mercredi 9 février 2011

Le türbe de Mahmut Pacha

Qui ne connaît pas le quartier Mahmutpaşa ?



Sa rue principale est incontournable pour descendre du Grand Bazar vers le Bazar Egyptien. C’est le secteur du shopping populaire, des commerces de fringues à bas prix, le Tati stambouliote, l’endroit où les copines déambulent en se poussant du coude et montrent d’un signe de tête narquois des robes hallucinantes aux couleurs sans complexe, aux fanfreluches improbables où rien ne manque, ni la dentelle, le strass, les paillettes, ni le tulle… et l'une d’ajouter railleuse « Tu m’avais bien dit que tu cherchais quelque chose pour ta prochaine soirée ? ». Mahmutpaşa n’a pas la réputation d’offrir des vêtements de grande qualité ni d’être à la pointe de la mode, mais ce que les copines n’avouent pas souvent c’est qu’elles ont toutes dégoté un jour l’accessoire qu’elles avaient cherché en vain ailleurs ! Qu’elles y trouvent les superbes serviettes de bain qui feront des cadeaux appréciés en France… et toute une foule d’autres choses pour peu qu’on n’hésite pas à explorer les nombreux han et ruelles adjacentes.

Mais qui était donc ce Mahmut Pacha ?

A n’en pas douter un personnage de premier rang. Issu d’une noble famille byzantine il fut nommé Grand Vizir par Mehmet II dans les premières années qui suivirent la conquête de Constantinople. A l’époque, l’élite administrative fut chargée par le sultan de réorganiser la structure urbaine de la nouvelle capitale ottomane. Aux constructions impériales (premiers édifices du palais de Topkapı, mosquées…) vinrent donc s’ajouter des édifices publics pour témoigner de la nouvelle structure politique et culturelle et affirmer la puissance des nouveaux maîtres des lieux. En particulier des espaces commerciaux et ateliers d'artisants dont une première édification du Grand Bazar et de ses alentours.

Le Grand Vizir commanda donc à l’architecte de l’époque, Atik Sinan, un grand complexe religieux doté d'une bibliothèque, d'un hospice, d'une medresa aujourd'hui disparus. La mosquée qui porte son nom, datée de 1463, est donc une des plus anciennes d’Istanbul. Malgré les successives restaurations dans les siècles qui ont suivi, elle a conservé son allure architecturale d’origine contrairement à ses contemporaines, la mosquée de Fatih Mehmet (le Conquérant) et celle d’Eyüp qui ont été reconstruites au 18e siècle.


Une autre bâtisse à son nom qui faisait partie du grand complexe religieux est repérable dans le quartier : le hammam reconverti en bazar, ainsi que le han des fourreurs (kürkçüler hanı) que certaines sources lui attribuent. C’est depuis cette époque que tout le quartier a une vocation essentiellement artisanale et commerciale.

 Mahmutpaşa hamamı
 Kürkçüler hanı
Mais dans le jardin attenant à la mosquée, un autre monument devrait attirer l’attention. C’est le türbe de ce Grand Vizir, déchu de ses fonctions et exécuté en 1474 sur l’ordre du sultan Mehmet II qui l’aurait soupçonné de se réjouir de la mort de son fils, le prince Mustafa. Cette intrigue fomentée par un autre pacha (Mehmet Paşa) qui convoitait le poste et surtout les honneurs qui y étaient attachés, lui fit rejoindre sa dernière demeure bien plus tôt qu’il ne l’aurait souhaité !


Le mausolée à coupole de Mahmut Pacha, entouré d’un petit cimetière aux tombes de guingois est aujourd’hui inaccessible et quasiment ignoré. Derrière un grillage, il se laisse admirer parcimonieusement. Recouvert d’une mosaïque de céramiques bleu et turquoise de formes géométriques, formant une nuée d’étoiles, c’est un exemple unique à Istanbul des décors de la première période des productions d’Iznik qui rappelle le style décoratif du début de l’art ottoman que l’on peut voir sur certains monuments à Bursa et encore sous l'influence de la période seldjoukide.   

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