En contrebas et
parallèle à l’avenue Istiklâl, dans la rue Serdar-ı Ekrem, à proximité de Tünel
et de la tour de Galata, l’immeuble Doğan ne se visite plus aujourd’hui. Habité
par des célébrités médiatiques du cinéma, de la télévision ou de la chanson, (Şener
Şen, Okan Bayülgen, Sezen Aksu, Tarkan…) son accès est strictement limité aux
personnes autorisées et sous contrôle d’agents de sécurité et caméras de
surveillance.
On aperçoit par
la porte vitrée la cour intérieure aménagée en jardin et réalisée sous la
direction de Victoria Short, épouse du Consul Général britannique Roger Short qui
a été tué lors de l’attentat perpétré par Al-Qaïda en 2003.
Dans les années
90, l’ensemble architectural d’inspiration italienne en forme de U ouvert sur
le paysage incomparable de la pointe du Sérail et la mer de Marmara, faisait
l’objet des curiosités touristiques après que le groupe de chanteurs MFÖ y ait
tourné le clip de "Deli Deli Kulakları Küpeli" en 1983 et que le
réalisateur Yavuz Turğul l’ait choisi pour cadre de ses films "Muhsin
Bey" en 1987 et "Eşkıya" (Bandit) en 1996.
Je me souviens
d’avoir même visité l’un de ces appartements abandonnés dans une décrépitude
aussi fascinante qu’affligeante …
Pera est jalonné
des prestigieux vestiges de son passé… Ambassades, palais, hôtels particuliers et palaces luxueux construits pour les premiers touristes de la fin du 19e siècle. Si l’attribution perdure pour quelques uns, la plupart ont été
reconvertis après restauration.
De nombreux
immeubles plus modestes inscrivent leur histoire au plus près de celle du
quartier, mais le « Doğan apartmanı » par sa taille imposante témoigne
plus que tout autre des fluctuations socio-culturelles et des bouleversements
démographiques qu’il a connus depuis la fin du 19e siècle. Des
décennies de prestige, suivies d’une éclipse puis d’une récente gentrification.
La construction de cet immeuble de rapport date de 1894. Il a été érigé pour un banquier belge et porta son nom, Helbig, jusqu’en
Fortement incités
à quitter les lieux par l’application de taxations exorbitantes, les propriétaires
étrangers sont alors contraints de vendre leurs biens immobiliers. L’immeuble
est acheté aux enchères par un ressortissant ottoman Mair de Botton et revendu
en 1929 à la compagnie d’assurance Victoria. Il prend successivement le nom de
ses propriétaires, Botton Han et Victoria Han.
En 1942 le
fondateur de la banque Yapi Kredi, Kazım Taşkent, devient propriétaire de la bâtisse
et lui donne le nom de « Doğan » en mémoire de son fils mort
accidentellement sous une avalanche dans les Alpes. En 1948 les 50 appartements
rénovés et desservis par des ascenseurs sont vendus séparément.
Des familles
aisées d’intellectuels et hauts fonctionnaires de la jeune république s’y
installent. Ecrivains, peintres, magistrats s’y côtoient tandis qu’au fil des
ans les occupants s’en vont ailleurs dans des nouveaux quartiers plus aérés. A
partir des années 60, les appartements sont loués à des familles issues de l’exode
rural anatolien ou à des étudiants. Les façades se dégradent et faute de moyens
pour les entretenir les intérieurs se délabrent.
Les
préoccupations patrimoniales du début du 21e siècle ont provoqué un regain d’intérêt pour cet immeuble remarquable dont les murs abritent le
souvenir des épisodes d’une histoire urbaine mouvementée.
Lorsque je suis arrivée à Istanbul, l'immeuble Dogan, en dépit de la célébrité de son nom, était si vétuste que seules quelques vieilles personnes "n'ayant pas les moyens" l'habitaient encore... Je me souviens d'une dame qui, pour me faire comprendre ses difficultés matérielles, m'avait dit " je vis dans l'immeuble Dogan"...
RépondreSupprimerIncroyable !! Mair de Botton était mon arrière-grand-père et ma grand-mère a grandi dans cet immeuble, ils étaient 14 frères et sœurs... Je vais à Istanbul pour la première fois dans quelques semaines et suis très heureuse d'être tombée sur votre page ! Il se visite cet immeuble Dogan ?
RépondreSupprimerBonjour, je suppose que Mair de Botton était également mon arrière grand-père. Pourriez-vous me contacter ? Je suis en quête d'informations sur cette famille.
SupprimerEn principe, l'immeuble ne se visite pas. Une piste cependant... Vous pouvez essayer de contacter sur Facebook ou Twitter l'un de ses résidents, Mr Okan Bayülgen, personnalité médiatique francophone, qui sera peut être intéressé de rencontrer une descendante de Mair de Botton. Dans le meilleur des cas vous aurez droit à une visite guidée ou au moins une autorisation de pénétrer dans la cour et les étages. Sinon sur place, vous pourrez toujours essayer d'expliquer votre démarche au gardien qui se laissera peut être convaincre. En tout cas, bon séjour à Istanbul!
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