Le tout récent musée archéologique de Şanlıurfa (2014) est
un complément indispensable à la visite du site de Göbekli Tepe. Les nombreuses
salles ne lui sont pas exclusivement réservées mais la section qui le concerne est
particulièrement riche.
La copie grandeur nature de l’enceinte D, celle qui est
composée in situ des plus grands piliers en T est évidemment très
impressionnante.
D’autant plus qu’ici on ne la voit pas derrière un grillage et
en position accroupie ! D’autant plus qu’ici ils sont représentés en
intégralité alors que sur le site une partie est encore enfouie. En gagnant sur
le plan spectaculaire et suggestif, ils perdent cependant quelque peu de leur pouvoir spirituel.
Plus intéressante, l’exposition de nombreux artefacts
retrouvés au cours des chantiers de fouilles qui pour des raisons évidentes
n’auraient pu être conservés et préservés dans leur milieu d’origine.
Le
classement et l’étude de ces productions est indispensable à la compréhension préhistorique.
Des sculptures isolées représentant des lions, des sangliers, des tortues, des
ours, viennent enrichir le bestiaire en relief observé sur les piliers en T.
Elles ont pour la plupart des postures menaçantes.
Des statues ou des fragments, représentant
des personnages. Une pierre gravée, unique en son genre sur le site pour le moment, reproduisant une scène d'accouchement, ou un graffiti d'une autre nature? Et même une série de figurines évoquant une famille?
L’outillage lithique témoigne d’une grande maîtrise de
façonnage dans la réalisation des grattoirs, burins, perçoirs, lissoirs,
pointes de flèches, haches et massues. Il sous entend une recherche d’efficacité
et d’esthétisme.
Dans certaines vitrines notamment celles qui présentent
l’outillage lithique, les ustensiles et les figurines de pierre calcaire, les
artefacts de Göbekli Tepe côtoient ceux des sites environnant en particulier de
Nevalı Çori ; Sans doute pour souligner la similarité des techniques et des
méthodes ainsi que d’éventuelles particularités que seuls des spécialistes
seront capables de percevoir.
Les archéologues ont mis en évidence d’après les strates
étudiées que les rassemblements épisodiques et les constructions de Göbekli Tepe se sont étalés sur près de 2000
ans, les plus anciennes enceintes étant les plus vastes. Aucune nouvelle
construction n’était entreprise sans avoir enseveli la précédente. Il
semblerait que les dernières étapes de construction de taille plus réduite ont
été abandonnées après avoir elles aussi été ensevelies, pour être reconstruites
avec des variantes dans les lieux de sédentarisation comme à Nevalı Çori.
Les découvertes faites à Göbekli Tepe ont bouleversé bien
des théories élaborées précédemment. Elles ont confirmé que la domesticité des végétaux
et des animaux est postérieure à la sédentarisation. Elles ont surtout démontré
que l’évolution des comportements humains vers une forme d’organisation structurée
s’était concrétisée dans la réalisation de lieux communautaires précédant la sédentarisation.
C’est ce cheminement de la pensée qui conduira vers la sédentarisation jusqu’en
Europe au cours des millénaires suivants, au développement de l’agriculture, de
l’élevage, de la poterie et qui mènera à l’élaboration de ce qu’on appelle
aujourd’hui civilisations. Mais n’en était-ce pas déjà une ?
Toutes les connaissances acquises grâce aux missions archéologiques
sont susceptibles d’être remises en cause par les suivantes et Göbekli Tepe est
loin d’avoir livré tous ses secrets. Certains estiment qu’il faudrait encore
fouiller une centaine d’années… Est-il sage de continuer quand on sait que les
fouilles portent en elles un potentiel non négligeable d’agression des sites.
Mais sans elles comment pourrions-nous connaitre ce passé et les étapes
franchies qui ont conduit à notre présent.
Déjà on commence à parler d’un autre site qui pourrait
induire une approche différente. Göbekli Tepe ne serait pas unique en son genre
dans le paysage néolithique de la région et cela supposerait l’existence d’une
forme d’organisation bien plus importante qu’on ne l’a envisagée.
Bahattin Çelik, un archéologue turc a découvert en 1997
dans le cadre d’un projet d’inventaire régional, des vestiges de constructions
datant d’environ 9100 à 8400 avant notre ère, sur une butte, Karahan Tepe* à une
cinquante de km au sud-est de Göbekli Tepe.
D’après les prospections, le site se compose d’un assemblage ordonné de piliers en forme
de T dont certains ornés de sculptures en relief. Il semble aussi avoir été
délibérément enseveli sous un grand tertre artificiel, aux alentours de 8000
avant notre ère.
Aucune fouille n’a été entreprise mais il est répertorié et
protégé avec quelques autres de la période néolithique précéramique (Ayanlar Höyük, Taşlı
Tepe, Harbetsuvan Tepesi, Sefer Tepe, Hamzan Tepe, Yeni Mahalle/Balıklıgöl
Höyüğü et Kurt Tepesi).
Comme l’a souligné Bahattin Çelik, le patrimoine restant à
découvrir et à comprendre est vaste mais avant tout il est nécessaire de le préserver.
* Source: http://arkeofili.com/gobeklitepenin-kardesi-karahan-tepe-uzerine-doc-dr-bahattin-celik-roportaji/
Merci Patricia pour ce merveilleux reportage qui nous fait visiter des sites du sud-est de la Turquie et surtout de magnifiques musées totalement inconnus pour nous.
RépondreSupprimerSuperbement illustré et documenté ce reportage est un régal. Michèle
Une trace de vos passages sur mon blog est toujours la bienvenue !
SupprimerLes commentaires que vous inspirent mes textes sont la principale motivation de mes recherches en documentation et un encouragement à continuer de les partager avec vous. Merci aux rares lecteurs qui prennent le temps de les écrire.
Thank you for thiss
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