A 25 km à l’ouest d’Assos - Behramkale, à proximité du
village de Gülpınar (l’antique Chryse), il y a plus de 2 siècles que le temple
d'Apollon Smintheion a été identifié par un voyageur français, Jean Baptiste Le
Chevalier, dont la curiosité fut probablement aiguisée par la lecture des
descriptions trouvées dans les textes de Strabon (géographe né à Amasée –
actuelle Amasya en Turquie, au 1er siècle av.JC).
Mais aucune fouille approfondie
n’avait été entreprise jusqu’en 1980, et d’ailleurs le site était occupé par
des oliveraies et des bâtiments abritant des pressoirs depuis plusieurs années.
Le Pr. Coşkun Özgünel et son équipe
se sont attelés à la tâche, il y a presque 35 ans, et le périmètre étudié est
bien plus vaste que celui où a été élevé le temple au milieu du 2e siècle
av.JC. Il est probable que la consultation des oracles ait précédé d'au moins 2 siècles sa construction. Un grand nombre de vestiges ont été exhumés et la reconstitution bien entamée.
On en est même à recouvrir les marches de plaques de marbre flambant neuves… Ce
qui n’était vraiment pas nécessaire… Et pour tout dire scandaleux!
Le parcours est jalonné de panneaux explicatifs en turc et en anglais pour les plus curieux.
Le sanctuaire est de style
ionique de la période hellénistique. Les décors sculptés de son architecture
(frises et tambours supérieurs des colonnes) ont la particularité de constituer
une sorte de bande dessinée éducative inspirée des poèmes homériques concernant
la légendaire guerre de Troie et ses héros. Quelques uns sont exposés depuis
1993 dans le petit musée adjacent (un bâtiment de l’ancienne fabrique d’huile d’olives),
et d’autres sont au musée archéologique de Çanakkale. On y trouve aussi un
fragment de jambe attribué à une statue d’Apollon… mais pas de trace de la
moindre petite souris pour l’instant sauf sur le logo du site.
Le temple n’est pas l’unique
vestige. Les constructions et infrastructures alentours (thermes décorés de pavements de mosaïques, citernes, canalisations,
routes empierrées) mettent en évidence l’importance du lieu de culte dédié à Apollon
Smintheion (maître des rats) durant toute la période hellénistique et pendant une grande partie de la période romaine.
Sur les stèles en marbre gravé d'inscriptions de la galerie, reposaient les statues de bronze des vainqueurs de compétitions de lutte organisées en l'honneur du dieu. (Ces statues ont aujourd'hui disparues)
Quand on sait que les Romains
revendiquaient pour ancêtre le Troyen Enée on comprend leur vénération pour
Apollon Smintheion, ce dieu qui avait pris partie pour les Troyens en envoyant des
hordes de rats portant la peste sur les guerriers achéens qui avaient enlevé la
fille du prêtre d’Apollon, Chryse, et offerte à Agamemnon. La jeune femme
libérée, la population locale et le prêtre offrirent des sacrifices au dieu. Ce
sanctuaire a été élevé bien des siècles plus tard pour commémorer cet épisode
de la mythologie grecque. Une source est associée à l'emplacement du lieu.
De grandes quantités d’eau étaient nécessaires pour
les purifications et les sacrifices d’animaux. Les visiteurs venaient de loin
pour assister aux cérémonies, écouter les oracles et prophéties.
Le site archéologique a révélé
aussi des traces de constructions et des objets datant de 5000 ans av. JC, représentatifs
d’une occupation du chalcolithique, culture caractérisée par des savoir-faire
intermédiaires entre ceux du néolithique et ceux de l’âge de bronze. Ces
vestiges sont plus anciens que ceux retrouvés à Troie.
Les fouilles sont dirigées
depuis 1996 par T. Takaoğlu mais les résultats ne sont pas encore accessibles.
Pour un aperçu, il faut
consulter le site Internet officiel dont sont extraites les photos suivantes.
Les tessons de poteries retrouvés
présentent pour la plupart un décor qui retient l’attention. Leur surface porte
l’empreinte de vanneries et de tissage en laine réalisée par pression sur l’objet
avant sa cuisson. Une similitude avec la céramique cordée que l’on a trouvé en
Europe et datée d’environ 3000 à 2200 av. JC.
Et voilà notre périple bouclé. Nous avons suivi la petite route côtière comme prévu et fait
provision de légumes frais vendus par les producteurs avant de rejoindre la E 87 à Ezine, en direction des
Dardanelles pour emprunter le ferry.
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