mercredi 20 mars 2024

La mosquée Sokullu Mehmed Pacha

Des obligations administratives (renouvellement de permis de séjour à Kumkapı) m’ont conduit dans le vieux quartier de Kadırga à Istanbul, en contrebas du quartier touristique de Sultanahmet et de la mosquée bleue et à proximité du rivage de la Marmara.  L’occasion de saluer au passage la Petite Sainte Sophie, église byzantine devenue mosquée depuis longtemps et de rendre visite à la mosquée Sokullu Mehmed Pacha que je n’avais pas revue depuis de nombreuses années. Mes dernières photos datant des années 1990, il était grand temps de les actualiser et de combler une lacune de ce blog.
Conçue par Mimar Sinan (1489-1588), architecte en chef de l'empire ottoman sous Soliman le Magnifique et ses successeurs et achevée en 1571,  le grand vizir Sokullu Mehmed Pacha et son épouse la sultane Ismihan, fille de Selim II et petite-fille du sultan Soliman le Magnifique en furent les commanditaires. Seul Sokullu Mehmed Pacha figure sur l'inscription de la fondation au-dessus de l'entrée principale. Il y est aussi précisé qu’en ces lieux se trouvaient les ruines effondrées de l'église byzantine Aya Anastasia.


Encastré dans un ensemble d’immeubles vieillots, le complexe ne bénéficie pas d’une vue dégagée permettant d’apprécier sa silhouette, tout comme celui de la mosquée Rüstem Pacha coincé dans l’imbroglio des ruelles commerçantes du quartier d’Eminönü, autre œuvre de Mimar Sinan commanditée elle aussi par un grand vizir et gendre de Soliman le Magnifique quelques années auparavant.


Autre similitude avec la Rüstem Pacha, on accède à la cour intérieure par un escalier couvert qui vient compenser le fort dénivelé de l’emplacement architectural. Le niveau inférieur était occupé par des boutiques dont les loyers perçus contribuaient à l'entretien du complexe religieux.



La cour ouverte surélevée est délimitée sur trois côtés par un portique à arcades donnant sur seize cellules surmontées de dômes. Le quatrième coté s’ouvre sur la salle de prière par un portique plus haut que les trois autres. Lui faisant face et située en surplomb de l’escalier se trouve la salle d'étude (dershane) de la medrese. Au centre, la fontaine d'ablution comporte douze colonnettes supportant une coupole en forme d'oignon. La mosquée ne comporte qu’un unique minaret doté d’un seul balcon.


Bien que de surface relativement limitée, la salle de prière offre la perception instantanée d’un vaste espace intérieur. Aucun pilier ne vient couper le champ de vision. Ils sont élégamment encastrés dans les murs. Le regard se porte d’emblée sur le mihrab de marbre orné de muqarnas sculptés et encadré de carreaux de faïences d’Iznik aux motifs floraux bleus, rouges et verts qui s’élancent jusqu'aux pendentifs du dôme, intégrant même les fenêtres supérieures décorées de vitraux colorés.


Rare exception, la calotte conique du minbar en marbre blanc est aussi gainée de carreaux d'Iznik.



Avec ses quatre-vingt-dix-huit fenêtres dont dix-huit percent le tambour de la coupole, la salle de prière est baignée de lumière comme la plupart des constructions de Sinan.



Les fenêtres du niveau inférieur sont surmontées d’une répétition à l’identique d’une unique composition. 


On remarque  une grande quantité de médaillons et panneaux calligraphiés en lettres thuluth blanches sur fond bleu, assez rares pour l’époque, sans doute pour attirer l’attention sur une particularité de l’édifice. Il est censé receler trois fragments de la Pierre noire encastrée dans un angle de la Kaaba, monument sacré au cœur de la Grande Mosquée de La Mecque.
Si la décoration intérieure ne peut égaler l’époustouflante variété de motifs floraux de la mosquée Rüstem Pacha, véritable démonstration des prouesses et du riche répertoire décoratif des céramistes d’Iznik, la mosquée Sokullu Mehmed Pacha reste cependant l'une des conceptions les plus raffinées de Sinan.


Le complexe comportait un réservoir alimentant aussi des fontaines de rue. Cette construction pourrait bien en être le vestige.

Une autre mosquée fut commanditée ultérieurement par le grand vizir Sokullu Mehmed Pacha et réalisée par Mimar Sinan en 1577-78. Elle est située à proximité de la station de métro Haliç, en contrebas du pont Atatürk menant à Unkapanı, à proximité de la Corne d’Or. Connue sous le nom de mosquée d’Azapkapı, elle était aussi décorée de carreaux de faïence d’Iznik, mais longtemps à l’abandon, elle en fut dépouillée. Ils ont été remplacés par des répliques fabriquées à Kutahya lors de sa récente restauration.

Sources :
Site Archnet (en anglais)
Répertoire des lieux historiques en Turquie, M. Orhan Bayrak, İnkılap Kitabevi 1994 (en turc)


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