquantaine en mai 2002 et ce 13 octobre, plusieurs centaines… Ce qui explique
sans doute la nécessité d’arriver tôt sur les lieux.
Une heure plus
tard, les navettes pour approcher le tumulus commencent à transporter les
visiteurs dans un nuage de gaz d’échappement plutôt malvenu sur ce site censé
être protégé ! Au lieu de construire une infrastructure digne d’un hall de
gare, il aurait été préférable d’investir dans l’équipement de véhicules
électriques !
Sous les
faisceaux des lampes torches, la montée à pied jusqu’au sommet se fait en 15mn
environ. Ce ne sont plus les marches disloquées d’il y a 15 ans mais des
paliers confortables, qui ne suffisent cependant pas à endiguer d’affligeants
commentaires en turc, tels que : « quand vont-ils installer un
téléphérique ? ». Et le ton n’est pas celui d’une boutade ! Ben
voyons, il ne manquerait plus que ça. Pourquoi pas un escalator ?
Lever les yeux
sur les quelques étoiles se faufilant entre les nuages nous aidera peut être à conserver un peu de sérénité
pour patienter en compagnie des colosses décapités alignés sur le versant
Est et que n'éclairent pour le moment qu'une aube timide et les selfies des portables.
Sur la plateforme
pyramidale de la terrasse orientale, s’agglutinent les visiteurs emmitouflés. Ils
ne semblent pas avoir connaissance de sa fonction première qui n’était pas un
podium pour profiter du spectacle, mais un autel réservé au culte des dieux et
du roi Antiochos, où se déroulaient les cérémonies sacrificielles… Personne n’a
l’air de s’en soucier.
L’attente se
prolonge et l’horizon est encore bien sombre du côté du Levant !
Le soleil s’est
levé à 6h31, mais pas le moindre petit rayon n’a réussi à percer les nuages. Il
a fallu se contenter d’une lumière blafarde pour photographier les vestiges du sanctuaire
funéraire d’Antiochos 1er, roi de Commagène qui régna de 62 à 36 avant notre
ère et qui, en prévision de son repos éternel, fit surmonter un sommet
voisinant naturellement les 2100 m, d’un tumulus d’éclats de pierre de 145
mètres de diamètre et 75 m de hauteur, dans un paysage on ne peut plus dépouillé…
Le caprice météorologique
n’a en rien diminué notre admiration devant cette ambitieuse construction dont aucun équivalent n’a été trouvé ailleurs concernant
cette période antique. Il n’en a pas entamé la solennité de cette démonstration
de syncrétisme d’un panthéon gréco-perse, accompagnant le souverain.
Les têtes qui
avaient roulé un peu au hasard au moment de leur chute, probablement dès le 2e
siècle de notre ère, ont été déplacées et recalées pour un positionnement
correspondant à leur personnage assis.
Au centre siège
Zeus - Ahura Mazda, le père des dieux.
Sur sa droite Tyché, déesse de l’abondance, personnifie le royaume de Commagène, avec
à son côté Antiochos.
A la gauche de Zeus – Ahura Mazda, trônent le dieu soleil Apollon
– Mithra, et le héros Héraclès – Verethragna symbolisant la force.
Encadrant symétriquement
l’alignement divin, se trouve le couple protecteur aigle et lion.
Le ciel peu clément
n’a pas réussi à ternir la dignité de l’originale et grandiose représentation
généalogique voulue par le souverain d’un fragile petit royaume coincé entre
deux empires (romain et parthe), qui a fait dresser des séries d’orthostates
à la mémoire de ses ancêtres paternels perses et maternels macédoniens,
revendiquant et affichant ainsi la richesse et la puissance résultant d’une
double culture.
La terrasse
occidentale, en partie taillée dans la montagne est sensiblement moins vaste. Elle
présente la même disposition mais les corps des statues sont disloqués, tandis
que les têtes sont plutôt moins endommagées. Aucune présence d’un grand autel n’a
été constatée.
Avant d’entamer
la descente, on se dit qu’Antiochos a bien fait de placer son tumulus au plus
près du ciel… Il a résisté plus de vingt siècles aux agressions de l’histoire
et des éléments.
Les vestiges de
sa capitale forteresse, Samosate, fondée dit-on par Samos, l’un de ses ancêtres,
(mais peut être plus de 1000 ans plus tôt par les Néo-Hittites ?), sont noyés
sous les eaux de l’Euphrate enflé par le barrage Atatürk depuis 30 ans,
ancienne ville turque de Samsat comprise. Il parait que quelques artefacts
trouvés lors de brèves fouilles sont au musée d’Adıyaman.
Moment
nostalgique en croisant en chemin, l’ancienne entrée, beaucoup moins pompeuse que la nouvelle. Je ne me souviens plus du tarif d'alors, mais cette fois l’accès fut gratuit.
Quant aux
autres témoignages de l’existence du royaume de la Commagène, ils sont à voir
sur les sites d’Arsameia sur Nymphaios et de Karakuş où nous devons nous rendre dans la foulée...
Déjà vus en 2002, mais qu'un prochain article viendra en raviver le souvenir et en rafraîchir les photos!
Déjà vus en 2002, mais qu'un prochain article viendra en raviver le souvenir et en rafraîchir les photos!
Un des plus beaux sites du monde, à mon humble avis, d'une majesté à couper le souffle, on n'oublie jamais cette visite qui même des années plus tard, éveille encore une émotion dans la mémoire ...Je remarque d'après vos nouvelles photos qu'il a été balisé, abandonnant ainsi le somptueux et surréaliste désordre d'autrefois mais c'était bien évidemment nécessaire pour préserver ce trésor unique en son genre. Merci pour ces belles photos. Gisèle
RépondreSupprimerOui effectivement, les exigences de préservation des sites et leur regain de popularité ont provoqué quelques désillusions au cours de ce périple dans le sud-est anatolien. Mais la richesse de son patrimoine reste un élément décisif pour ne pas regretter le voyage!
SupprimerMerci Gisèle pour tous ces commentaires.