vendredi 15 février 2013

Dégustation de vins turcs


Samedi dernier La Passerelle associée à Istanbul Accueil proposait une dégustation de vins turcs de la société Diren, entreprise familiale de la 3e génération.
Une occasion d’y voir un peu plus clair dans une production qui s’est bien diversifiée depuis une vingtaine d’année malgré l’omniprésence dans les rayons des plus gros producteurs Doluca et Kavaklıdere.
La bonne surprise fut la présence de Jean-Luc Colin, œnologue français installé en Turquie depuis bientôt vingt ans et dont j’avais entendu parler par un ancien de Galatasaray reconverti dans la production vinicole dans la petite mais performante société Umurbey créée en 1993, en Thrace à 12km de Tekirdağ.


Autour d’une belle tablée abondamment garnie de verres, l’assemblée attentive a écouté la conférence du spécialiste qui nous a confié les circonstances de son arrivée en Turquie au hasard d’une petite annonce, puis sa décision de s’y installer en se découvrant une passion pour des cépages autochtones en voie de disparition Narince, Boğazkere, Kalecik Karası, Oküzgözü, traditionnellement cultivés pendant des siècles par les Chrétiens, Arméniens et Syriaques dans l’est et le centre anatolien.
Le potentiel de consommateurs, sans être en progression spectaculaire est cependant composé d’amateurs plus curieux et plus sensibles aux différences d’arômes. Ils sont de plus en plus à même de porter un jugement olfactif et gustatif, ce qui incite les producteurs à s’entourer des conseils avisés d’un œnologue diplômé comme Jean-Luc Colin qui a créé il y a quelques années la société de consulting, Anatolian Vineyards et une école du vin à Istanbul.


Avant de commencer la dégustation, il a insisté sur l’importance d’aérer les vins et recommandé l’usage de la carafe.
Des petits canapés divers, des fromages et des fruits secs étaient à disposition pour grignotage afin d’éviter de rouler sous la table avant d’en avoir terminé avec les 7 propositions de breuvages reposant au fond des verres, avec parcimonie heureusement !

1-Collection Narince, vin blanc produit à partir de cépages Narince de la région de Tokat.

2-Collection Kalecik Karası, vin rouge produit à partir d’un coupage de Kalecik Karası et Syrah des vignobles de la région de Denizli et de Boğazkere de la région de Diyarbakır. Vin délicat et aromatique recommandé pour accompagner les grillades, le poulet et le poisson.

3-Collection Öküzgözü, vin rouge produit  à partir d’un coupage de cépages Öküzgözü de la région d’Elazığ avec du Cabernet Sauvignon de Denizli. Vin plus dense et moins aromatique que le précédent. Il peut accompagner des plats au goût plus prononcé et le fromage.

4-Collection Syrah, vin rouge produit  à partir d’un coupage de cépages Syrah de la région de Denizli, avec des cépages Cabernet Sauvignon et Kalecik Karası. Vin dense aux aromes épicés. Il supporte les préparations à la sauce tomate et autres plats épicés.

5-Collection Cabernet Sauvignon, vin rouge produit à partir d’un coupage de Cabernet Sauvignon des vignobles de Tokat, Syrah de Denizli, et de Boğazkere de Diyarbakır. Accompagne les viandes blanches ou rouge grillées ou en sauce.  

6-Veni Vidi Vici Selection, vin rouge, mélange de Syrah, Cabernet Sauvignon et Boğazkere, fort en tanin. Plus puissant et structuré que les précédents. Conseillé pour les viandes rouges avec ou sans sauce.

7-Mahlep, vin rouge sucré à boire comme un porto, produit à partir de cépages Öküzgözü et Boğazkere des vignobles de Tokat, Elazığ et Diyarbakır et aromatisé au mahlep (amande du noyau de griotte)

Parisienne de naissance, mais d’une famille originaire de Saône et Loire, j’ai toujours un peu de mal à satisfaire mon palais avec les saveurs bordelaises des Merlot et Cabernet Sauvignon qu’on affectionne en Turquie.
Instinctivement j’ai plébiscité les cépages Kalecik Karasi et Öküzgözu. Choix confirmé par Jean-Luc Colin, le Kalecik Karasi se rapprochant du Pinot noir et le Öküzgözu pouvant être vaguement comparé au Gamay.
Ce ne sont bien sûr pas des Volnay ou des Pommard mais les assemblages peuvent faire penser à l’honnête Passe-tout-grains, appellation d'origine contrôlée produite sur tout le territoire bourguignon.
N’appréciant pas trop le vin blanc, mes préférences ont donc été vers le 2 et le 3, et pour des plats plus riches ou épicés vers le 4 rappelant les Côtes du Rhône. Ce choix partial n’engage évidemment que moi !

jeudi 14 février 2013

La pâtisserie Inci


Pour les nostalgiques une maigre consolation !
Après de longs mois de résistance puis quelques mois de fermeture suite à l’expulsion de tous les occupants du célèbre immeuble « Cercle d’Orient » de l’avenue Istiklal, la mythique enseigne gourmande a rouvert ses portes, aujourd’hui même, un peu plus loin dans la rue Mis, comme un clin d’œil aux amoureux… de profiteroles !


Les inconditionnels étaient au rendez-vous affiché à l’ancienne adresse de la pâtisserie Inci et ont pu retrouver une décoration aussi près que possible de l’ancienne! De quoi ne pas trop les dépayser et ne pas trop perturber les souvenirs qui y sont attachés sans doute. Objectif difficile à atteindre!



dimanche 10 février 2013

Les soldats de terre cuite au palais de Topkapi


De très honorables invités sont actuellement les hôtes du palais de Topkapi.


Depuis le mois de novembre et jusqu’au 20 février quatre soldats de terre cuite et un cheval appartenant à un ensemble de plus de 7000 statues retrouvées par hasard en 1974 près de Xi'an dans la province du Shaanxi en Chine font l’objet d’une remarquable exposition.


Evidemment il ne faut pas s’attendre ici au spectaculaire alignement dans les tranchées de l’armée de l’empereur Qin Shi Huang, unificateur de la Chine au 3e siècle av. JC, et entre autre, initiateur de la construction de la célèbre muraille.
Même à Xi'an (2 photos, ci-dessous), ce que l’on découvre dans les fosses dégagées ne serait qu’une partie de l’armée ainsi immortalisée pour l’éternité, à proximité de l’énigmatique mausolée de l’empereur défunt. Ce dernier n’a pas encore été exploré, dans l’attente de technologies plus sophistiquées qui limiteraient les risques de l’endommager.


Il n’en reste pas moins que ce que l’on peut en voir à Topkapi est très impressionnant. Le cheval, le général, le fantassin, l’archer et le conducteur de char sont bien représentatifs de l’ensemble et les panneaux explicatifs apportent une documentation complémentaire.
Sous une stricte surveillance (et interdiction formelle de photographier), ils offrent leur imposante stature aux visiteurs ainsi que la précision des détails.
Les soldats en terre cuite de cette armée impériale ont fait l’objet d’une fabrication méticuleuse et les traits, l’expression, la taille, l'uniforme et la coiffe sont tous différents, comme pouvaient l’être les hommes qui la composait, venant de toutes les provinces du territoire.


On a du mal à imaginer l’immensité de la tâche des artisans qui ont façonné ces personnages et le nombre d’années qu’ils y ont employé. Celle des archéologues n’est pas négligeable non plus puisque les fouilles continuent toujours sur le site évalué à plus de 50 km². Que dire de celle des restaurateurs qui ont dû reconstituer ce gigantesque puzzle en 3 dimensions puisqu’au moment de leur découverte aucune des statues n’était entière. En effet, la thèse d’un pillage effectué par les hommes du rebelle Xiang Yu, peu d’années après leur enfouissement, expliquerait la disparition de la plupart des armes des guerriers en terre, les traces de destruction volontaire et d’incendie ainsi que l’effondrement des plafonds de bois, roseaux et argile, portés par des piliers et recouvrant les fosses.
Les dernières découvertes de statues montrent qu’elles avaient été à l’origine peintes de couleurs vives après cuisson. L’exposition à l’air libre sans précaution dans les premières années de fouilles aurait été fatale à celles d’entre elles qui avaient échappé aux flammes.        

Les vitrines de la première salle à l’entrée présentent une sélection d’objets venant du Musée de Shanghai et de la "Cité Interdite" de Beijing  retraçant l’histoire des dynasties successives à travers leurs productions caractéristiques.
Un véritable voyage dans le sillon d’Evliya Çelebi,  Piri Reis, et Ibn Battûta qui ont apporté en leur temps des informations précieuses sur l’Empire du Milieu.
On connaît la fascination des Ottomans pour la céramique chinoise qui était en bonne place à la table du sultan et dont les collections sont parfois visibles au musée de Topkapi. On sait qu’ils en ont imité dans un premier temps les motifs avant que la production d’Iznik ne s’enrichisse d’autres décors qui ont fait sa renommée et son originalité.




Cette exposition temporaire trouve donc parfaitement sa place ici et il serait dommage de ne pas y consacrer une visite, d’autant qu’elle est installée dans une des bâtisses généralement non accessible qui compose le palais de Topkapi.
Fermé le mardi, ouvert tous les autres jours, entre 9h et 17h

lundi 4 février 2013

Lodos sur le Bosphore


Le détroit du Bosphore aimante invariablement les promeneurs du dimanche. Quand un Stambouliote ne l’a pas vu depuis quelques jours, son attrait semble devenir irrésistible. Malgré le vent qui soufflait fort sur les hauteurs de Levent, nous sommes descendus vers la rive. Et là, surprise, pas la moindre rafale, mais une brise douce et caressante qui décoiffe à peine. 
Vers l’embouchure coté Mer Noire, entre Kireçburnu et Büyükdere, les badauds déambulaient d’un pas nonchalant, les joggeurs joggaient en petite foulée imperturbable sous un ciel d’azur presque parfait.


Les flots du Bosphore semblaient même bien calmes, ne menaçant les passants d’aucune éclaboussure. Seuls des milliers d’oiseaux blanchissaient la crête d’innocentes vaguelettes. Pourtant les marins pêcheurs n’avaient pas pris le large, se méfiant du lodos, vent du sud-ouest qui balaye la mer Egée et la Marmara, capable de bousculer les courants du Bosphore, jeter et fracasser les imprudents sur les rives, et provoquer des tempêtes au large des côtes de la mer Noire.







Les chalutiers étaient à quai et les hommes ravaudaient des montagnes de filets, offrant un spectacle inhabituel tandis que des colonies de goélands, en fidèles compagnons, restaient à proximité des bateaux arrimés, flottant sur les eaux bleues ou se disputant à grands cris stridents quelques déchets comestibles abandonnés sur les quais à leur intention jusqu’au passage d’un enfant interrompant momentanément leurs querelles.




Même les cargos et tankers se sont faits rares ce dimanche. Prudence était de mise pour éviter de subir les imprévisibles changements de courants que ce lodos, moins inoffensif qu’il ne parait, peut déclencher sans avertissement, provoquant parfois de catastrophiques naufrages.
On l’accuse aussi de rendre fou. Certains y sont sensibles et constatent des insomnies, des sensations de tête lourde. La circulation des « vapur », transportant inlassablement les passagers d’une rive à l’autre, fut très perturbée en soirée. De quoi rendre irritable ou migraineux ceux qui ont dû chercher un autre moyen de transport pour rentrer chez eux…

dimanche 3 février 2013

« Un an en Turquie » almanach 2012


Grâce au petitjournal.com, quotidien en ligne des Français et francophones à l’étranger, la communauté francophone d’Istanbul et de Turquie peut accéder gratuitement à l’information locale et mondiale en un simple clic depuis 2009.
Jeudi dernier, lepetitjournal.com d’Istanbul a fêté la parution de son premier almanach imprimé « Un an en Turquie » dans les salons du Palais de France. 


Le livre souvenir à conserver, qui réunit une sélection d’articles couvrant les grands faits et moments forts de l’année 2012 en Turquie, en France et dans le monde, a été distribué gracieusement aux personnes qui se sont déplacées pour apporter leur soutien à l’équipe.


M. Le Consul Hervé Magro et son épouse, le fondateur Hervé Heyraud, l’équipe locale Meriem Draman Ben Mami et Anne Andlauer ont accueilli les lecteurs, les annonceurs et tous ceux qui ont contribué à en alimenter les pages.


Souvenez-vous, Brigitte di Benedetto, alors responsable de l'édition, avait réuni les blogueurs stambouliotes en février 2011 . En 2012 Meriem a sollicité leur participation et publie quelques uns de leurs articles dans une rubrique qui leur est réservée « de blog à blog ».  Pour ma part, j’en ai deux à mon actif, une petite goutte dans la mer : Le Musée de la Banque Ottomane et Un bout de chemin avec La Passerelle franco-turque

lundi 28 janvier 2013

Hommage à Burhan Doğançay


Ayant découvert par hasard, en 2007, le musée privé Burhan Doğançay situé à Beyoğlu à proximité du « Tarlabaşı bulvarı », j’en avais fait un reportage publié dans le journal de La Passerelle No. 46 (Janvier - Février - Mars 2008) et proposé une visite pour les membres de l’association.


Extrait du reportage :
Si vous connaissez sans doute la renommée du peintre, saviez-vous qu’un musée privé présente quelques unes de ces œuvres en exposition permanente? En effet, après un séjour prolongé en France pour ses études et aux États-Unis pour raisons professionnelles d’abord, puis par choix personnel ensuite, Burhan Doğançay a voulu offrir à sa ville natale et à ses habitants, le fruit de ces longues années de créations artistiques. L’entrée du musée est gratuite !
Une exposition que lui a consacrée en novembre 2005 l’Institut français d’Istanbul, présentait neuf tapisseries d’Aubusson reproduisant les célèbres motifs de rubans colorés dessinés par le peintre. Vous pouvez justement en admirer l’une d’elles à l’entrée du musée. 
Pour voir les autres œuvres de  Burhan Doğançay, une rétrospective chronologique de 1940 à 1990, vous n’avez qu’à suivre l’aimable gardien, qui se fera un plaisir de vous guider dans les 3 étages de l’ancienne demeure restaurée qui abrite le musée depuis novembre 2004.
Plus de 150 œuvres, du figuratif des premières années, aux murs des villes où se lisent les témoignages des événements politiques, sociaux et économiques, ou simplement les traces du temps qui passe… jusqu’aux étonnants rubans multicolores jaillissant d’une fissure d’un plan coloré par ailleurs parfaitement lisse.
Né en 1929, il s’est assis dans la salle de « La Grande Chaumière » pour y pratiquer son art, comme les plus grands maîtres qui l’ont précédé en ce lieu mythique de Montparnasse, tout en préparant un doctorat d’économie.
Les murs de New York lui ont inspiré toute une série de tableaux qui ont trouvé leur place au musée Guggenheim. Il a voyagé dans 114 pays pour y photographier « les murs du monde » avant de réaliser en 1982 une exposition remarquée : « Les murs murmurent, ils crient, ils chantent » au Centre Georges Pompidou…


Visite réalisée au printemps 2008, le peintre et son épouse nous avaient fait l’honneur de nous y accueillir personnellement  et de l'enrichir de commentaires.
Quelques lignes sur cette matinée privilégiée et des photos en témoignent dans les pages du No 48 Juillet, Août, Septembre 2008, reproduites ici :

La visite commence par le troisième étage avec les toiles et aquarelles du père de l’artiste : Adil Doğançay et de quelques peintures figuratives de son fils dans les premières années. Puis on redescend les étages pour découvrir les différentes périodes créatives de Burhan Doğançay.  
Il se présente lui-même comme un pêcheur toujours en quête du gros poisson qu’il pourra prendre dans ses filets pour le cuisiner à sa façon et le restituer sur ses toiles. Attentif à ce qui l’entoure, il a pris le temps de s’arrêter, de photographier ce que les autres regardent sans voir.
Nous voyons un objet… lui s’attarde sur l’ombre de l’objet et la peint… elle devient plus présente que l’objet lui-même. Le pinceau de l’artiste exprime sa volonté de retenir le fugitif, les choses éphémères comme ces murs couverts de graffitis, d’affiches déchirées, qui seront nettoyés pour offrir leurs surfaces à d’autres témoignages que nous aurons à cœur de ne pas ignorer désormais…




La conversation en toute simplicité sur ses voyages, ses rencontres et ses projets, sur nos histoires et notre présence durable à Istanbul, s’était déroulée en français autour d’un thé et brioche offerts par nos hôtes, Angela et Burhan Doğançay. Ils nous avaient invités à revenir investir les lieux autant de fois que nous le souhaiterions. Ce que nous avons fait avec grand plaisir en y organisant quelques permanences de La Passerelle.


La disparition le 16 janvier de cet artiste que nous avions eu l’occasion de rencontrer est auréolée de tristesse.
En souvenir de ces instants partagés avec un homme généreux qui souhaitait avant tout que son musée soit un lieu convivial d’échanges, nous adressons au nom de l’association un hommage ému à sa mémoire et nos sincères condoléances à ses amis et sa famille.

Adresse : Musée & Café Delight, Balo Sokak No 42, 34335 Beyoğlu İstanbul. Ouvert du mardi au dimanche de 11h à 18h. Fermé le lundi 

jeudi 24 janvier 2013

Incendie à Galatasaray


Avant-hier soir, le feu a ravagé, sans faire de victime, la toiture et le dernier étage d’un bâtiment historique de l’actuelle Université de Galatasaray à Ortaköy sur la rive européenne du Bosphore, symbole avec le lycée de Galatasaray à Beyoğlu de l’enseignement laïque francophone à Istanbul.


Les anciens diplômés du Lycée sont particulièrement attachés à cette bâtisse qui abritait dans les années 1960 leur école primaire où la plupart étaient internes. C’est dans ces lieux qu’une bonne partie de leur enfance s’est déroulée. Les souvenirs de cette période sont encore des sujets de prédilection quand ils se rencontrent, et les occasions ne manquent pas.

Ils ont assisté incrédules et impuissants à la destruction de leur ancien dortoir, de leurs salles de classes, ne quittant plus des yeux le journal télévisé le soir du 22 janvier qui diffusait en boucle les images des flammes attisées par de violentes bourrasques.

Photo internet: incendie maîtrisé après plusieurs heures de lutte
Ne doutons pas que tristesse et accablement vont très vite laisser la place à une mobilisation générale dans les rangs des anciens élèves, étudiants et professeurs pour élucider les causes de la catastrophe et trouver les moyens d’activer la restauration du bâtiment sinistré.

vendredi 18 janvier 2013

La Dame à La Licorne et le Prince Ottoman


Certaines œuvres attisent l’imagination qui échafaude les hypothèses les plus romanesques sur leur origine pour les auréoler de mystère. Exubérance du décor mille fleurs et d’un bestiaire surprenant, splendeur des vêtements, élégance des personnages, présence d’une licorne, animal fabuleux, ont concouru à l’irrésistible attrait provoqué par celle-ci, emblématique de l’art à la fin du Moyen-âge. 
La thèse retenue aujourd’hui n’a rien d’énigmatique malgré quelques incertitudes. Des études très sérieuses ont permis de retracer l’histoire de cet ensemble de tapisseries médiévales, attribuant à une famille lyonnaise, identifiée par les blasons, et plus particulièrement à Jean IV Le Viste, haut personnage de l’Etat sous Charles VIII, la commande exécutée vers 1480 probablement en Flandre d’après les dessins et cartons réalisés peut-être à Paris.
L’iconographie a fait l’objet de nombreuses interprétations mais, conventionnellement, la représentation allégorique des cinq sens (Le Goût, L’Ouïe, La Vue, L’Odorat, Le Toucher) a été retenue pour désigner les pièces. La sixième, nommée « A mon seul désir » d’après la devise inscrite au fronton du pavillon, est considérée comme une représentation d’un sixième sens, l’intelligence, le cœur ou la volonté permettant de ne pas succomber à l’attraction des autres. 

La vue : la dame tend un miroir à la licorne

Le goût : la dame prend une dragée pour l'offrir à un perroquet 

L'odorat : un singe respire le parfum d'une fleur pendant que la dame tresse une couronne 

L'ouïe : la dame joue de l'orgue 

A mon seul désir

George Sand vit en 1841 ces tapisseries au château de Boussac où elles étaient arrivées au 17e siècle après de successifs héritages, entreposées en très mauvais état et alors propriété de la commune. Elles furent rachetées par la Commission des Monuments Historiques qui confia les négociations au conservateur du musée de Cluny, Edmond du Sommerard, puis transférées à Paris en 1882 et restaurées aux Gobelins. Alors que la femme de lettres mentionne huit panneaux dans son livre "Jeanne", six sont effectivement arrivées à Paris. La série serait-elle incomplète ? Que pouvaient bien représenter les deux autres ?

George Sand fut évidemment conquise par la légende qui circulait à propos de la tapisserie, à une époque où la peinture et la littérature subissaient l’influence de l’orientalisme.
Elle précisait aussi dans son "Journal d'un voyageur pendant la guerre de 1870" que pour trois d’entre eux « La tradition prétend qu'ils ont décoré la tour de Bourganeuf durant la captivité de Zizime ».
En effet, une abondante littérature régionale véhiculait des récits dans lesquelles la fameuse tapisserie était associée à un évènement contemporain à sa réalisation et géographiquement assez compatible. Le département de La Creuse dans le Limousin fut le théâtre des tourments d’un prince turc.
A la mort de Mehmet II (Le Conquérant), ses deux fils se disputèrent sa succession. Cem (Djem ou Zizim en occident) fut vaincu par son aîné Beyazit et acculé à demander asile aux Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem sur l’île de Rhodes en 1482. Pierre d’Aubusson, grand maître de l’Ordre le fera partir en France en 1484 sous la protection ou plutôt la garde du commandeur Guy de Blanchefort, son neveu, qui fera construire la tour Zizim à Bourganeuf non loin d’Aubusson pour recevoir l’illustre otage. Il y restera en captivité de 1486 à 1488, après avoir été hébergé dans d’autres demeures du Dauphiné et du Limousin, et avant de partir en Italie où il mourra empoisonné à Naples le 24 février 1495.
Le destin tragique de ce prince ottoman enflamma les imaginations fertiles et on lui attribua des histoires galantes avec plusieurs dames durant son périple, dont Philippine de Sassenage dans le Dauphiné et Marie de Blanchefort, nièce de Pierre d’Aubusson, en Limousin. Cette dernière lui aurait inspiré la conception des esquisses de La Dame à La Licorne qui aurait été réalisée par des liciers d’Aubusson. Thèse étayée par des éléments du décor, tente, étendard aux trois croissants de lune, bassin en vue de son baptême et sa conversion au catholicisme par amour pour la belle… qui ne pouvait être que la hiératique dame de la tapisserie.  D’autres versions lui attribuent même le tissage des tentures, aidé de sa suite, pour tromper un mortel ennui ou noyer le chagrin d’un amour sans espoir. Enfin comme le rapporte George Sand, quelques panneaux auraient orné sa geôle…
Il est bien tentant de prêter une oreille complaisante à ces fabuleuses histoires qui nous plongent dans l’atmosphère fantastique du roman courtois épicée aux parfums de l'Orient des Mille et Une Nuits. 




Quels qu’en soient le commanditaire, le dessinateur inspiré, l’habile artisan, les significations cachées ou les personnages qui l’ont contemplé avant nous , La Dame à la Licorne reçoit les visiteurs dans un lieu propice à l’émerveillement, une salle ronde baignée de lumières tamisées de l'Hôtel de Cluny, résidence parisienne des abbés du monastère bourguignon, construit au milieu du 15e siècle dans le style gothique flamboyant, aujourd’hui Musée National du Moyen Âge.

mardi 15 janvier 2013

Aquarelles "Histoires d'eau"


En 2008 j’étais au rendez-vous parisien mais cette année, je serai repartie à Istanbul.


Cengiz Çapanoğlu exposera, (avec Nicole Charton), d’autres images colorées captant les lumières entre France et Turquie, du 4 au 15 février 2013 au Centre d’Animation Maurice Ravel, 6 avenue Maurice Ravel, 75012 Paris.
Ne manquez pas d’aller admirer à ma place ces nouvelles impressions de voyage tout en délicatesse et retrouver l’émotion de la découverte.