mardi 20 septembre 2022

Iğneada et alentours

Dans cette partie de la Thrace, où les montagnes boisées d'Istranca rencontrent la Mer Noire, Iğneada, modeste petite ville balnéaire, était la deuxième destination de la courte escapade qui nous a conduits aux grottes de Dupnisa. Nous y arrivons en passant par Demirkoy, en suivant, environ 1h30, la sinueuse départementale 565 dont quelques tronçons auraient bien besoin de travaux de réfection…
Malgré une plage de sable doré de 15km, et une mer aux eaux limpides, la saison estivale touche à sa fin. 


Elle est bien plus courte que sur les littoraux égéens et méditerranéens. Fréquentée surtout en juillet et aout, Iğneada a d’autres attraits moins connus. En cet été finissant, la température clémente nous a cependant autorisé une baignade, assez vite écourtée par l’apparition de méduses de belle taille. Le soleil déclinant rapidement, il n’était plus temps de partir vers d’autres découvertes. İğneada Resort Hotel nous hébergea correctement pour le diner et la nuit. Il n’y pas beaucoup d'autres choix sur place.
La réception offre un dépliant assez peu détaillé sur les centres d’intérêt alentours, mais suffisant pour aiguiser notre curiosité.


A Limanköy, éloigné de 7 km, sur un promontoire venteux surplombant la mer Noire de 45 mètres, se trouve un phare qui a été construit par les Français en 1866 sous le règne du sultan Abdülmecit. Il est également connu sous le nom de phare français. 


Il se compose d'une maisonnette et d'une tour cylindrique de 8 mètres de hauteur. La lanterne fonctionnait au kérosène avant l'installation de l’électricité, et pouvait guider les marins à 20 miles (30 km) de la côte.
D’après des photos glanées sur internet, il était encore l’année passée dans un environnement champêtre de prairies et de figuiers sauvages. 




Les bovidés semblent un peu désemparés par l’aménagement en cours de réalisation ! Ils foulent désormais les pavés et ne trouvent plus grand-chose à ruminer.
Bien que l’ensemble soit protégé au titre de patrimoine national par la Direction générale de la sécurité côtière, il est loué depuis quelques années à des entreprises privées responsables de son entretien et utilisé comme restaurant et jardin de thé.
Les conséquences ne se sont  pas fait attendre bien longtemps :
Des terrasses en béton armé ont été construites autour du phare. Il y a des marches en marbre et des pavés sur une bonne partie du périmètre.
Evidemment mes photos sont beaucoup moins pittoresques que celles-ci ! 

2018

2020

Un vieux monsieur nous salue et engage la conversation pour nous raconter l’histoire de Selvet Nine (Mamie Selvet), qui faisait autrefois fonctionner la lanterne. Sa famille émigra de Bulgarie vers un village turc proche de la frontière lorsqu’elle avait 5 ans. Elle se maria avec Osman quelques années plus tard et vint vivre à Limanköy où son beau père était déjà en charge du phare. Son mari fut appelé à Istanbul pour son service militaire de réserve dans les années 1940. Il y tomba malade et mourut.
Selvet resta seule avec trois filles à élever. Elle prit donc la relève et s’occupa du phare. A la nuit tombante, le pétrole était prêt, le ressort actionnant la rotation de la lanterne était remonté et les veilles interminables se succédaient dans la solitude… La journée, elle consacrait plusieurs heures à cultiver son potager.
Mustafa Engin, le mari d'une de ses filles lui succéda 14 ans plus tard. Féru de lecture, il eut à cœur que ses enfants soient instruits. Pour écouter la radio, puis regarder la télévision, il fut l’un des premiers habitants du village à faire relier le phare à l’électricité et Nihat Engin, le petit fils de Selvet, malgré des études à Istanbul, s’occupera lui aussi du phare, qui est devenu pour les villageois un modèle de modernité. Après l'automatisation du mécanisme, la famille s'est installée à Iğneada. Nihat rend de temps en temps visite au phare où il est né et a grandi, et aux deux autres petits phares à l'entrée du port Limanköy qui est véritablement sur la pointe de la côte avec à l’ouest la côte Bulgare balayée par les vents et à l’est la baie qui s’arrondie pour protéger les embarcations jusqu'à Iğneada.


Que dit-on dans le village à propos de cet environnement bétonné ? Pas de commentaire sinon que l’année passée en septembre, le lieu à l’abandon ressemblait à une décharge. Quelle tristesse !
 
A proximité de la station se trouve le Parc National des forêts de plaines inondables d'Igneada, mais pour découvrir cet écosystème rare, ces arbres majestueux qui grandissent dans un monde aquatique de marais, de marécages et ces lacs qui s’écoulent  parfois par delà les dunes côtières dans la mer Noire, nous aurions souhaité trouver des informations précises, des conseils d’itinéraires, éventuellement un guide local. Nous comptions explorer une partie de la forêt de Longoz à pied, mais on ne s’improvise pas aventurier dans une zone forestière de 2500 hectares, bien que l’eau soit à son plus bas niveau à la fin de l’été.
Et il nous reste si peu de temps avant le retour vers Istanbul. Nous découvrirons ces trésors naturels une autre fois. Une bonne raison de revenir, peut-être au printemps pour l'éclosion des nénuphars !


Avant de partir, juste un coup d’œil sur le lac Mert et ses rives bordées de roseaux, le plus étendu des 7 lacs alimentés par des sources d’eau douce. Il abrite une grande diversité de poissons et ce jeune kangal qui s’exerce à pêcher avec obstination va bien finir par attraper de quoi se régaler.

 
En 2015 le projet de construction d’une 3e centrale nucléaire avait été évoqué dans la région d’Iğneada. De vives protestations s’étaient élevées. Actuellement personne n’en parle plus, mais ce silence n’est pas forcement rassurant. Pour rappel, la première est en fin de construction dans la région méditerranéenne à proximité de Mersin et il est prévu qu’elle entre en activité en 2023. Quand à la 2e, elle devrait être construite vers Sinop.


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