Depuis de nombreuses années je projetais de découvrir le
jardin patiemment aménagé par le banquier philanthrope Albert Kahn (1860-1940) dans
sa propriété de Boulogne Billancourt. Un peu trop éloigné de mon quartier, la traversée
de la capitale d’est en ouest restait dissuasive. Et puis en 2016 l’ensemble, ayant
déjà le statut de musée depuis 1986, fut fermé pour restructuration et
construction d’un bâtiment d’exposition. Fin 2019, on pouvait, parait-il, de
nouveau flâner dans le jardin mais la pandémie a réduit les déplacements. C’est
donc dans sa toute nouvelle configuration inaugurée le 2 avril 2022 que l’occasion
s’est enfin présentée.
Exit l’illusion de trouver au premier coup d’œil le charme désuet d’un lieu conservant le cadre des prémices du 20e siècle ! Imaginé par l’architecte japonais Kengo Kuma, l’édifice aux lignes géométriques, résolument moderne et imposant, s’allonge comme un rempart de protection face à un contexte urbain peu esthétique.
Le
ton muséal est donné, justifiant le tarif de 8€ de l’accès dissimulé derrière
la façade, comme un passage secret vers plus de sérénité.
La visite du musée et celle du jardin sont indissociables. Le parcours de découverte des collections nous entraine à franchir le pas entre le nouveau bâtiment et les pavillons d’origine, un hôtel particulier qu'Albert Kahn acheta en 1895, et auquel il fit ajouter quelques constructions après l’acquisition de parcelles avoisinantes pour abriter ses collections et permettre la création des jardins à scènes paysagères. Ruiné par le krach boursier de 1929, ses biens furent saisis en 1933 mais il put occuper jusqu'à sa mort les lieux qui aujourd’hui conservent le souvenir du personnage et de ses réalisations, méticuleux inventaires visuels des peuples, des civilisations et des paysages.
Sa démarche pacifique, sa curiosité ne peuvent laisser insensible. Un voyage au Japon en 1896 suscita son intérêt pour la diversité des cultures, son engouement pour la découverte d’autres pays. Suite à son voyage autour du monde de 1908 à 1909, il employa entre 1909 et 1931 une douzaine d’opérateurs photographiques et cinématographiques pour constituer un fonds iconographique considérable sur une soixantaine de pays (72.000 autochromes, 4000 plaques stéréoscopiques en noir et blanc, et une centaine d’heures de films), qu’il nomma Archives de la Planète.
La salle des plaques, lieu de conservation originel des plaques autochromes des Archives de la Planète
Par la Fondation Albert Kahn, il offrit aussi des bourses de voyage à de jeunes agrégés pour leur permettre d'enrichir leurs connaissances in situ.
La visite du musée est agréablement ponctuée de pauses dans les jardins.
Le village japonais avec ses deux ponts de bois, son tertre évoquant le mont Fuji qui commence à se couvrir de la floraison des azalées, ses compositions de galets conçus par le paysagiste Fumiaki Takano, ses lanternes "Toro" en pierre de lave…
La forêt bleue et ses épicéas du Colorado
Entre collections d’images et collections végétales réunissant la diversité des peuples et des modèles horticoles, la visite peut se prolonger pendant des heures.
La conception actuelle des lieux rend cependant bien onéreuse une simple balade reposante dans la verdure et la végétation colorée pour ceux qui ont déjà parcouru précédemment les collections. On peut supposer que ce choix est destiné à en limiter une fréquentation invasive tout en rentabilisant au plus vite les investissements.
Pour une méditation zen gratuite il faudra se rendre au parc
de l'Amitié de Rueil-Malmaison ou bien au jardin japonais d'Ishikawa d’Issy-les-Moulineaux
issu d'un partenariat entre les deux villes.
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