mercredi 21 novembre 2018

Göbekli Tepe au musée de Şanlıurfa


Le tout récent musée archéologique de Şanlıurfa (2014) est un complément indispensable à la visite du site de Göbekli Tepe. Les nombreuses salles ne lui sont pas exclusivement réservées mais la section qui le concerne est particulièrement riche.
La copie grandeur nature de l’enceinte D, celle qui est composée in situ des plus grands piliers en T est évidemment très impressionnante. 


D’autant plus qu’ici on ne la voit pas derrière un grillage et en position accroupie ! D’autant plus qu’ici ils sont représentés en intégralité alors que sur le site une partie est encore enfouie. En gagnant sur le plan spectaculaire et suggestif, ils perdent cependant quelque peu de leur pouvoir spirituel.



Plus intéressante, l’exposition de nombreux artefacts retrouvés au cours des chantiers de fouilles qui pour des raisons évidentes n’auraient pu être conservés et préservés dans leur milieu d’origine. 
Le classement et l’étude de ces productions est indispensable à la compréhension préhistorique. 
Des sculptures isolées représentant des lions, des sangliers, des tortues, des ours, viennent enrichir le bestiaire en relief observé sur les piliers en T. Elles ont pour la plupart des postures menaçantes.





Des statues ou des fragments, représentant des personnages. Une pierre gravée, unique en son genre sur le site pour le moment, reproduisant une scène d'accouchement, ou un graffiti d'une autre nature? Et même une série de figurines évoquant une famille?







L’outillage lithique témoigne d’une grande maîtrise de façonnage dans la réalisation des grattoirs, burins, perçoirs, lissoirs, pointes de flèches, haches et massues. Il sous entend une recherche d’efficacité et d’esthétisme.





Dans certaines vitrines notamment celles qui présentent l’outillage lithique, les ustensiles et les figurines de pierre calcaire, les artefacts de Göbekli Tepe côtoient ceux des sites environnant en particulier de Nevalı Çori ; Sans doute pour souligner la similarité des techniques et des méthodes ainsi que d’éventuelles particularités que seuls des spécialistes seront capables de percevoir.




Et puis il y a aussi quelques réalisations qui provoquent la perplexité telles un totem, un anneau, des piliers en réduction. Des symboles?




Les archéologues ont mis en évidence d’après les strates étudiées que les rassemblements épisodiques et les constructions de Göbekli Tepe se sont étalés sur près de 2000 ans, les plus anciennes enceintes étant les plus vastes. Aucune nouvelle construction n’était entreprise sans avoir enseveli la précédente. Il semblerait que les dernières étapes de construction de taille plus réduite ont été abandonnées après avoir elles aussi été ensevelies, pour être reconstruites avec des variantes dans les lieux de sédentarisation comme à Nevalı Çori.

Les découvertes faites à Göbekli Tepe ont bouleversé bien des théories élaborées précédemment. Elles ont confirmé que la domesticité des végétaux et des animaux est postérieure à la sédentarisation. Elles ont surtout démontré que l’évolution des comportements humains vers une forme d’organisation structurée s’était concrétisée dans la réalisation de lieux communautaires précédant la sédentarisation. C’est ce cheminement de la pensée qui conduira vers la sédentarisation jusqu’en Europe au cours des millénaires suivants, au développement de l’agriculture, de l’élevage, de la poterie et qui mènera à l’élaboration de ce qu’on appelle aujourd’hui civilisations. Mais n’en était-ce pas déjà une ?

Toutes les connaissances acquises grâce aux missions archéologiques sont susceptibles d’être remises en cause par les suivantes et Göbekli Tepe est loin d’avoir livré tous ses secrets. Certains estiment qu’il faudrait encore fouiller une centaine d’années… Est-il sage de continuer quand on sait que les fouilles portent en elles un potentiel non négligeable d’agression des sites. Mais sans elles comment pourrions-nous connaitre ce passé et les étapes franchies qui ont conduit à notre présent.

Déjà on commence à parler d’un autre site qui pourrait induire une approche différente. Göbekli Tepe ne serait pas unique en son genre dans le paysage néolithique de la région et cela supposerait l’existence d’une forme d’organisation bien plus importante qu’on ne l’a envisagée.
Bahattin Çelik, un archéologue turc a découvert en 1997 dans le cadre d’un projet d’inventaire régional, des vestiges de constructions datant d’environ 9100 à 8400 avant notre ère, sur une butte, Karahan Tepe* à une cinquante de km au sud-est de Göbekli Tepe.
D’après les prospections, le site se compose d’un assemblage ordonné de piliers en forme de T dont certains ornés de sculptures en relief. Il semble aussi avoir été délibérément enseveli sous un grand tertre artificiel, aux alentours de 8000 avant notre ère.
Aucune fouille n’a été entreprise mais il est répertorié et protégé avec quelques autres de la période néolithique précéramique (Ayanlar Höyük, Taşlı Tepe, Harbetsuvan Tepesi, Sefer Tepe, Hamzan Tepe, Yeni Mahalle/Balıklıgöl Höyüğü et Kurt Tepesi).
Comme l’a souligné Bahattin Çelik, le patrimoine restant à découvrir et à comprendre est vaste mais avant tout il est nécessaire de le préserver.



3 commentaires:

  1. Merci Patricia pour ce merveilleux reportage qui nous fait visiter des sites du sud-est de la Turquie et surtout de magnifiques musées totalement inconnus pour nous.
    Superbement illustré et documenté ce reportage est un régal. Michèle

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    1. Une trace de vos passages sur mon blog est toujours la bienvenue !
      Les commentaires que vous inspirent mes textes sont la principale motivation de mes recherches en documentation et un encouragement à continuer de les partager avec vous. Merci aux rares lecteurs qui prennent le temps de les écrire.

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