Jusqu’à ces dernières années la grande avenue (Meclis-i Mebusan Caddesi) n’était pas destinée à la promenade malgré la proximité
des quais. Comme je l’ai dit, on y passait sans s’attarder sauf pour dénicher
des fripes dans les échoppes de l’Amerikan
Pazarı où étaient vendus des vêtements dégriffés, mais il faut quand même ajouter
que les lieux étaient bien connus des couche-tard et des amateurs de narguilé.
Les bars où l’on s’attarde pour d’interminables parties de tavla (backgammon) ont évincé peu à peu les autres commerces.
Le
tourisme culturel est venu se greffer sur cette traditionnelle activité, surtout
nocturne, dont ont témoigné des écrivains turcs (de Yaşar Kemal à Fatih
Özgüven…).
Les
bâtisses historiques sortent de l’indifférence depuis que des travaux d’envergure
ont été entrepris. La restauration de la superbe fontaine de Tophane construite
en 1732 sur l’ordre de Mahmut I, fut réalisée en 2006 avec le soutien financier
de Saka su (groupe Sabancı).
Puis
vint récemment le tour du complexe de la mosquée Kılıç Ali Paşa, construit vers 1580 pour un amiral de la
flotte ottomane d’origine calabraise. Demandant au sultan Murat III un lieu
pour réaliser son projet, on lui répondit « sur la mer ». Le défit
fut relevé par le célèbre architecte Sinan après des travaux de remblaiement.
De chaque coté de l’entrée principale de la mosquée, obstruée par le lourd
rideau de cuir, deux petites colonnes mobiles de marbre rose attestent que la
construction n’a pas glissé d’un iota.
Avec
un peu de chance vous aurez droit à une visite guidée par le gardien, qui se
fera un plaisir de les faire tourner sur leur axe, illuminera l’intérieur d’un
coup de pouce sur sa télécommande, soulèvera un bord de l’épais tapis pour vous
montrer le système de chauffage au sol installé dans la partie réservée aux
femmes âgées ou handicapées, vous fera grimper à l’étage pour avoir une vue
d’ensemble, attirera votre attention sur la coupole soutenue par « quatre
pieds d’éléphant », sur les vitraux, les calligraphies, le fauteuil
marqueté de nacre utilisé par l’imam les jours de fête religieuse. Il vous
invitera à approcher du mihrab encadré de deux immenses cierges et décoré de
carreaux d’Iznik, pointant du doigt au passage les faïences blanches,
témoignage d’un acte de vandalisme qui nous offusque tout autant que lui.
Il
vous montrera aussi par une fenêtre, l’élégant türbe où repose Kılıç Ali Paşa, entouré des tombes de ses proches, mais il passera sous silence la petite histoire qui raconte que le vieillard
s’est éteint à 90 ans dans les bras d’une concubine.
Il
vous dira par contre que la mosquée restaurée n’a pas encore été officiellement
inaugurée mais qu’elle le sera prochainement et que le hammam, encore en rénovation, reprendra ses fonctions avant l’été.
Au
bout de la ruelle, la medrese tapissée
de mousses et autres verdures, attend sans impatience son lifting programmé. Le
gardien s’attendrit sur des souvenirs d’enfance, il a été vacciné tout petit
dans ces lieux. Quand on voit la maquette du complexe, bien léchée, exposée
dans la cour de la mosquée, avec lui on peut craindre que l’ancienne école
perde beaucoup de son charme mais à l’évidence elle a bien besoin qu’on la
sauve des outrages du temps et des bricoleurs peu scrupuleux.
A Tophane
la cohabitation des arts modernes et classiques semble être une réussite. Les
habitants de ce quartier traditionnellement populaire, ne voient cependant pas
sans inquiétude la transformation très rapide qui s’effectue sous leurs yeux,
l’arrivée de nouveaux occupants attirés par cette valorisation culturelle et la
frénésie de transactions immobilières qui en découle.
Il
reste à espérer que dans l’euphorie du moment on ne sacrifie pas la possibilité
d’une cohabitation harmonieuse des populations.
bonjour, je cherche à vous envoyer un email, mais je ne trouve ppas votre adresse sur votre blog. Pouvez vous me l'envoyer à cette adresse : meriem.draman@lepetitjournal.com
RépondreSupprimermerci