mardi 23 septembre 2025

Echappée nostalgique à Alanya

Estivale et idyllique rencontre il y a 50 ans… ça valait bien un retour aux sources d’une vie de couple !


Alanya était alors une destination très prisée des touristes français voyageant en Turquie, sous les bannières de « Nouvelles Frontières » et « Marmara ».
Cadre propice aux amours de vacances, la rencontre aurait pu être éphémère et, loin des yeux loin du cœur, aurait pu se terminer aussi soudainement qu’elle avait commencée. L’entourage espérait cette issue en me conseillant de remettre rapidement les pieds sur terre…
Mais l’histoire ne s’est pas arrêtée là ! Ensemble nous avons sillonné la Turquie d’Ouest en Est et du Nord au Sud comme en témoigne ce blog et franchi de nombreuses frontières, en commençant par nos fréquents allers-retours entre la Turquie et la France en voiture et en autocar, en bateau, en avion et puis pour le plaisir de découvrir d’autres cultures, d’autres paysages, de la Hollande à la Chine, de la Grèce à l’Italie, du Pérou à Cuba…  
Revenir à Alanya avec les enfants fut au programme en été 2000 si mes souvenirs sont exacts, avec une mémorable expérience de rafting !
Les Français avaient alors quasiment déserté les lieux, la petite ville balnéaire avait bien changée, transformée par le gigantisme tentaculaire de ses complexes hôteliers. Nous n’avions même pas cherché à retrouver la rue principale du centre-ville historique qui menait de l’hôtel au restaurant Mahperi et à la plage, à l’est du piton rocheux surplombant le front de mer.


En été 75, une soirée s’y était prolongée en terrasse autour d’un verre de liqueur de banane et une autre avec un cornet de glace... à la banane. Donc forcément ce fruit est indissociable d’Alanya dans mes souvenirs.
 

Il faut dire aussi que la production des bananeraies alentours est particulièrement savoureuse, mais ne s’exporte pas au delà des frontières turques. 




Une parenthèse pour une pause gourmande. Le glacier de mes souvenirs n’existe plus, mais l’un de ses commis a pris la relève et ouvert une boutique dans un autre quartier. Je n’ai évidemment pas résisté à une dégustation de glace à la banane en y ajoutant un autre parfum (mûre), les deux succulents !



Un ami Alanyote a guidé nos pas dans le bruit et la fureur d’une discothèque à ciel ouvert, dans l’incrédulité de ce qu’était devenue la petite rue pittoresque et tranquille, ses maisons typiques, encore debout mais enveloppées désormais d’une ambiance plus électrique dès la tombée du jour.


On a plongé un regard sur le quartier depuis la terrasse du meilleur restaurant d’Alanya, Güverte (traduction : pont d’un navire), réputé pour ses mezze et savoureux poissons. 


Il porte bien son nom, offrant une vue panoramique sur la rade qui abritait le petit port de pêche, aujourd’hui une marina ou stationnent les galions pirates qui se pavanent au large de la plage Cléopâtre de jour comme de nuit, chargés de leur cargaison touristique.


Pourquoi ces galions ? Pourquoi une plage Cléopâtre ?
Les lieux sont connus depuis l’Antiquité comme base de repli des corsaires de la Méditerranée, capitaine et membres d’équipage de navire civil armé à la solde d’un état. Ils avaient pour fonction de piller et couler les navires marchands ennemis en temps de guerre et ne doivent donc pas être confondus avec les pirates, qui devaient d’ailleurs eux aussi fréquenter les parages. D’où une décoration suggestive des embarcations plus à même d’accrocher les touristes ! 
Quant à Cléopâtre, on ne sait pas si elle s’est véritablement baignée à Alanya mais il est avéré que Marc Antoine lui offrit ce littoral méditerranéen en cadeau. Et cette magnifique plage de sable blond à l’ouest du promontoire vaut bien une désignation royale !
Rappelons que la région fut conquise au 4e siècle avant notre ère par Alexandre le Grand et fut gouvernée lors du partage de l’empire par la dynastie macédonienne des Ptolémées, dont Cléopâtre est une descendante. La ville, nommée alors Coracesium fut prise par Rome en 67 avant notre ère et fut intégrée à la province romaine de Pamphylie. Le geste de Marc Antoine est donc plus politique et diplomatique que celui d’un amant généreux… mais ne ternissons pas trop la magie de leur mythique rencontre à Tarse situé à 350 km de là sur ce même littoral! 


Pour retracer à grands traits la suite de l’histoire de la cité, la forteresse soulignant les contours du piton rocheux d’une muraille de 6km jalonnée de nombreuses tours et margelles témoigne d’une construction remontant à l’époque seldjoukide sur une base constituée de précédentes fortifications hellénistiques puis byzantines.

A l’époque chrétienne, la ville devient un important évêché et porta le nom de Candelero (Kalon Oros, Belle Colline). Elle subit les raids des Arabes à partir du 7e siècle et dû se doter de nouvelles fortifications qui ne résisteront cependant pas à la lutte entre les Byzantins et les Turcs seldjoukides qui en prennent possession en 1221. Elle devient leur capitale d’hiver et se nomme alors Alaiye. La forteresse accueille la résidence du sultan Alaeddin Keykubat I. L’activité portuaire et commerciale de la cité se développe.
Depuis la tour rouge et l’arsenal, la plupart des constructions encore visibles s’étageant à l’intérieur des fortifications datent de cette époque.


On ne peut que recommander cette visite facilitée depuis 2017 par la montée partielle en téléphérique. 


Il faudra encore gravir de nombreuses marches avant d’arriver au sommet et découvrir un paysage époustouflant et en chemin quelques vestiges bien conservés.


Un türbe seldjoukide du 13e siècle


La mosquée construite à la même époque et frappée par la foudre fut restaurée avec ses éléments d’origine au 16e siècle par le sultan ottoman dont elle porte aujourd’hui le nom Süleymaniye.


La citerne de Mecdüddin, datant du 13e siècle est une construction de plan rectangulaire en brique recouverte d’enduit. 


On y accède par un escalier étroit et ses hautes marches de pierre. La descente est quelque peu périlleuse et la remontée sportive. 


En surface, trois puits d'extraction d'eau et un trou d'évacuation sont apparents.


Le bedesten (marché couvert d’époque ottomane) depuis lequel on peut observer un artisan décorant et ajourant minutieusement des calebasses.


Des maisons historiques réaffectées à la connaissance du patrimoine culturel. 



D'autres plus modestes proposent des pauses jus de fruits, de production locale. 

Au cœur de la forteresse d'Alanya se situe la citadelle (İç Kale), qui servait de dernière ligne de défense pendant les sièges.



On y trouve l’entrée du palais d’Alaeddin Keykubad. 


Une petite église orthodoxe témoigne du passé byzantin de la cité. Erigée au 8e siècle sur les lieux même ou saint Georges aurait terrassé le dragon, elle fut restaurée en 1873. On y célèbre des offices une fois par mois.

Aux 14 et 15e siècles des attaques de différentes puissances régionales fragilisent l’essor de la cité qui est finalement intégrée à l’empire Ottoman en 1471. Elle perd progressivement de son importance avec la diminution des flux commerciaux en Méditerranée au profit de ceux vers le Nouveau Monde par l’Atlantique.


Et justement ces figuiers de Barbarie, omniprésents dans le paysage, sont là pour en témoigner! Ils se sont parfaitement bien adaptés à leur environnement depuis que les conquistadors les ont rapportés dans leurs bagages. Ils ont colonisé tout le pourtour méditerranéen.



Depuis les remparts il est temps d’admirer l’intemporel coucher de soleil sur la Grande Bleue et la nuit tombante sur Alanya, avant de redescendre pour retrouver le petit hôtel sans prétention, mais très correct, qui a le mérite d’avoir conservé l’atmosphère  conviviale et sans artifice de mes souvenirs, en plein centre ville mais à proximité de la plage Cléopâtre que nous retrouverons demain matin avant de partir explorer d’autres merveilles.