L’objectif de nos pérégrinations printanières
vers le plateau anatolien était bien, comme annoncé dans la publication
précédente, de remonter le fil de l’histoire jusqu’aux temps reculés des
Phrygiens, mais en dépassant Küthaya, il était tentant de faire un petit détour
(environ 60km) vers la cité antique d’Aizanoi qui eut son heure de gloire au 2e
et 3e siècles quand toute la Phrygie fut incluse dans le vaste empire romain. Elle
dut sa prospérité au commerce du blé, du vin et de la laine.
Découverte par des voyageurs européens en 1824, dont
le français Alexandre de Laborde, et rapidement identifiée, elle reste
peu fréquentée par les touristes mais fait encore régulièrement l’objet de
fouilles archéologiques et d’études concernant les nombreuses inscriptions
gravées sur les pierres.
Dans le village actuel de Çavdarhisar, après
avoir franchi l’un des deux ponts romains enjambant encore la rivière Pankalas,
petit affluant du Kocaçay (antique fleuve Rhyndacos), les ruines majestueuses du temple de Zeus
s’imposent au regard. Il fut construit sous le règne de l’empereur Hadrien (117
à 138).
Il s’élève curieusement au dessus d’une grande salle souterraine voûtée,
un sanctuaire oraculaire du dieu probablement.
L’ornement de l’acrotère est désormais au sol
bien visible et en bon état malgré sa chute. Il représente un buste féminin
émergeant des feuilles d'acanthe.
Pendant la période byzantine Aizanoi fut un siège épiscopal et
le temple fut utilisé pour le culte chrétien.
Les stèles funéraires romaines bordant le site ont
l’aspect très particulier de portes fermées simples ou doubles. Peut être une
réminiscence des monuments funéraires phrygiens.
Un peu plus loin sur la droite se trouvent les
vestiges de thermes romains, puis d’un stade jouxtant un théâtre dans une disposition
unique.
En revenant vers le village, on peut voir les
ruines d’autres thermes dont une partie couverte et inaccessible recouvre un sol
décoré de mosaïques en cours de restauration.
En face, un chemin bordé d’anciennes demeures
ottomanes en pierre et torchis, la plupart abandonnées, conduit au
Macellum,
édifice circulaire où s’établissaient les prix des denrées alimentaires et des
esclaves, l’ancêtre de la bourse en quelque sorte.
Avant d’y arriver, on peut voir sur la droite les
ruines d’un odéon.
L’avenue à colonnade datée du 4e siècle
a emprunté les éléments architecturaux d’un temple d’Artémis détruit. Elle
menait au sanctuaire de Cybèle, la Grande
Déesse Mère anatolienne, situé à environ 2 km dans la grotte Steunos ornée de gravures rupestres. Ce
lieu était lié au mythe de la naissance de Zeus et donc encore vénéré par les
Romains.
La visite se termine par une promenade bucolique
le long de la rivière entre les deux ponts.
Un vieil homme y fait sa cueillette d’oseille-épinard (tr : labada), photo ci-dessous, et nous renseigne sur l’origine du nom du
village qui remonte au 13e siècle quand la tribu tatare des Çavdar s’installa dans la forteresse construite
par les Seldjoukides. Rien à voir donc avec la culture du seigle (aussi çavdar
en turc) qui pousse pourtant dans la plaine fertile des alentours ainsi que
d’autres céréales.
Le musée archéologique (dans l’ancienne medrese
Vacidiye) et le musée de la
Brigade (Tugay Müzesi) à Küthaya exposent un grand nombre
d’artefacts découverts sur le site de la ville antique (sarcophages, statues,
poteries…)
En septembre 2019 des archéologues turcs ont découvert un trésor à Aizanoi. Près de la rivière qui traverse les lieux, ils ont trouvé une banale cruche en céramique. Elle contenait 651 pièces de monnaie en argent, plus exactement 439 denarii romains et 212 drachmes cistophores, une monnaie typique de la contrée de Pergame. Depuis, les pièces ont pu être examinées et analysées. L'ensemble des pièces a été créé entre 75 à 4 avant notre ère. Elles pourraient avoir été cachées par un officier romain.
RépondreSupprimerCes pièces romaines sont frappées des portraits de César, Auguste, Brutus et Marc Antoine. Le trésor a été confié au Musée des civilisations anatoliennes, à Ankara où elles devraient être prochainement exposées.
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