vendredi 6 mai 2022

Les trésors du Pérou au Palais de Chaillot

En janvier 2018, nous avions été captivés par l’exposition temporaire "Le Pérou avant les Incas" au musée du quai Branly, mettant déjà à l’honneur les différentes cultures andines Cupisnique (1250 à 100 avant notre ère), Mochica (100 à 800), Nazca (100 à 600),  Huari (700 à 1100), Sicán/Lambayeque (750 à 1375), Chimú (1100 à 1470), Chancay (1200 à 1450), portant les germes du vaste et éblouissant empire des Incas (1438 à 1572) dont l’arrivée des conquérants espagnols provoqua le brutal effondrement.
Nous récidivons, malgré un tarif rédhibitoire de 24€, avec celle proposée à la Cité de l’Architecture et du Patrimoine, au titre alléchant « Machu Picchu et les Trésors du Pérou » pour raviver les souvenirs d’un voyage en 2011.  



La thématique est sensiblement la même pour cette nouvelle exposition.
Tandis que 300 objets en provenance du musée Huacas del Valle de Moche à Trujillo, et de différents sites archéologiques, étaient exposés au musée du Quai Branly (tarif plein:12€) avec l’aimable autorisation de Santiago Uceda Castillo (1954-2018), archéologue et directeur du musée péruvien, ceux-ci proviennent en grande majorité du musée Larco de Lima fondé en 1926 à Trujillo par l’archéologue péruvien Rafael Larco Hoyle (1901- 1966), musée déplacé à Lima en 1962 et détenant plus de 45000 pièces.
Les 192 artefacts exposés au palais de Chaillot sont donc le résultat d’une sélection drastique supervisée par le directeur du musée Larco de Lima, Andres Alvarez Calderon, petit-fils du fondateur, et visant à décrypter une histoire des cultures andines sans écriture, sur une période de 3000 ans, ayant réussi l’exploit de se développer dans l’environnement hostile du désert qui borde la Cordillère des Andes.
 

Cruche en céramique mochica (100-800) représentant la pomme de terre mythologique
 
Mode de vie, croyances, organisation sociale, politique et religieuse sont racontées par des objets de grande qualité témoignant des prouesses techniques et artistiques. Des céramiques au réalisme étonnant ou d’apparence terrifiante, des métaux précieux façonnés, des pierres colorées et des coquillages habillement taillés, des textiles remarquables, du bois sculpté, ouvrent une fenêtre sur ces civilisations disparues.

 

La culture Cuspinique (1250-100 avant notre ère) a développé les systèmes d’irrigation inventé par les premiers agriculteurs de la culture Caral (3000 à 1500 avant notre ère) ayant permis la culture du manioc, maïs, courges, patates douces et haricots.
Les chamanes entretenaient déjà une relation cosmologique avec le monde animal et végétal. Ils étaient considérés comme des médiateurs entre les êtres humains et les esprits de la nature, les divinités.
 

Un tambour en céramique à décor polychrome. Les cérémonies étaient ponctuées d'une musique rythmée et envoutante. Par le motif de masque funéraire, l’instrument est relié aux ancêtres, source de toute régénération. Culture Nazca (100-600)
 

Cruche nasca à anse étrier et décors de fleurs et colibris stylisés
 
 
 
Cruche décorée de spirales symbolisant l’eau et les cycles des saisons. Culture Mochica (100-800)


Reproduction d’une fresque murale de la Huaca de la Luna située à proximité de la ville de Trujillo, représentant Ai Apaec, figure mythologique des Mochicas.

(© Musée Larco, Lima-Pérou)


L’apparence d’Ai Apaec est présente sur de nombreux supports dont un masque funéraire en cuivre avec des crocs de félin en coquillage, et des céramiques illustrant ses combats notamment avec le crabe, non pour le tuer mais pour que le crustacé lui donne le pouvoir de ses pinces qui lui permettront de grimper sur les rochers, marcher dans le sable et suivre le Soleil dans le monde marin.
 

Ornements d’oreilles avec mosaïque de l’oiseau-guerrier, en or, turquoise, nacre et coquillage, culture Mochica
 

Cruche modelée et peinte représentant un guerrier mochica
 

Les guerriers portaient des tuniques ornées d’appliques métalliques qui brillaient et tintaient durant les combats rituels combinant performances et chorégraphies théâtrales. Les vaincus étaient sacrifiés en offrande aux divinités afin de maintenir l’ordre et le bien-être de la communauté. En échange, les dieux protégeraient les cultures des grandes sécheresses ou des pluies diluviennes.
 

Pectoral de cérémonie en or et turquoises d’un dignitaire mochica.
 


Céramique à anse étrier de la culture Mochica représentant la cérémonie du sacrifice et présentation de la coupe. Deux divinités y apparaissent, le dieu Soleil symbolisant la saison sèche et le dieu de la Voie Lactée représentant la saison des pluies. 
 



Des animaux étaient aussi rituellement sacrifiés
 

Culture Lambayeque (750-1375). Les momies étaient enterrées avec des tuniques (upkus) et des jupes tissées aux points noués de fils de coton et de fibres d’alpaga teints avec de pigments extraits de plantes et d’insectes. Ce textile, rappelant les kilims turcs, est orné d’un motif de vagues et d’un personnage portant des vêtements similaires. Les vagues étaient destinées à engloutir le personnage pour l’amener dans les profondeurs de l’océan, dans le monde des ancêtres.
 

Bol cérémoniel or et argent avec scène mythologique ciselée, culture Chimú (1100-1470).
 

Figure d’ancêtre Chimú taillée dans le bois honorant le passage des défunts vers le monde des ancêtres. Il accueille aussi les pèlerins à leur arrivée sur les lieux de célébration. Entre ses mains le keros, coupe cérémonielle en bois contenant la chicha, boisson de maïs fermenté que l’on transportait dans les urpus de céramique. 
 
 
Les parures que portaient les dirigeants, les accompagnaient dans leur sépulture, dont celle-ci, toute en or massif d’un dirigeant Chimú
 


Ou cette autre parure funéraire en argent
 

Un quipu inca en fibre animale s'inspirant des cordes à nœuds déjà utilisées par la culture Huari (500-1200) pour conserver des informations historiques et administratives, des registres comptables détaillés. Ce système ingénieux a probablement été inventé dès la culture Caral. Les Incas ont développé l’utilisation de cette technique.  
 
Une scénographie muséale spectaculaire (animations sur les murs, lumières colorées, fond sonore) est censée nous immerger dans ce monde fascinant mais la richesse et la diversité des remarquables objets archéologiques avaient-elles besoin de ces artifices ?
 

Quant au Machu Picchu, joyaux de l'art de la construction antisismique des Incas, son survol par drone projeté sur grand écran est certes impressionnant mais ne dévoile rien de plus que de belles images.
 
Aucun commentaire sur l’expérience de réalité augmentée promettant des sensations de parc d’attraction puisqu’on l’a évitée, préférant garder intact le souvenir de la lente montée du Machu Picchu Train, depuis Ollantaytambo jusqu’à Aguas Calientes qui nous avait permis de ne rien manquer de la diversité des paysages : vallées fertiles, rivière sacrée des Incas (Urubamba) qui décrit un grand arc en contrebas d’une falaise de 600 mètres, collines ornées de terrasses, forêt luxuriante, puis pentes arides conduisant vers la mystérieuse cité Inca, perchée à 2438 mètres d'altitude avec ses édifices harmonieusement intégrés à l'environnent naturel époustouflant. 
Les conquistadors espagnols ne l’ont pas trouvée. Elle est restée à l’abri des regards pendant 500 ans.

Sources:
 

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