En même temps que quelques autres herbes variées non
cultivées comme la mauve (ebegümeci),
l’ortie (ısırgan otu), la chicorée
sauvage (hindibağ), le pissenlit (karahindiba ou radika), l’oseille-épinard (labada),
le surgeon de choux (cibez) etc…, des
pousses d’asphodèles (variété des montagnes), çiriş otu en turc, font
depuis plusieurs années la curiosité des marchés au mois d’avril.
Ses feuilles tendres sortent du sol dès la fonte des
neiges sur les versants ensoleillés des montagnes de l’est de la Turquie. Elles sont
traditionnellement récoltées par les villageois pour leur consommation
personnelle. C’est devenu une activité saisonnière, qui leur apporte un petit
revenu parfois vital, depuis qu’une grande partie de la récolte est expédiée
vers les grandes villes.
J’espère simplement que quelques pieds échapperont à leur
vigilance pour arriver à dresser dans les prochains mois leurs superbes fleurs blanches
et que cette espèce botanique sera suffisamment protégée pour ne pas devenir
endémique comme c’est le cas d’une variété d’orchidée dont on extrait le sahlep.
Je ne sais pas si celle-ci appartient à une variété comestible
d’asphodèles mais sa hampe florale épanouie, photographiée sur une des îles aux
princes, prouve qu’il est déjà bien trop tard pour manger ses feuilles devenues
coriaces.
A propos de la fleur, laissons les envolées poétiques à Homère,
André Chénier ou Victor Hugo, et les vénérations aux Grecs et aux Romains qui y
voyaient le symbole de la résurrection.
Par contre, ne faisons pas attendre les pousses qu’un
vendeur vient de me convaincre d’acheter, vantant habilement le goût subtil et
les vertus médicinales de sa marchandise.
Ces petits poireaux des montagnes (dağ pırasası) comme on les appelle parfois vont aller rejoindre la
casserole.
Léger réconfort pour la conscience, ils ont été coupés et
non arrachés. On peut espérer que leur racine bulbeuse soit restée en terre…
bien qu’elle serve parait-il encore à fabriquer une sorte de colle utilisée pour la
reliure et la maroquinerie.
L’épluchage est rapide, il suffit d’enlever l’enveloppe transparente
à la base et les feuilles se séparent. Il est conseillé de bien les laver dans
plusieurs eaux. On les accommode comme les poireaux ou les épinards. On peut
les consommer froid ou chaud, en meze
(entrée), en légume, en soupe, en salade, dans les gözleme (sorte de crêpes).
Cette plante entre aussi dans la composition de certains
fromages régionaux aux herbes (çiriş otlu
peynir).
J’ai préparé les feuilles d’asphodèles épluchées, lavées,
coupées en tronçon de 3 cm environ en les faisant revenir dans une cuillère à
soupe d’huile d’olive avec un oignon et deux gousses d’ail émincés. J’ai salé,
poivré, puis couvert et laissé mijoter 15 mn à feu doux, pour les servir en meze froid.
La prochaine fois j’ajouterai à la préparation, pendant la cuisson, deux
cuillères de bulgur et une tomate
concassée pour les déguster chaud.
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