mercredi 9 avril 2025

Passage de Roumélie, Rumeli Han

 Un han, architecture spécifiquement ottomane, est une structure commerciale qui remplissait multiples fonctions, dont l'hébergement de marchands de passage et le stockage de marchandises, sorte de caravansérail urbain. Ils ont à Istanbul, la particularité d’intégrer à cette architecture traditionnelle un élément emprunté de l’urbanisme parisien des 18e et 19e siècles, les passages couverts entre deux rues, voies piétonnières destinées à abriter des alignements de boutiques, préfigurant les grands magasins et les galeries commerciales contemporaines.
On n’en compte pas moins de 34 sur la rue Istiklal dans le quartier de Beyoğlu, l'une des artères les plus fréquentées d'Istanbul, dont le passage de Syrie.
Le passage Rumeli Han est situé juste à côté de la petite mosquée Ağa, au No 48 à quelques pas de la place Taksim.


Rumeli Han a été construit en 1894 pour Ragıp Pacha, chambellan du sultan Abdulhamid II, peut être par l'allemand Agust Jasmund, architecte de la gare de Sirkeci et probablement d’Anadolu Han et Afrika Han pour le même commanditaire selon le souhait de ce dernier de dédier ces bâtisses aux trois continents de l’empire. Mais d’autres sources mentionnent des architectes italiens pour ces passages. 


De style néoclassique, la bâtisse se distingue par son entrée principale au style éclectique mêlant décorations baroques et empire. 



On peut y lire « Rumeli Han » en ottoman, « Cité Roumélie » en français et « Agora Rumelias » en grec.



En sous-sol ce qui avait été identifié comme de banales caves, révéla un mystérieux tunnel découvert lors de travaux de restauration entamés en 2017, suscitant un vif intérêt. Condamné et envahi de gravats depuis longtemps, il aurait été destiné à relier les trois constructions afin de faciliter une discrète circulation des marchandises de valeur et des riches commerçants qui séjournaient en ces lieux. Bien plus tard des rumeurs ont évoqué un temps des réunions clandestines.





Une brève déambulation montre une enfilade de salles tout au long de corridors voutés évoquant un labyrinthe, mais les accès aux deux autres passages sont murés. 




La « Bohémienne » emblématique mosaïque du site de Zeugma, a été reproduite sur le mur d’un escalier à une période indéterminée.

Rumeli Han semble avoir été fréquenté principalement par des négociants en tapis et en mercerie, soieries et parures. Il abritait divers commerces tel que le célèbre restaurant Abdullah Efendi en service entre 1915 et 1960.
La pharmacie Rebul, est indissociable de l'histoire du passage. Elle fut fondée en 1895 par Jean César Reboul sous le nom de Grande Pharmacie Parisienne. Kemal Müderrisoğlu, l'un des premiers pharmaciens diplômé de la jeune République, y postula pour un stage en 1920 au cours de sa deuxième année universitaire. Plus qu’un partenariat, une relation quasi filiale s’établit et le pharmacien transmis à son employé les secrets de fabrication de son eau de Cologne à la lavande, si célèbre que plusieurs générations de promeneurs n’ont osé arpenter la rue de Pera sans s’en être abondamment aspergé. Quand le pharmacien rentra en France en 1939, son stagiaire et successeur perpétua ce légendaire parfum préféré des gentlemen de Pera, commercialisation désormais orientée vers une clientèle turque se substituant à une population de moins en moins cosmopolite mais tout aussi fidèle à cette fragrance inimitable.
L’officine historique n'a pas pu faire face au récent changement de propriétaire du bâtiment et à l'augmentation des loyers. Elle a été déplacée un peu plus loin dans la rue Meşelik sous le nom de 1895 Rebul.
La bâtisse s’apprête cependant à retrouver l’éclat de son passé.


Les huit étages du han sont en travaux mais devraient bientôt retrouver leur fonction hôtelière. Après avoir abrité dans les années 1990 des salles de théâtre et de concert, des cafés et des ateliers d'artistes, il est prévu d’en réserver une partie à divers événements culturels et artistiques.
En attendant, il est possible de visiter les lieux du sous-sol à la terrasse pour la modique somme de 100₺.



Les ascendeurs n’étant pas encore fonctionnels, il faudra grimper les marches usées pour découvrir la vue panoramique. 

Sources :

 

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