samedi 7 février 2009

Histoire de « Takkeci Ibrahim Ağa »

A l’emplacement de la mosquée “Takkeci Ibrahim Ağa” vivait autrefois un humble artisan… Il fabriquait des calottes, des bonnets en feutre, en tissu, en fourrure, et les vendait pour assurer sa maigre subsistance et celle de sa famille.

Il implora un jour le ciel de lui apporter la richesse et tint la promesse de faire alors construire un lieu de prière dans son pauvre quartier qui n’en possédait pas.
Quelques nuits plus tard il fit un rêve. Un personnage à la barbe blanche, au visage d’une beauté lumineuse lui apparut et dit :
— Ne cherche pas la bonne fortune en ce lieu. Va plutôt à Bagdad. Sur la place de la ville, près du pont se trouve une cour. Il y pousse un dattier sur le tronc duquel grimpe une vigne. Mange des dattes et du raisin et la chance te sourira.
Il n’attacha pas d’importance à ce rêve qui se renouvela. La troisième fois il réfléchit : « Ce rêve mystérieux doit bien cacher quelque sagesse… Allons à Bagdad et voyons ce qu’il adviendra… »
Sa besace sur l’épaule, il se mit en route. Bien des lunes plus tard, il arriva à destination et trouva l’endroit tel qu’il avait été décrit en rêve, mangea des dattes et du raisin, puis terrassé par la fatigue du long voyage, s’assoupit. De nouveau l’étrange personnage lui apparut et s’adressa à lui:
— Que fais-tu là Ibrahim Ağa ?
— J’ai suivi vos instructions et j’attends que la chance me sourit !
— Que tu es naïf ! Entreprend-t-on un si long voyage simplement pour un rêve ?
— Mais je l’ai vu trois fois ce rêve !
— Et Alors ! Moi aussi j’ai rêvé trois fois que j’allais à Istanbul !
— Vraiment ? Et qu’y avait-il d’autre dans votre rêve ?
— On me disait de trouver la maison d’Ibrahim Ağa et de l’acheter car dans sa cave se trouve un trésor. Mais suis-je allé si loin pour autant ?
Ibrahim Ağa ouvrit les yeux et ne vit personne, mais se souvint d’une chose intéressante ! Un trésor dans sa cave ! Aussi vite qu’il le put, il reprit la route pour rentrer chez lui.
De retour à Istanbul, il voulut en avoir le cœur net et sans perdre un instant s’apprêtait à fouiller la cave dans ses moindres recoins. Mais au premier coup de pelle, il buta contre quelque chose de dur… Un coffre qu’il s’empressa d’ouvrir, le cœur battant : de l’or… des centaines de pièces d’or ! Il referma le coffre et s’assit dessus pour réfléchir !
Ses premières pensées ne furent pas pour la promesse à tenir mais bien pour la difficulté de garder ce secret.
« Si je déterre ce trésor, ma femme va le voir et tout le quartier sera au courant… Je serai obligé d’en distribuer une bonne partie et je ne pourrai plus tenir ma promesse. »
Il décida de mettre sa femme à l’épreuve pour être fixé sur sa discrétion.
Il se coucha et le matin au réveil, se tordit et gémit si bien que sa femme s’inquiéta. Puis il se mit à souffler de soulagement en lui montrant un œuf.
« Femme ! Voila la raison de mon malaise ! Vois cet œuf que je viens de pondre ! Mais surtout ne le dis à personne ! »
Le jour même, se rendant à la prière, des voisins bien intentionnés lui demandent des nouvelles de sa santé, d’autres veulent connaître la taille de l’œuf, bref tout le quartier commente déjà cet évènement extraordinaire…
Ibrahim Ağa n’a plus de doute. Pas question de révéler la présence du trésor à sa femme !
Et c’est en grand secret qu’il rencontre les architectes, fait construire la mosquée et utilise toutes les pièces d’or pour la réalisation de sa promesse.
En 1594, il quitta ce monde après avoir prié deux années dans la mosquée qui porte son nom.

Source: http://www.sevde.de/Islami_yasama/Zenginlik_de_Bir.htm
Traduction libre et adaptation du texte : zenginlik de bir imtihandir (la richesse aussi est une épreuve)
N.d.T. : Notre « takkeci » s’est sorti honorablement de sa mise à l’épreuve dans l’expérience de la richesse, mais le secret n’a pas été aussi bien gardé qu’il le souhaitait puisque son histoire a traversé les siècles! Et sa femme n’y est pour rien !
Moralité de l’histoire : si les femmes ne sont pas lavées de tout soupçon, il faudrait peut être aussi se méfier des architectes !
Les contes issus de l’Islam n’ont pas de connotation si exclusivement misogyne qu’on le dit !
Il existe d’ailleurs plusieurs versions de cette histoire dans lesquelles l’anecdote de l’œuf n’apparaît pas et où il n’est fait aucune allusion au souhait de garder la chose secrète… Par contre cet élément sur la propagation de la rumeur ressemble bien 
à une fable de La Fontaine: "Les femmes et le secret".

Texte et photos publiés dans le journal de « La Passerelle Info » No 48 en juillet 2008 et réactualisés ce jour.

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