lundi 18 mars 2024

De retour dans la ville des chats et exposition parisienne « Félins »

Pour rester fidèle à l’esprit de ce blog toujours « entre deux rives », même si ces derniers mois ce fut plus l’une que l’autre, le chat sera le lien reliant mes deux rives.
En marchant dans les rues d’Istanbul on croise sans surprise quantité de matous et de minettes de toutes tailles, au pelage aussi varié que possible, à la personnalité bien marquée, des craintifs, des indifférents, des audacieux, des effrontés, des affectueux, des espiègles, des furtifs, des nonchalants…  Ils font partie du paysage urbain. Ici les chats n’appartiennent à personne et à tout le monde, même si quelques uns ont la chance de trouver un foyer douillet.


Celui-là ressemble à la Minette.
  

Un bel échantillon occupe ce banc, à bonne distance les uns des autres comme pour dissuader toute intrusion dans l’alignement.
 

Celui-ci semble plus magnanime et disposé à partager la place.
J’avais un peu occulté combien leur présence m'a manqué. Une exposition parisienne présentée par le Muséum national d’Histoire naturelle, à la Grande Galerie de l’Évolution et consacrée à la grande famille des félins, vue dans les tout premiers jours de l’année, est venue titiller ce manque. Initialement prévue jusqu’au 7 janvier, le succès lui a fait bénéficier de prolongations jusqu’au 21 avril 2024, bonne nouvelle pour les retardataires ! Y revenir en images est donc toujours d’actualité.



Faisons d’abord connaissance avec le smilodon, le plus gros félin ayant existé et dont un squelette a pu être reconstitué.  2 m de long et 400kg de muscles, appelé
à tord « tigre à dents de sabre », il évoluait sur le continent américain et a disparu il y a 10000 ans. Il est dorénavant présent dans l’imaginaire fantastique littéraire et filmographique. Il a inspiré le personnage de Diego dans L'Âge de glace. 


La trace du plus ancien félin découvert sur le sol français (dans l'Allier), est une mâchoire fossilisée du Proailurus, –20,6
à –20 millions d’années, spécimen du Muséum d’histoire naturelle.




Vient ensuite une présentation des 38 espèces de félins qui peuplent la Terre. Ils sont presque tous l
à, du plus gros au plus petit.


Des animations et vidéos montrent les qualités exceptionnelles de ces prédateurs : sens ultradéveloppés (ouïe, vue, toucher), mâchoires et griffes puissantes, rapidité, agilité, sont mis au service de stratégies de chasse efficaces.
L’exposition attire aussi l’attention des visiteurs sur la vulnérabilité des félins dans un milieu naturel qui tend à se réduire. Chasse infructueuse, fort taux de mortalité des petits, collisions routières, captures et trafics illicites : de nombreuses menaces pèsent sur la vie pas toujours facile de ces mammifères. 
 

En France, les lynx sont en danger d’extinction.
Une parenthèse hors exposition : La Turquie compte une population importante de félins sauvages. Des études sur le comportement et l’habitat des lynx eurasiens et lynx du Caucase sont en cours dans l’Est anatolien pour tenter d’assurer leur protection.
Supposée espèce éteinte depuis 50 ans, un léopard d'Anatolie a été flashé par l'objectif d'un « piège photographique » en mai 2022 et formellement identifié. Il se distingue par sa fourrure grisâtre et ses grandes rosettes sur les flancs et le dos et de plus petites sur l’épaule et le haut des pattes.
L'aire de répartition de l'espèce se trouve principalement dans les reliefs de l'Ouest du plateau anatolien mais pour protéger l'animal et son habitat des curieux éventuels, les autorités ont choisi de ne pas divulguer la localisation des clichés. Une bonne nouvelle qui ne doit pas faire oublier que l'animal reste toujours en danger d'extinction.
Il partage son habitat avec le léopard d’Iran, dont la présence est plus souvent répertoriée.
Plus au Sud, dans la région de Muğla la présence de caracals a été attestée par une caméra déclenchée par le mouvement en 2021. Trois caracals et un lynx heurtés par des voitures sont morts dans la région, leur habitat naturel étant traversé par une autoroute. 
Un Chaus a été photographié et filmé en 2018 dans la province d’Eskisehir par un étudiant en master à la Faculté de l’Ingénierie Forestière de l'Université de Bartin. Appelé également chat des marais, il fait parti des espèces sauvages en voie de disparition. « Le Chaus est actif en particulier la nuit et donc peu visible en journée. En Turquie, cette espèce vit essentiellement le long du lac Egirdir (sud-ouest), dans le district de Nallihan (Ankara centre), de Manavgat (sud), dans la province de Denizli (sud-ouest) et le long du lac Akyatan dans la province d’Adana. Excellent nageur, il se nourrit de poissons, de rongeurs, d'oiseaux et de serpents. Son alimentation joue un rôle essentiel dans le maintien de l’équilibre naturel et la régulation de la biodiversité animale. »
L'étudiant indique qu'il a déjà auparavant découvert l'existence de lynx et de chats sauvages dans la province d’Eskisehir.
Des études en vue de la protection de ces espèces dans la province doivent impérativement être mises en œuvre, a-t-il ajouté.
Des articles de presse relayent l’intérêt porté par les autorités scientifiques et la population sur la nécessité de sauvegarder cette faune sur tout le territoire.
 
Il est temps de reprendre le fil de l’exposition
 

Les relations entre les humains et les félins se sont manifestés dans de nombreuses cultures à travers le monde et à toutes les époques.
Des objets culturels et symboliques provenant des collections du Muséum, des Musées du Louvre, du quai Branly et Guimet, témoignent de ces rapports complexes entre crainte et fascination. 



Dans l’Egypte ancienne le lion était l’une des formes animales du dieu solaire Ré. Sekhmet, déesse personnifiant la puissance destructrice du soleil (Ré). Protectrice du pharaon et de son peuple. Statuette en diorite, règne d’Amenhotep III (-1391/-1353). Temple de Mout, Karnak.
  

Les descendants de Ré étaient des dieux puissants. Ici Bastet (à gauche), déesse à double visage, tête de lionne quand elle est en colère, apaisée c’est une déesse chatte bienveillante, protectrice de la maternité. Statuette en pierre (-743/-717)
Mahes (à droite) est un dieu guerrier qui veille sur le pharaon et garde les lieux sacrés. Statuette en alliage cuivreux (-644/-332) 


Momies, sarcophage de chats sacrés, et statue de déesse Bastet (-664/-332), alliage cuivreux et faïence verte.


Créatures léonines de la mythologie en Grèce antique (chimère, sphinge et lion de Némée) combattues par des héros à l’image d’Hercule. Ici représentation de Mithridate VI en Hercule, copie romaine en marbre (1er siècle) d’un original grec en bronze (2e siècle av. notre ère)
  

En Asie, les lions sont considérés comme les gardiens protecteurs des bodhisattvas, sages bouddhistes, et servent de monture à Bouddha lui-même. Ils sont représentés généralement par deux, à proximité des monastères et temples car ils auraient le pouvoir de chasser les mauvais esprits.
  

En Chine on les trouvait devant les palais impériaux, les tombeaux et bâtiments administratifs. Celui-ci est une reproduction (2023) d’un lion-gardien de la Cité Interdite à Beijing (15e siècle). Plus prosaïquement ils sont aujourd’hui parfois à l’entrée des restaurants et hôtels asiatiques. 


Masques et marionnettes de théâtre d’Afrique Subsaharienne.
On pourrait rajouter à cet inventaire les lions et sphinx, gardiens des portes des cités hittites (site archéologiques d’Alacahöyük et Hattusa en Turquie) et le lion solaire ailé persan, symbole de la Perse royale et zoroastrienne et qui a figuré jusqu’en 1979 sur le drapeau iranien.
 


L’exposition s’achève sur la figure centrale du chat, seul félin domestiqué par l’homme dès sa sédentarisation au Moyen-Orient, il y a 9000 ans. Une proximité attestée par une sépulture réunissant un jeune homme et un chat, inhumés face à face sur l’ile de Chypre, bien avant les représentations égyptiennes.
Bien qu’aucune preuve ne l’ait confirmé pour le moment, on peut aisément imaginer que des chats circulaient dans l’agglomération urbaine néolithique de Çatal Höyük (site archéologique en Turquie), qu’ils jouaient avec les enfants et surtout qu’ils chassaient les rongeurs convoitant les réserves de céréales.
 

Il y a aujourd’hui 79 races de chats répertoriées dans le monde dont voici un échantillon des plus connus. S’ils sont maintenant généralement choyés et respectés un peu partout, ce n’a pas toujours été le cas notamment dans l’Europe médiévale chrétienne qui les accusait de sorcellerie et les exterminait sur des bûchers.
 

Le monde musulman fut pour eux plutôt protecteur au point de considérer comme péché grave leur maltraitance. C’est en Turquie un délit passible d’emprisonnement * depuis 2021, remplaçant des sanctions administratives. (Voir en fin d’article l’ajout Actualité)
On dit aussi que les chats étaient les bienvenus dans les bibliothèques et lieux de culte car en chassant les rongeurs ils protégeaient les manuscrits précieux des grignotages des souris. De fait, les chats sont ici partout chez eux, même dans les mosquées.

Enfin ici et là et ailleurs, les écrivains semblent entretenir une relation particulière avec les chats, peut être parce qu’ils apprécient les mêmes choses, le silence, la solitude, le confort… Les romanciers, les poètes savent prendre le temps d’observer ces compagnons discrets mais souvent indisciplinés, source inépuisable d’inspiration.
« Le chat de Samiye » fut l'un des premiers poèmes de Nazim Hikmet.
Pierre Loti appela Moumoutte presque tous les chats qui lui tinrent compagnie.
« Quand le chat s’endort sur ma feuille, j’écris autour du chat. » écrivait André Malraux.
 
Sources
Article Léopard d’Anatolie. Sciences et Avenir  
Article Chaus. Agence Anatolienne
 
Lecture: Les chats des écrivains,  Bérangère Bienfait, Brigitte Bulard-Cordeau, Valérie Parent, illustrations de Loïc Sécheresse, 2015
 
Info: Les 10 et 11 juin 2024, les félins seront à la Fête au Jardin des Plantes ! Journée Internationale du Lynx
 
*Actualité : Un fait divers a enflammé l’opinion publique ces derniers jours. Une bonne partie de la population s’indigne de la relaxation de l’homme qui a battu à mort Eros le 1er janvier dernier dans le hall d’un immeuble à Istanbul. Condamné à 2 ans et demi de prison en second jugement récent, il a été libéré pour bonne conduite suite à une première condamnation de 1 an et demi en février. Des réactions très vives circulent contre cette décision sur les réseaux sociaux avec les hashtag #erosiçinadalet #justiceforeros

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2 commentaires:

  1. Aurais tu la photo d un léopard
    d Anatolie ??

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    1. Bonjour, voici mes sources (en français): une photo du léopard d'Anatolie est visible sur le site de Sciences et Avenir, article évoquant ce félin : https://www.sciencesetavenir.fr/animaux/grands-mammiferes/un-leopard-d-anatolie-espece-que-l-on-croyait-eteinte-a-ete-apercu-en-turquie_163975 , une autre sur le Courrier International : https://www.courrierinternational.com/article/fourrure-le-leopard-d-anatolie-une-espece-presumee-disparue-reapparait-en-turquie
      Une autre sur Marianne: https://www.marianne.net/societe/ecologie/reapparition-dun-felin-suppose-eteint-depuis-50-ans-un-leopard-danatolie-apercu-en-turquie

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