Le thermomètre ayant du mal à franchir la barre des 2 degrés sous le ciel de Paris, c’est le moment de se mettre à l’abri en s’invitant dans les demeures imprégnées de l’esprit
créatif, du génie littéraire de leurs illustres locataires. Après celle de Victor Hugo au cœur du Marais, nous en découvrons une autre dans un tout autre
environnement.
Accrochée au flanc d’un abrupt coteau du village de Passy
encore situé hors Paris avant son inclusion au 16 e arrondissement en
1860, cette ancienne demeure de Balzac (1799-1850) est une dépendance d’un
domaine plus vaste, dernier vestige de la folie Bertin datant du 18e
siècle. L’écrivain, coutumier des déménagements pour fuir ses créanciers, y
trouva refuge de 1840 à 1847 sous le pseudonyme de M. de Breugnol. Il occupa le
2e étage en partie en rez-de-jardin. Deux accès situés l’un en haut rue
Raynouard et l’autre plus bas rue Berton, lui permettait de s’échapper en toute
discrétion en cas de nécessité.
Une première tentative de création d’un musée est due à Louis
Baudier de Royaumont qui loua cet appartement et inaugura l’ouverture au public
en juillet 1910. En 1949 la
maison et son jardin deviendront la propriété de Paris classée aux monuments
historiques. A partir de 1960 le musée est ouvert périodiquement au public.
Les derniers aménagements des lieux pour les rendre plus
accessibles aux visiteurs sont récents (2019). Le portail de la rue Raynouard
est condamné et on ne descend plus l’escalier emprunté par Balzac pour accéder
au jardin et à la maison. Une structure a été ajoutée sur la rue abritant
billetterie, bibliothèque et café. La visite est en
principe gratuite à l’exception des périodes d’expositions temporaires
indissociables des collections permanentes (ce qui est le cas en ce moment
jusqu’au 30 mars 2025)
Peu de mobilier d’origine mais la mise en scène muséale évoque
d’emblée les regards portés sur le romancier avec l’affichage de nombreux commentaires de ses contemporains, parfois admirateurs,
mais aussi moqueurs et pour certains peu élogieux !
Les bustes le représentant, dont celui sculpté en 1899
par Alexandre Falguière, semblent totalement insensibles à ces critiques, lui
qui a inlassablement analysé et décrit les ressorts des relations sociales dans
les plus de quatre-vingt-dix romans et nouvelles parus de 1829 à 1855, réunis
sous le titre de La Comédie humaine et élaborés dans une construction colossale
et quasi architecturale.
Honoré de Balzac dresse ainsi lui-même son portrait en quelques
lignes.
La critique ne fut pas tendre non plus pour Auguste Rodin
qui représenta l’écrivain en robe de chambre (sa tenue habituelle d’écriture): Le Monument à Balzac, modèle en plâtre réalisé
entre 1891 et 1897. Jugée trop éloignée des canons académiques, la commande ne
fut pas validée pour sa réalisation en bronze. On peut voir au musée Rodin, la
statue en fonte coulée en 1935 pour les collections du musée et ici un écho des
réactions très virulentes de l’époque.
Balzac a écrit quelques-uns de ses plus beaux romans assis
dans ce fauteuil et sur cette table, enveloppé dans sa tenue confortable: Une ténébreuse affaire, La Rabouilleuse,
Splendeurs et misères des courtisanes, La Cousine Bette, Le Cousin Pons, etc.
Tablier de cheminée et bibliothèque faisant partie du
cadre du cabinet de travail.
Les personnages de La
Comédie humaine
Plaques typographiques réalisées par Charles Huard
(1874-1965), ayant servi à l’illustration d’une édition complète des œuvres
balzaciennes.
Entre 1820 et 1850 : Adam, Daumier, Gavarni, Grandville,
Monnier, Wattier etc. illustrent les propos de Balzac.
D’autres caricatures sont exposées dans le cadre de
l’exposition temporaire, Illusions
(conjugales) perdues, accessible à l’étage inférieur. Elle fait référence au titre Illusions
perdues, l'un des plus longs romans de La
Comédie humaine d'Honoré de Balzac, publié en trois volumes entre 1837 et
1843, faisant partie du vaste ensemble des Études de mœurs, dans la section Scènes
de la vie de province. La préface est dédiée à Victor Hugo. Balzac se serait
inspiré de lui pour le personnage de Raoul Nathan, modèle de l’écrivain mondain
réussissant dans tous les genres littéraires et songeant à une carrière
politique. Les deux hommes ne se fréquentaient pas vraiment mais se
respectaient et se reconnaissaient mutuellement
une certaine admiration littéraire.
Les dessinateurs contemporains de Balzac ont été très
inspirés par le mariage et l’ont traité le plus souvent de manière humoristique
et ironique. Leurs caricatures faisant écho aux citations de l’écrivain, à sa
réflexion, à son empathie pour ses personnages féminins donnent toute la mesure de l’ampleur des conséquences
de ces unions arrangées par les convenances sociales et financières et des
situations dramatiques qui en résultaient surtout pour les femmes. Le sujet est
abordé dès ses premiers écrits : La
Physiologie du mariage. Certains thèmes comme le viol conjugal, le
harcèlement, les violences physiques et verbales sont regrettablement toujours
d’actualité.
Pour ces visiteurs, le temps de la réflexion serait-il venu ?
Avant de quitter les lieux, un petit tour par la cuisine n’a
d’autre intérêt que d’ouvrir une minuscule fenêtre (en l’occurrence une porte
de placard !) sur la vie privée de Balzac.
Le choix d’avoir ainsi relégué l’évocation de ces femmes
qui ont partagé des moments intimes de sa vie, dans un endroit si symboliquement
négatif est de très mauvais gout et ne correspondant en rien à la réflexion
balzacienne sur la condition des femmes. Il me semble plutôt qu’il a contribué
à les faire sortir du placard !
Le portrait de la mère de Balzac se retrouve lui aussi
dans cette pièce étriquée. Laure
Sallambier (1778-1854), fille de négociants parisiens, épouse à dix-neuf ans le
quinquagénaire Bernard-François. Né de cette union mal assortie, Honoré de
Balzac aura des relations difficiles avec sa mère qui n’a apparemment pas la
fibre maternelle et aucune prédisposition à se laisser enfermer dans une
cuisine !
Les clichés ont décidemment la vie dure ! Il est
temps de prendre une grande respiration et un peu de hauteur afin de profiter
de la vue.
Honoré de Balzac repose au cimetière du Père Lachaise. La sculpture en
bronze est l'œuvre de David d'Angers.
Ouvert de 10h à 18h du mardi au dimanche
47, rue Raynouard, Paris 16e
Métro : La Muette (ligne 9) ; Passy (ligne 6)
Sources
Bravo....
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