En revenant de Bergama vers Izmir
en octobre dernier, nous avions traversé l’Eolide, cette bande côtière égéenne, investie
par les Eoliens (l’un des peuples de la Grèce archaïque, les trois autres étant les
Achéens, les Ioniens et les Doriens), plusieurs siècles avant que Pergame ne
sorte de l’anonymat. Les pancartes signalant des sites moins spectaculaires
n’accrochent pas vraiment le regard.
Kyme
Au niveau de la bourgade Aliağa,
suivons celle qui indique la direction de Kyme, ou Cyme.
Les trouvailles des premières
fouilles de la nécropole, dirigées en février, mars et avril 1881 par Salomon
Reinach et Edmond Pottier, sont consignées dans le 10e volume du Bulletin de correspondance hellénique (1886) p. 492 et le 13e volume du Bulletin de correspondance hellénique (1889), pp. 543-562.
Il est fait mention de
difficultés avec le gouvernement turc et de la confiscation des trouvailles à
l’exception d’un masque en terre cuite et d’une tête d’Héraklès qui auraient
été déposés au musée du Louvre.
Une statue archaïque de Cybèle
et cinq bas-reliefs la représentant avec un lionceau dans les bras auraient été
envoyés à Constantinople et trois de ces vestiges sont recensés dans le
catalogue du musée impérial, 1882, pp.13 et 88. Salomon Reinach remercie Hamdi
Bey d’avoir eu la complaisance de transmettre deux photos.
Une mission archéologique
française a poursuivi les fouilles en 1924. Elle a évidemment trouvé moins
d’obstacles pour s’approprier de nombreux objets qui sont
actuellement au Louvre, au Britsh Museum de Londres ou au Metropolitan Museum
de New-York. La toute récente République Turque avait d’autres priorités que la
protection de son patrimoine. Il n’en est plus de même aujourd’hui, les
multiples demandes de restitution en témoignent, et la visite du vaste chantier
de fouilles se fait sous l’œil bienveillant mais vigilant du gardien des lieux
qui suit consciencieusement chacun de nos pas.
Après une mission tchécoslovaque
en 1926, de plus importants sondages ont été effectués à partir de 1953 par des
archéologues turcs, allemands, et italiens. Depuis 2008 une équipe de l’Université
de Calabre s’active tous les étés sur le site et tente de donner une vision
chronologique des vestiges dont les restes éparpillés s’entremêlent. Pour
rassembler et présenter les innombrables artefacts trouvés lors des fouilles et
couvrant toutes les époques, un musée devrait bientôt ouvrir ses portes dans la
commune d’Aliağa à proximité du site.
Cette cité portuaire aurait été
fondée par les Eoliens au 11e siècle av JC. Sa prospérité économique découlant
d’un commerce maritime de première importance est attestée dès la période
archaïque (1000 -
500 av JC).
A l'époque classique elle eut
une position dominante dans le cadre politique de la région égéenne. A la tête
de la confédération éolienne, elle fut intégrée par la suite à la confédération
d’Athènes.
Kyme fut restaurée à l’époque hellénistique
et embellie par la construction de monuments importants: théâtre, temples, remparts,
quartiers résidentiels et extension de la jetée.
Pendant la période romaine, la
cité a été en partie détruite par des tremblements de terre mais des
reconstructions d’envergure lui ont redonné pour quelques siècles, son
prestige. Les thermes en particulier en étaient le fleuron avec un système d'alimentation et d'évacuation d'eau très sophistiqué. Les canalisations de terre cuite en témoignent.
Vers le 7e siècle, elle perd peu à peu toute influence sur
la région.
Au 12e siècle, une
forteresse byzantine fut construite avec les pierres de monuments antiques pour
protéger le port mais l’activité n’était alors plus limitée qu’à cette zone
portuaire.
Aujourd’hui, une grande partie
des vestiges des quais est immergée, tandis que tout près de là, Eole fait
tourner sans faiblir les pales des éoliennes de l’un des 90 parcs que compte la Turquie …
Larissa
Encouragés par cette visite,
nous avons cherché aux alentours de Buruncuk, une autre cité d’Eolide dont
la fondation aurait précédé celle de Kyme: Larissa (homonyme d’une ville de
Thessalie en Grèce continentale). Une pancarte indiquant la
direction à suivre nous conduit par une voie tout juste carrossable vers un
lieu désert et venté.
Au beau milieu de rien, alors
qu’une autre pancarte n’a pas résisté au souffle puissant du dieu, un panneau récent
explique que dans les années 1902 – 1904, des Allemands et des Suisses ont
trouvé les vestiges des remparts archaïques et d’un palais construit vers 330
av JC. Les Galates, ces Gaulois qui ont peuplé une partie de l’Anatolie,
auraient définitivement ruiné la cité en 279 avant J.C. Sur la colline, au
loin, les fondations de l’acropole sont parait-il visibles mais les bourrasques
n’incitent pas à la promenade. Nous renonçons pour cette fois.
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