vendredi 7 février 2025

La Maison - Musée de Balzac

Le thermomètre ayant du mal à franchir la barre des 2 degrés sous le ciel de Paris, c’est le moment de se mettre à l’abri en s’invitant dans les demeures imprégnées de l’esprit créatif, du génie littéraire de leurs illustres locataires. Après celle de Victor Hugo au cœur du Marais, nous en découvrons une autre dans un tout autre environnement.


Accrochée au flanc d’un abrupt coteau du village de Passy encore situé hors Paris avant son inclusion au 16 e arrondissement en 1860, cette ancienne demeure de Balzac (1799-1850) est une dépendance d’un domaine plus vaste, dernier vestige de la folie Bertin datant du 18e siècle. L’écrivain, coutumier des déménagements pour fuir ses créanciers, y trouva refuge de 1840 à 1847 sous le pseudonyme de M. de Breugnol. Il occupa le 2e étage en partie en rez-de-jardin. Deux accès situés l’un en haut rue Raynouard et l’autre plus bas rue Berton, lui permettait de s’échapper en toute discrétion en cas de nécessité.
Une première tentative de création d’un musée est due à Louis Baudier de Royaumont qui loua cet appartement et inaugura l’ouverture au public en juillet 1910. En 1949 la maison et son jardin deviendront la propriété de Paris classée aux monuments historiques. A partir de 1960 le musée est ouvert périodiquement au public.
Les derniers aménagements des lieux pour les rendre plus accessibles aux visiteurs sont récents (2019). Le portail de la rue Raynouard est condamné et on ne descend plus l’escalier emprunté par Balzac pour accéder au jardin et à la maison. Une structure a été ajoutée sur la rue abritant billetterie, bibliothèque et  café. La visite est en principe gratuite à l’exception des périodes d’expositions temporaires indissociables des collections permanentes (ce qui est le cas en ce moment jusqu’au 30 mars 2025)



Peu de mobilier d’origine mais la mise en scène muséale évoque d’emblée les regards portés sur le romancier avec l’affichage de nombreux  commentaires de ses contemporains, parfois admirateurs, mais aussi moqueurs et pour certains peu élogieux !


Les bustes le représentant, dont celui sculpté en 1899 par Alexandre Falguière, semblent totalement insensibles à ces critiques, lui qui a inlassablement analysé et décrit les ressorts des relations sociales dans les plus de quatre-vingt-dix romans et nouvelles parus de 1829 à 1855, réunis sous le titre de La Comédie humaine et élaborés dans une construction colossale et quasi architecturale.


Honoré de Balzac dresse ainsi lui-même son portrait en quelques lignes.


La critique ne fut pas tendre non plus pour Auguste Rodin qui représenta l’écrivain en robe de chambre (sa tenue habituelle d’écriture): Le Monument à Balzac, modèle en plâtre réalisé entre 1891 et 1897. Jugée trop éloignée des canons académiques, la commande ne fut pas validée pour sa réalisation en bronze. On peut voir au musée Rodin, la statue en fonte coulée en 1935 pour les collections du musée et ici un écho des réactions très virulentes de l’époque.



Balzac a écrit quelques-uns de ses plus beaux romans assis dans ce fauteuil et sur cette table, enveloppé dans sa tenue confortable: Une ténébreuse affaire, La Rabouilleuse, Splendeurs et misères des courtisanes, La Cousine Bette, Le Cousin Pons, etc.


Tablier de cheminée et bibliothèque faisant partie du cadre du cabinet de travail.


Les personnages de La Comédie humaine





Plaques typographiques réalisées par Charles Huard (1874-1965), ayant servi à l’illustration d’une édition complète des œuvres balzaciennes.



Entre 1820 et 1850 : Adam, Daumier, Gavarni, Grandville, Monnier, Wattier etc. illustrent les propos de Balzac.


D’autres caricatures sont exposées dans le cadre de l’exposition temporaire, Illusions (conjugales) perdues, accessible à l’étage inférieur. Elle fait référence au titre Illusions perdues, l'un des plus longs romans de La Comédie humaine d'Honoré de Balzac, publié en trois volumes entre 1837 et 1843, faisant partie du vaste ensemble des Études de mœurs, dans la section Scènes de la vie de province. La préface est dédiée à Victor Hugo. Balzac se serait inspiré de lui pour le personnage de Raoul Nathan, modèle de l’écrivain mondain réussissant dans tous les genres littéraires et songeant à une carrière politique. Les deux hommes ne se fréquentaient pas vraiment mais se respectaient et se reconnaissaient mutuellement  une certaine admiration littéraire.



Les dessinateurs contemporains de Balzac ont été très inspirés par le mariage et l’ont traité le plus souvent de manière humoristique et ironique. Leurs caricatures faisant écho aux citations de l’écrivain, à sa réflexion, à son empathie pour ses personnages féminins donnent toute la mesure de l’ampleur des conséquences de ces unions arrangées par les convenances sociales et financières et des situations dramatiques qui en résultaient surtout pour les femmes. Le sujet est abordé dès ses premiers écrits : La Physiologie du mariage. Certains thèmes comme le viol conjugal, le harcèlement, les violences physiques et verbales sont regrettablement toujours d’actualité. 


Pour ces visiteurs, le temps de la réflexion serait-il venu ?



Avant de quitter les lieux, un petit tour par la cuisine n’a d’autre intérêt que d’ouvrir une minuscule fenêtre (en l’occurrence une porte de placard !) sur la vie privée de Balzac.



Le choix d’avoir ainsi relégué l’évocation de ces femmes qui ont partagé des moments intimes de sa vie, dans un endroit si symboliquement négatif est de très mauvais gout et ne correspondant en rien à la réflexion balzacienne sur la condition des femmes. Il me semble plutôt qu’il a contribué à les faire sortir du placard !


Le portrait de la mère de Balzac se retrouve lui aussi dans cette pièce étriquée. Laure Sallambier (1778-1854), fille de négociants parisiens, épouse à dix-neuf ans le quinquagénaire Bernard-François. Né de cette union mal assortie, Honoré de Balzac aura des relations difficiles avec sa mère qui n’a apparemment pas la fibre maternelle et aucune prédisposition à se laisser enfermer dans une cuisine !


Les clichés ont décidemment la vie dure ! Il est temps de prendre une grande respiration et un peu de hauteur afin de profiter de la vue.


Honoré de Balzac repose au cimetière du Père Lachaise. La sculpture en bronze est l'œuvre de David d'Angers.

Ouvert de 10h à 18h du mardi au dimanche
47, rue Raynouard, Paris 16e
Métro : La Muette (ligne 9) ; Passy (ligne 6)

Sources 

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