samedi 27 octobre 2018

Sous, et sur les flots de l’Euphrate à Halfeti


Cette excursion n’était pas au programme de ma précédente escapade au sud-est de la Turquie, en 2002. Et pour cause… La mise en eau du barrage de Birecik, l’une des réalisations du GAP (Guneydoğu Anadolu Projesi), n’avait été effective que depuis deux ans. L’antique cité de Zeugma n’était pas la seule à se retrouver les pieds dans l’eau…
La population d’une quarantaine de villages de la vallée avait été évacuée en grande partie, indemnisée ou relogée ailleurs sur les hauteurs. Il fallait un peu de temps pour que la vie se réorganise, que des projets prennent forme, que de nouvelles activités se développent… Que le cœur meurtri d'Halfeti continue de battre.
Les trois-quarts de la petite ville ont été engloutis. La nouvelle Halfeti est à une quinzaine de kilomètres. Mais ici, quelques traditionnelles maisons cubes dont la pierre se fond dans le décor, s’accrochent encore en terrasse et sont habitées.


En bordure des rives actuelles des cafés, des restaurants se sont installés pour accueillir les visiteurs de passage. 


Et puis un afflux providentiel de touristes a même conduit à la construction sur les hauteurs d’un hôtel dont les proportions défigurent le paysage. A ce sujet, le capitaine du bateau sur lequel nous avons embarqué ne lui accordera pas un regard pour le désigner comme le déshonneur d’Halfeti… Les activités touristiques, comme les médailles, ont des revers parfois disgracieux !
Nous voguons sur l’Euphrate, fleuve désormais dilaté, qui a vu défiler tant de civilisations ! Impressionnant théâtre pour ce dernier acte dont témoigne ici la mosquée barbotant dans les flots.



En amont, Savaşan, village aujourd'hui inaccessible autrement que par voie fluviale, ne dresse plus que la partie supérieure d’un minaret. 




Les fenêtres béantes des quelques maisons rescapées semblent contempler d’un regard incrédule l’étendue d’eau responsable de leur abandon. 



Que de souvenirs engloutis ?  Ici le temps s’est arrêté. Plus de passé ni d’avenir, juste un présent rempli de nostalgie pour le dernier habitant qui ne se résigne pas à quitter les lieux.  

Sur l’autre rive, Rumkale couronne la falaise et domine majestueusement le confluent de l’Euphrate et de la rivière Merzimen. 


Cet emplacement stratégique, avait déjà retenu l’attention des Assyriens. Les vestiges de la forteresse proviennent essentiellement de constructions gréco-romaines. Le site a cependant été entretenu et remanié au cours des siècles suivants. Il fut occupé par des seigneurs de guerre byzantins puis arméniens pendant la période médiévale. Au 12e siècle la citadelle fut vendue au catholicos d’Arménie, îlot chrétien en terre musulmane qui resta un centre religieux d’importance pendant près de 150 ans, jusqu'à l’arrivée des Mamelouk qui s’en emparèrent.
Depuis la rive on aperçoit un petit débarcadère et une volée d’escaliers de facture très récente qui conduit au sommet. 


Quelques maisons cubes, nouvellement construites, semble-t-il, occupent l’espace. Un complexe hôtelier avec vue imprenable sur le paysage? Bien dommage…

Tout près des berges, des cavités qui se trouvaient autrefois plus en hauteur sur la colline, exposent au regard les vestiges d’un habitat troglodyte.


Le voyage se poursuit sur le ruban turquoise, au milieu des reliefs arides ourlés çà et là, de quelques flaques de verdure. 



Elles devaient être bien plus étendues autrefois. On imagine des places ombragée, des jardins, des terres fertiles… Que sont devenues les fameuses roses noires d’Halfeti qui ne poussaient qu’ici ? Ont-elles trouvé une terre qui leur convienne sur les pentes de la ville haute ?
Il semblerait que oui. Une essence de cette mystérieuse rose, à la couleur unique au monde, est le seul souvenir du passé d’Halfeti que l’on peut emporter…


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