lundi 17 juin 2024

La Sainte-Chapelle, une histoire entre Byzance et Paris

Édifiée de 1241 à 1248 à la demande du roi de France capétien Louis IX (1214 – 1270), dit Saint Louis, la Sainte-Chapelle est une merveille de style gothique rayonnant dont le maître d’œuvre serait un certain Pierre de Montreuil qui réalisa cet exploit en un temps record.
noter que la construction est contemporaine de celle de la cathédrale Notre-Dame de Paris qui débuta en 1143 mais ne fut achevée que deux siècles plus tard. 
Contrairement à la Sainte-Chapelle du château de Vincennes commanditée plus tard par Charles V, celle-ci imbriquée au plus près du Palais, ne laisse pas beaucoup de recul pour appréhender facilement sa silhouette et son architecture extérieure. 



En plein cœur du palais de l’Ile de la Cité, la Sainte-Chapelle est destinée à recevoir les reliques de la passion du Christ, dont la couronne d’épines, que le roi vient d’acquérir de son cousin l’empereur Baudouin II de Constantinople pour la somme de 135 000 livres, la moitié des revenus annuels du royaume !
Des récits légendaires d'identification d'objets bibliques font état de l'existence de la sainte couronne à Jérusalem à partir de la deuxième moitié du 4e siècle.
Mais, par crainte d’une invasion des Perses puis des Arabes, la plupart des reliques sont transférées de Jérusalem à Constantinople, capitale de l’Empire romain d’Orient. Elles enrichissent le trésor des empereurs byzantins. La date exacte du transfert de cette couronne d’épines est inconnue, mais en 614, lorsque Jérusalem est conquise par les Perses, elle n’y est déjà plus. Elle est pieusement conservée et vénérée probablement dans la basilique Sainte Sophie.
Des épines auraient été dispersées au cours des siècles mais un fragment de la couronne, nommément désigné, est enfermé dans un reliquaire d’or émaillé dédicacé au nom de l’« empereur Constantin VII Porphyrogénète, monté en 913 sur le trône ».
Avec d’autres reliques de la Passion, la sainte croix, la sainte lance, la sainte éponge… elle fut transférée au Grand Palais de Constantinople dans l’une des trente églises et chapelles palatines. Notre-Dame du Phare, principale chapelle des empereurs byzantins, fut surnommée « Sainte-Chapelle » par les chroniqueurs occidentaux de l’époque, impressionnés par un décor somptueux de marbres précieux, de colonnes rehaussées d’or et d’argent, d’un sol tapissé de mosaïques, de délicates icônes, écrin époustouflant pour les trésors sacrés qu’elle recelait. C’est la désignation et le concept de monumental reliquaire que retiendra Louis IX pour l’édification de la chapelle de son palais.
Entre temps eut lieu le dévastateur sac de Constantinople en 1204 par la quatrième croisade et les Vénitiens. Les croisés fondent l'Empire latin d'Orient qui perdure jusqu'en 1261. L’empire byzantin s’effrite et se morcelle pour tenter de survivre en constituant le despotat d'Épire sur le rivage de la mer Adriatique, et en Asie Mineure l'Empire de Nicée  dirigé par les Lascaris et l'Empire de Trébizonde par les Comnènes.
La chapelle byzantine fut complètement détruite mais la collection de ses reliques demeura pratiquement intacte et fut vendue par l’empereur latin Baudouin II (règne de 1228 à 1261) au roi Louis IX (règne de 1226-1270) pour la somme astronomique mentionnée plus haut. Acquisition qui révèle à toute la chrétienté la piété du roi de France et accroit le prestige de son royaume.
Les reliques furent donc transportées à Paris pour être placées dans une interprétation gothique de Notre-Dame du Phare. L’éblouissante Sainte-Chapelle disparue de Constantinople, joyau de l’art byzantin renait alors dans une profusion de sculptures, de décors polychromes et de spectaculaires vitraux magnifiant les savoir-faire de l’art gothique occidental. Deux facettes de l’art médiéval à chacune des extrémités de l’Europe.


La chapelle basse par laquelle on entame la visite présente une architecture robuste et puissante pour servir de support à la chapelle haute mais ne manque pas d’élégance avec ses 140 chapiteaux représentatifs des nuances de la flore gothique, ainsi que ses harmonieux arcs-boutants intérieurs qui permettent de contenir la poussée des voûtes tapissées de fleurs de lys.


Au-dessus de la porte de l’ancienne sacristie, une peinture murale du 13e siècle, évoque
l'annonce faite par l'ange Gabriel à Marie de sa maternité prochaine. 


Dans le chœur se dresse la statue de Saint-Louis.
Ce niveau était dédié au culte paroissial pour le personnel du palais et les officiers.

On accède à la chapelle haute par un escalier en colimaçon à sens unique. Un autre est prévu pour la descente, mais la famille royale et ses hôtes empruntaient un accès direct depuis les appartements du Palais.


Entre les deux niveaux le contraste est saisissant. On ne peut qu’être subjugué à la vue de ce puits de lumière que forment les 15 verrières de 15m de hauteur dans la nef et 13m dans le chœur. Les 1113 vitraux racontent l’histoire du monde selon la bible jusqu’à l’arrivée des reliques à Paris. 



La rosace de 9m de diamètre surmontant le portail est datée du 15
e siècle. Elle a remplacé la composition d’origine et relate comme la précédente l’Apocalypse de saint Jean. 



Côté chœur, la tribune (reconstituée au 19
e siècle) abritait la grande châsse d’argent et de cuivre doré recueillant 22 saintes reliques, dont la couronne d'épines, avant que les métaux ne soient fondus. 
Les reliques rescapées de la fureur des révolutionnaires de 1793 furent transportées à la Bibliothèque Nationale puis dans la sacristie de Notre-Dame de Paris en 1804… jusqu'à l’incendie du 15 avril 2019. Il est prévu qu’elles y retrouvent leur place pour la réouverture de la cathédrale.
Privée de sa fonction reliquaire l’ancienne chapelle palatine ne fut plus ouverte au culte. Gravement détériorée, elle échappe de peu à la destruction en 1836. De tous les combats, Victor Hugo et d’autres intellectuels s’insurgent de cette décision qui frappe un chef d’œuvre du patrimoine architectural. Entre 1855 et 1867, des travaux de rénovation sont réalisés pour lui rendre son aspect d’origine. Elle devient un laboratoire pour la restauration des monuments historiques.



Sources

 

  

1 commentaire:

  1. Comme toujours, très intéressant et bien documenté, merci

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