mardi 18 février 2014

L'immeuble Doğan

En contrebas et parallèle à l’avenue Istiklâl, dans la rue Serdar-ı Ekrem, à proximité de Tünel et de la tour de Galata, l’immeuble Doğan ne se visite plus aujourd’hui. Habité par des célébrités médiatiques du cinéma, de la télévision ou de la chanson, (Şener Şen, Okan Bayülgen, Sezen Aksu, Tarkan…) son accès est strictement limité aux personnes autorisées et sous contrôle d’agents de sécurité et caméras de surveillance.


On aperçoit par la porte vitrée la cour intérieure aménagée en jardin et réalisée sous la direction de Victoria Short, épouse du Consul Général britannique Roger Short qui a été tué lors de l’attentat perpétré par Al-Qaïda en 2003.


Dans les années 90, l’ensemble architectural d’inspiration italienne en forme de U ouvert sur le paysage incomparable de la pointe du Sérail et la mer de Marmara, faisait l’objet des curiosités touristiques après que le groupe de chanteurs MFÖ y ait tourné le clip de "Deli Deli Kulakları Küpeli" en 1983 et que le réalisateur Yavuz Turğul l’ait choisi pour cadre de ses films "Muhsin Bey" en 1987 et "Eşkıya" (Bandit) en 1996.
Je me souviens d’avoir même visité l’un de ces appartements abandonnés dans une décrépitude aussi fascinante qu’affligeante …

Pera est jalonné des prestigieux vestiges de son passé… Ambassades, palais, hôtels particuliers et palaces luxueux construits pour les premiers touristes de la fin du 19e siècle. Si l’attribution perdure pour quelques uns, la plupart ont été reconvertis après restauration.

Sur l’avenue Istiklâl, l’immeuble Mısır construit en 1905 était la résidence privée d’un pacha d’une province égyptienne de l’empire ottoman. Les étages ont été vendus séparément par les héritiers et sont occupés aujourd’hui principalement par des galeries d’art, des cours privés, des bureaux 
et un célèbre restaurant bar au dernier étage au nom évocateur «360 Istanbul ». 


A Tepebaşı, hôtel particulier de Joseph Baudouy, entrepreneur français ayant obtenu le monopole de la construction des phares et balises sous l’empire ottoman (construction 1880).
Acheté et restauré de 1986 à 1992 par TÜSİAD. 

A Tepebaşı, le Grand Hôtel de Londres construit en 1881 et restauré partiellement en 2005 est encore en activité. Il offre, tout comme son illustre voisin le Péra Palace (ci-dessous), des chambres avec vue imprenable sur la Corne d'Or.


De nombreux immeubles plus modestes inscrivent leur histoire au plus près de celle du quartier, mais le « Doğan apartmanı » par sa taille imposante témoigne plus que tout autre des fluctuations socio-culturelles et des bouleversements démographiques qu’il a connus depuis la fin du 19e siècle. Des décennies de prestige, suivies d’une éclipse puis d’une récente gentrification. 


La construction de cet immeuble de rapport date de 1894. Il a été érigé pour un banquier belge et porta son nom, Helbig, jusqu’en 1919. A destination locative, ses six étages étaient habités par des Européens de passage et des riches familles levantines, grecques ou juives.
Fortement incités à quitter les lieux par l’application de taxations exorbitantes, les propriétaires étrangers sont alors contraints de vendre leurs biens immobiliers. L’immeuble est acheté aux enchères par un ressortissant ottoman Mair de Botton et revendu en 1929 à la compagnie d’assurance Victoria. Il prend successivement le nom de ses propriétaires, Botton Han et Victoria Han.
En 1942 le fondateur de la banque Yapi Kredi, Kazım Taşkent, devient propriétaire de la bâtisse et lui donne le nom de « Doğan » en mémoire de son fils mort accidentellement sous une avalanche dans les Alpes. En 1948 les 50 appartements rénovés et desservis par des ascenseurs sont vendus séparément.
Des familles aisées d’intellectuels et hauts fonctionnaires de la jeune république s’y installent. Ecrivains, peintres, magistrats s’y côtoient tandis qu’au fil des ans les occupants s’en vont ailleurs dans des nouveaux quartiers plus aérés. A partir des années 60, les appartements sont loués à des familles issues de l’exode rural anatolien ou à des étudiants. Les façades se dégradent et faute de moyens pour les entretenir les intérieurs se délabrent.
Les préoccupations patrimoniales du début du 21e siècle ont provoqué un regain d’intérêt pour cet immeuble remarquable dont les murs abritent le souvenir des épisodes d’une histoire urbaine mouvementée.




4 commentaires:

  1. Lorsque je suis arrivée à Istanbul, l'immeuble Dogan, en dépit de la célébrité de son nom, était si vétuste que seules quelques vieilles personnes "n'ayant pas les moyens" l'habitaient encore... Je me souviens d'une dame qui, pour me faire comprendre ses difficultés matérielles, m'avait dit " je vis dans l'immeuble Dogan"...

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  2. Incroyable !! Mair de Botton était mon arrière-grand-père et ma grand-mère a grandi dans cet immeuble, ils étaient 14 frères et sœurs... Je vais à Istanbul pour la première fois dans quelques semaines et suis très heureuse d'être tombée sur votre page ! Il se visite cet immeuble Dogan ?

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    1. Bonjour, je suppose que Mair de Botton était également mon arrière grand-père. Pourriez-vous me contacter ? Je suis en quête d'informations sur cette famille.

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  3. En principe, l'immeuble ne se visite pas. Une piste cependant... Vous pouvez essayer de contacter sur Facebook ou Twitter l'un de ses résidents, Mr Okan Bayülgen, personnalité médiatique francophone, qui sera peut être intéressé de rencontrer une descendante de Mair de Botton. Dans le meilleur des cas vous aurez droit à une visite guidée ou au moins une autorisation de pénétrer dans la cour et les étages. Sinon sur place, vous pourrez toujours essayer d'expliquer votre démarche au gardien qui se laissera peut être convaincre. En tout cas, bon séjour à Istanbul!

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